Toulouse, capitale culturelle scientifique. Soyons précis.

Publié par PLISKINE ROBERT, le 19 janvier 2024   260

Ô Toulouse ! Depuis 1000 ans capitale culturelle avec les troubadours, l'Orchestre de Toulouse, les musiciens comme Déodat de Séverac (qui n'est pas qu'un lycée), mais aussi capitale scientifique (qui a un prix Nobel de Chimie, Paul Sabatier) technologique (Airbus), médicale etc ... 

Aujourd'hui, je vais prendre la défense de la langue française, dont la beauté et surtout la précision permettent de travailler de façon précise, qu'on soit musicien ou ingénieur. Et cette pauvre langue française est massacrée par ceux qui devraient en être les défenseurs, qui mélangent le sens des termes, voire l'inverse. Incroyable ? Mais non, en voici la preuve.

Le langage courant et ses erreurs, inversions de vocabulaire

Il est très important de bien préciser le vocabulaire et son usage dans chaque situation.

Pour bien préciser le sens des mots car c’est essentiel, et sans vouloir faire ici un cours de maths, de physique ou de français car ce n'est pas le lieu, je prends des exemples de la vie courante qui permettront au lecteur d'apprécier la différence entre l'utilisation courante et le véritable sens scientifique ou Français.

A propos de la pandémie covid-19, tout le monde parle d'une "progression exponentielle". Ce qui est une absurdité mathématique. Le mot "exponentielle" est très précis : il s'agit d'une fonction continue, dérivable, de forme ax ou x est un nombre réel ou complexe, positif ou négatif, dont la représentation graphique est une courbe continue. En bref, appliquer ce mot à la pandémie signifierait qu'on peut avoir un nombre de malades négatif, fractionnaire, voire irrationnel, ce qui est absurde. En réalité il faudrait dire "suite géométrique", an, où n est un nombre entier positif comme peut l'être un nombre de malades, qui n’est pas une fonction, n'est ni continue, ni dérivable, et dont la représentation graphique est un nuage de points. Donc aucun rapport. Sauf que les deux représentations graphiques sont de formes similaires, en montée rapide, et comme peu de gens savent ce qu'est une suite géométrique et qu'au contraire l'utilisation imagée "exponentielle", même utilisée à tort et à travers, est connue, il serait bien mal venu de faire un procès aux utilisateurs pour "outrage et diffamation envers les mathématiques".

De même, il est habituel de confondre "poids" (qui est une force d'attraction gravitationnelle exprimée en Newtons) et masse (qui est une inertie ou une quantité de matière exprimée en kilogrammes). On l'a bien vu lors de l'alunissage des Américains en 1969, où les astronautes faisaient des bonds de cabris avec une masse de 200 kg d'équipement dont le poids sur la Lune était équivalent à celui d’une masse de 15 kg sur la Terre. A qui viendrait-il l'idée d'assigner les ingénieurs des Mines qui écrivent sur les Cartes Grises des véhicules "poids à vide" ou "poids total en charge" en kilogrammes alors qu'il s'agit de masses.

Quant à l’expression « Quelle chaleur ! » elle est une confusion entre « chaleur », forme d’énergie exprimée en Joules, et « température », mesure de l’agitation thermique exprimée en Kelvin.

Sans oublier l’erreur énorme de physique des présentateurs de la météo sur les chaînes TV généralistes. Quand la température en Celsius ( l’habituelle) passe de 10 °C à 20 °C, ils disent froidement « La température a doublé ». Pour la même variation de température dans un pays Anglo-Saxon où on utilise l’échelle Fahrenheit, on passerait de 50 à 68 degrés, donc pas du simple au double. L’erreur vient de considérer des différences de température comme des rapports. En fait il faudrait, pour utiliser des différences et des rapports ayant un sens, utiliser l’échelle absolue, la seule applicable en physique, soit exprimer T en K = T °C + 273,15. Dans ce cas on serait passé de 283,5 K à 293,5 K, la différence étant bien de 10 °C ou 10 K , mais le rapport à peine > 1.

En revanche, les températures d’ébullition du dioxygène (90,188 K soit -182,96 °C ) et du diazote (77 K soit - 196 °C) ont bien une différence de 13 degrés dans les 2 échelles, mais un rapport de 1,07 dans l’échelle absolue Kelvin, la seule qui ait un sens.

