Soigner les caféiers avec leurs propres bactéries symbiotiques

Publié par IRD Occitanie, le 1 mai 2021   890

La caféiculture ne fait pas exception, elle doit tendre à la durabilité. Des scientifiques vietnamiens et français ont exploré - entre autres - les capacités de lutte biologique de bactéries naturellement associées aux caféiers. Sous la houlette du LSTM, deux publications font le point sur les possibilités offertes par ces auxiliaires bienvenus.

Après l’eau, le café est la deuxième boisson bue dans le monde. On comprend que toute innovation concernant sa culture soit accueillie avec intérêt. Tour d’horizon des microorganismes potentiellement mobilisables pour les caféiers du Vietnam.

Fleurs de caféier, Vietnam

© IRD - Jean-Luc Maeght

Les caféiculteurs vietnamiens en quête de solutions durables

Le Vietnam est le deuxième producteur / exportateur de café au niveau mondial. Le poids économique de la caféiculture, basée sur trois espèces de Coffea, explique que celle-ci fasse l’objet de toutes les attentions. Confrontés en particulier aux dégâts causés aux précieux arbustes par des nématodes du sol, les caféiculteurs souhaitent trouver des alternatives moins toxiques que les traitements aux nématicides chimiques. Pour leur offrir des solutions innovantes, des scientifiques de l’IRD, du CIRAD et de plusieurs instituts vietnamiens associés au sein du Laboratoire mixte international RICE2 se sont penchés sur les usages potentiels ou avérés des microorganismes vivant dans ou à proximité des caféiers, dont l’ensemble est appelé microbiote. « Nous avons collecté les microbiotes dans deux sites de caféicultures infestées par les nématodes, pour deux espèces de café Coffea canephora (Robusta) et C. liberica », introduit Robin Duponnois, directeur du LSTM. Les résultats des inventaires taxonomiques et des tests d’activité pratiqués sur les bactéries trouvées dans les échantillons de racines et les semences de café font l’objet d’une première publication.

Diagrammes de Venn des archées et des bactéries (en bleu) et des champignons (en rouge) partagés entre les continents. (A) Au niveau du genre et (B) au niveau de l'espèce.

© Duong et al., 2020

Piocher dans la diversité du microbiote pour développer des applications biotechnologiques

Parmi les 80 bactéries isolées appartenant à 30 genres, certaines induisent une mortalité de 100 % des deux principales espèces de nématodes nuisibles. Trois genres quant à eux inhibent à plus de 40 % la croissance de champignons parasites. Les endophytes, déjà connues pour améliorer la croissance de leur hôte végétal, semblent les plus prometteuses. Pour voir plus large, les écologues, phytopathologistes et nématologues ont analysés 234 publications sur la thématique des microbiotes des caféiers du monde entier. La synthèse publiée livre de riches enseignements sur les taxons représentés, leur champ d’action ainsi que les usages répertoriés. De fait, isoler de bactéries d’un terroir et les utiliser de manière durable pour assurer la stabilité de l’agrosystème ressemble fort à un cercle vertueux. « Les microbiotes se sont constitués par coévolution avec leur hôte qui a sélectionné au fil du temps les organismes remplissant des fonctions positives », livre Benoit Duong dont la thèse porte justement sur « l’identification d'endophytes bactériens d'intérêt pour la caféiculture au Vietnam ».

Etude de caféiers, Vietnam

© IRD - Jean-Michel Boré

Des candidats intéressants pour la lutte biologique au champ ou la qualité à la tasse

Les 607 genres mentionnés dans la revue se répartissent dans la sphère proche du caféier en terre ou sont impliqués dans les processus et produits post-récolte. On trouve ces derniers à toutes les étapes depuis la cerise fraîchement cueillie au grain torréfié sans oublier le brassage conduisant au breuvage tant apprécié ni les déchets résultant de l’opération. Certains sont spécifiques d’une partie de la planète ou d’une partie de la plante, d’autres au contraire existent dans toutes les caféicultures. Pour aider les caféiculteurs, les scientifiques ont à leur disposition une palette de candidats aptes à rendre des services très variés : renforcer ou faciliter la nutrition du caféier, lutter contre ses agresseurs, détoxifier et valoriser les déchets riches en tannins et caféine, etc. Le goût final du café lui-même dépend des microorganismes intervenant dans le procédé de dessiccation du grain. Les qualités organoleptiques du café sont clairement améliorées par l’adjonction de levures (champignons) ou de bactéries produisant de l’acide lactique ou acétique. « Ces résultats sont encourageants mais il faut désormais identifier les microorganismes les plus efficaces, les tester sur les caféiers au champ, vérifier leur innocuité pour l’Homme et confirmer les métabolites actifs », prévoit Michel Lebrun, codirecteur du LMI RICE2.

Publications :

  • Duong, B., Nguyen, H.X., Phan, H.V., Colella, S., Trinh, P.Q., Hoang, G.T., