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Les caféiers, adeptes de la self-défense

Publié par IRD Occitanie, le 30 juin 2023   420

L’UMR DIADE et leurs partenaires ont montré l’efficacité de certains composés produits dans les graines de caféiers contre leurs agresseurs. Leurs résultats - qui révèlent également que ces défenses chimiques sont transmises de la graine aux différents tissus de la plantule après germination -  sont publiés dans Plant Physiology and Biochemistry.

Le monde végétal est décidément plein de ressources. Les caféiers, par exemple, peuvent compter sur un éventail spectaculaire de défenses chimiques contre leurs agresseurs.

Caféiers de la Réunion - Bassin Martin

© IRD - Villegier, Guillaume

Produire ses propres défenses chimiques

Chez la majorité des espèces végétales, différentes enveloppes plus ou moins dures constituent la première ligne de défense des graines contre les herbivores et les pathogènes. Faute de disposer de protection mécanique suffisante, les graines de caféier ont misé sur un éventail de défenses chimiques contenues dans l'albumen. Ces substances appelées métabolites secondaires -  dont les terpénoïdes - peuvent représenter plus de 10 % de la matière sèche des graines. Alors que de nombreuses études ont montré les propriétés pharmacologiques et anticancéreuses du cafestol et du kahweol, deux diterpénoïdes les plus abondants dans les grains de café, leur rôle biologique dans les caféiers (genre Coffea) reste méconnu. « Nous avons émis l'hypothèse que les diterpènes spécifiques aux graines de caféiers pourraient constituer des défenses contre les ravageurs, avance Gaëlle Antoine, doctorante et premier auteur. Toutes les espèces de Coffea analysées jusqu'à présent accumulent du cafestol et du kahweol dans leurs graines. »

Coupes transversales de fruits de caféiers

© IRD

Diterpènes efficaces contre champignons et insectes

Pour vérifier leur hypothèse, les scientifiques de l’IRD et leurs partenaires ont testé l'effet de solutions de cafestol sur la croissance et le développement de ravageurs tropicaux comprenant six espèces de champignons phytopathogènes et deux de mouches des fruits. Ces essais de bioactivité mettaient en œuvre des concentrations de diterpènes inférieures aux niveaux atteints dans les graines des Coffea.  « Le cafestol a significativement retardé la croissance mycélienne de cinq des six champignons testés et a montré des activités insecticides contre les différents stades du cycle de la mouche des fruits B. dorsalis », se réjouissent les chercheurs. Au vu de ses performances antifongiques et anti-insectes, le cafestol peut donc être considéré comme une substance de défense à spectre large.

Population sauvage de Coffea stenophylla. Plantules. Forêt de l'Ira

© IRD - Julien Berthaud

Stratégie payante pour les caféiers

Ce point étant établi, les biologistes ont cherché à savoir ce que devenaient les diterpènes après la germination. « Nous avons quantifié ces composés dans l'albumen, l'embryon et différents tissus de plantules à divers stades de développement chez Coffea mauritiana Lam. et C. arabica », explique Stéphane Dussert, chercheur à l'UMR DIADE. Leurs résultats sont sans ambiguïté : en ce qui concerne C. arabica, l'albumen des graines matures contient majoritairement du kahweol. Au cours du développement des semis, la quantité de kahweol dans l'albumen se réduit notablement pendant qu’elle augmente dans la plantule issue de la germination. Si la concentration de cafestol dans les graines de cette espèce est bien inférieure à celle du kahweol, on constate que c’est la situation inverse chez C. mauritiana. Cependant, dans les deux espèces, à chaque stade de développement, l'augmentation de chaque diterpène dans la plantule correspond quantitativement à sa diminution dans l'albumen. Bien entendu, les chercheurs ont vérifié que l'accumulation de diterpènes dans la plantule n'était pas le résultat d'une synthèse de novo. Ces résultats suggèrent que les diterpènes stockés dans la graine sont transférés à tous les organes de la plantule. Les processus sous-jacents semblent être communs aux deux espèces de Coffea. Par ailleurs, les auteurs de l’étude ont réussi à montrer que « les diterpènes sont localisés dans les corps lipidiques de l'albumen, ce qui permet l'accumulation de grandes quantités de ces substances sous une forme non toxique ». Ainsi les caféiers optimisent l'important investissement que représente la synthèse de composés de défense, en conférant une protection à la graine en développement puis à la graine mature attente de conditions favorables pour germer et enfin au semis qui en résulte. Il restera à élucider par quels mécanismes, et sous quelles formes chimiques, le cafestol et le kahweol sont transférés de l'endosperme aux cotylédons puis transportés des cotylédons aux racines du jeune plant.


Publication : Antoine G., Vaissayre V., Meile J. C., Payet J., Conejero G., Costet L., Fock-Bastide I., Joët T., Dussert S. 2023. Diterpenes of Coffea seeds show antifungal and anti-insect activities and are transferred from the endosperm to the seedling after germination. Plant Physiology and Biochemistry, 194, 627-637. https://doi.org/10.1016/j.plaphy.2022.12.013

Contacts science : Stéphane Dussert, STEPHANE.DUSSERT@IRD.FR et Thierry Joët, THIERRY.JOET@IRD.FR, IRD, DIADE


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR