Une enquête ethnobotanique explore la flore cosmétique traditionnelle à Mayotte
Publié par IRD Occitanie, le 21 octobre 2024 180
La première étude inventoriant la diversité des plantes cosmétiques utilisées spécifiquement par la communauté mahoraise vient d’être publiée dans la revue Heliyon. Elle associe l’IRD, le CRIOBE, le Pôle d’Excellence Rurale de Mayotte, le Conservatoire botanique national de Mascarin (La Réunion) et Akinao, bureau d’étude basé à Perpignan.
Savez-vous ce qu’est une cosmétopée ? C’est le recensement des minéraux, plantes ou produits animaux entrant dans la composition de produits de beauté ou de soins traditionnels. Les scientifiques se sont intéressés à ceux utilisées à Mayotte, département d’outre-mer situé dans l’océan Indien.
Les cosmétiques traditionnels sont un reflet de la culture
Le fameux monoï, mélange d’huile de coco et de fleurs de tiaré, fait partie de la cosmétopée des polynésiens. Même si ce soin corporel parfumé est désormais mondialement connu, il fait partie intégrante de la culture de cette région du monde. C’est le cas pour tous les savoirs traditionnels, tels que les cosmétiques d’origine naturelle réalisés à Mayotte où les femmes arborent un masque de beauté particulier, le msindzano. Ce département français situé dans l’archipel des Comores, proche de Madagascar, abrite une diversité de populations dont les origines sont le fruit d’influences variées : africaine, arabe, austronésienne, européenne, indienne. Cette variété culturelle se reflète dans les soins corporels inventoriés par les auteurs de la présente étude. « A Mayotte, la transmission des pratiques traditionnelles diminuant au profit de produits occidentaux facilement disponibles, il est capital de mener des recherches ethnobotaniques sur les usages des produits naturels entrant dans la composition de la cosmétopée », argumente François Chassagne, ethnopharmacologue à l’UMR PHARMADEV. L’objectif de leurs inventaires était de recenser les espèces végétales utilisées et les principales recettes cosmétiques mahoraises, à des fins de préservation et de valorisation par la population locale.
Enquête ethnobotanique auprès d’experts locaux
« L'enquête réalisée dans 14 communes de la Grande-Terre, l’île principale de Mayotte, a concerné 35 praticiens traditionnels, hommes et femmes en proportions équivalentes, explique Oumaynou Daroueche, doctorante en chimie et ethnobotanique au Pôle d’Excellence Rurale de Coconi. Ils et elles sont appelé.es fundi, terme qui désigne un savant ou un expert dans un domaine particulier. Dans cette étude, il s’agissait de tradipraticien.nes ou de personnes qui défendent et transmettent les savoirs ancestraux. » Les enquêteurs - Oumaynou Daroueche et un collègue botaniste - collectaient des informations sur la source de leurs connaissances sur les plantes, les recettes cosmétiques traditionnelles, les cibles (ongles, cheveux, corps, visage), les types d’utilisation (soin, hygiène, maquillage, protection, beauté), les ingrédients utilisés (nom vernaculaire des plantes et parties utilisées), etc. D’autres questions portaient sur les plantes utilisées à des fins médicinales mais qui pourraient être extrapolées aux cosmétiques. Au total, 470 formulations cosmétiques seront recensées.
Plus de 400 recettes recensées et 83 plantes identifiées
Zoukouba désigne un mélange de plantes odorantes séchées pilées dans un mortier jusqu'à obtenir la consistance souhaitée puis utilisé en adjuvant dans les masques faciaux. Matcha Manu Kantru est une préparation à base de lait de coco dans lequel on met à macérer des plantes aromatiques et qui sert de parfum lors des mariages. Le fameux msindzano désigne un masque de beauté fabriqué à partir de diverses tiges de bois grattées sur du corail avec un peu d'eau jusqu'à l'obtention d'une pâte lisse qui sera appliquée sur le visage des femmes. Les fleurs représentent la partie de la plante entrant dans le plus grand nombre de recettes. Si 83 espèces végétales ont été identifiées, d’autres ingrédients entrent dans la composition des produits traditionnels : eau de mer, cire d’abeille, miel, argile, sel et charbon. Les recettes les plus complexes requièrent jusqu’à 13 ingrédients mais la plupart sont mono-ingrédients. Parmi les bienfaits attendus de ces préparations, les plus souvent cités sont une amélioration de l’hydratation et de l’éclat de la peau. Du côté des espèces végétales, les plantes à parfum apparaissent comme une caractéristique principale de la cosmétopée mahoraise. Sur les 83 espèces reconnues, cinq1 sont particulièrement citées par les fundi, avec en tête le cocotier. « Cette étude contribue ainsi à la préservation des savoirs liés à la cosmétique traditionnelle de Mayotte, concluent les auteurs. Des études complémentaires sur le plan pharmacologique devront être réalisées pour certaines plantes endémiques de la région, afin de confirmer leur intérêt pour l'industrie cosmétique et ainsi contribuer à la croissance économique du peuple mahorais. »
1 Cocos nucifera (le cocotier), Jasminum nummulariifolium (un jasmin endémique aux Comores), Ocimum spp. (différentes espèces de basilic), Curcuma longa (le curcuma) et Lawsonia inermis (le henné)
Publication
: Daroueche O., Dimassi A., Bertrand C., Chassagne F. 2024. Exploring
traditional cosmetic flora from Comoros islands : an ethnobotanical
survey in Mayotte. Heliyon, 15, p. e35322 [23 p.]. https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2024.e35322
Contacts science : François Chassagne, IRD, PHARMADEV francois.chassagne@ird.fr
Oumaynou Daroueche, CRIOBE et Pôle d’Excellence Rurale (Coconi, Mayotte), oumaynou.daroueche@gmail.com
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr
Source : https://www.ird.fr/une-enquete...