Erreurs de genre :  

C’est UN espèce de … » quand l’intéressé est du genre masculin, alors que le mot espèce est féminin .

La recherche du « plus petit dénominateur commun » pour trouver un accord est une erreur mathématique. Le plus petit dénominateur commun est 1. Ce qu’on cherche est en réalité le « plus petit numérateur commun », ppcm « Plus petit commun multiple », quantité divisible par tous les termes.

Il ne faut pas inverser le sens des expressions.

Tirer les marrons du feu n’est pas un avantage, au contraire . L'expression tirer les marrons du feu vient de la fable de La Fontaine Le singe et le chat. Son sens exact est « se donner de la peine pour le seul profit d'autrui ». Dans l'usage populaire, elle est employée à tort au sens de « bien s'en sortir, profiter au mieux de la situation » aux dépens de celui qui se brûle en tirant les marrons du feu.

Quand une entité part en morceaux multiples sous l’effet d’une force intérieure, elle explose. C’est le cas par exemple d’un obus par la force produite par la combustion de son explosif, ou d’un bâtiment où il y a une fuite de gaz. De façon figurée, c’est aussi quand une entité politique part en plusieurs morceaux sous l’effet de forces internes centrifuges. Exemples : partis politiques par scission ou Union Soviétique en 1991 qui a explosé en 15 états. Quand une entité vide ayant une fissure est écrasée par les forces extérieures et se brise en morceaux, elle implose. C’est le cas des ampoules électriques fluo-compactes dont l’intérieur contient de la vapeur de mercure sous très faible pression, c’était le cas des tubes cathodiques de TV où régnait un vide poussé. En clair, explosion est l’opposé de implosion. Quand on parle de l’implosion d’un parti politique, cela implique qu’il est vide (d’adhérents ?).

« Il s’est démultiplié ». Le pôvre, comme on dit à Marseille . Démultiplier est le contraire de multiplier . C’est au départ un terme de mécanique, surtout automobile, qui implique de partir d’un axe qui tourne très vite (moteur) pour réduire sa vitesse (roues) en divisant cette vitesse (boîte de vitesses). En clair, s’il se multiplie, c'est qu'il va trop vite et doit ralentir. Le contraire de l’emploi qu'en font la plupart des gens.

On emploie l’expression : « Être dans l’œil du cyclone » pour une situation violemment perturbée. Or c’est le contraire : un cyclone se compose en particulier de vents tourbillonnant à très grande vitesse autour d’un centre, l’œil. Or en ce centre la vitesse des vents est quasi nulle, c’est un endroit tranquille. L’erreur vient de la confusion entre le centre et la périphérie.

Un proverbe dit : Ne pas confondre « autour » et « à l’entour », et sa variante « soupçonner » et « sonner la soupe ». L'utilisation d'un terme pour un autre qui y ressemble mais dont le sens est différent est pénible à supporter quand il s’agit de l’utilisateur lambda, mais intolérable quand il s’agit d’un parlementaire dont la mission est de faire la Loi. Le 6 mars 2023, sur BFM TV, une députée RN des Alpes-Maritimes a dit :

« Aujourd’hui les producteurs agricoles sont déjà pressurisés (sic !) ». C'est bien pour eux, en période de basse pression, qu'ils aient l'air conditionné comme dans un avion pour compenser la basse pression externe. Ce serait mieux de les plaindre s'ils sont pressurés.

De même, combien de journalistes, professionnels de la langue parlée et écrite, prétendent quand une ville a été envahie par une force extérieure, qu’elle a été investie. Or "investir" vient de "vestire", " vêtir" , recouvrir d’un vêtement ou envelopper. Alors que investir une ville, une place forte, c’est l’assiéger, c’est mettre des troupes tout autour – l’envelopper ! – pour en contrôler les entrées et les sorties, pour l’affamer éventuellement avant d’en donner l’assaut. Ce n’est pas l'envahir.

De là le terme « investir » pour un candidat à une élection, l’entourer, avant qu'il ne prenne une veste.

Et bien d’autres… On voit que le mauvais usage commun de termes considérés comme faux par les spécialistes est ordinaire dans la vie courante, et personne n’a eu jusqu’ici le ridicule de vouloir faire condamner les auteurs de ces erreurs. Ni de les corriger, hélas.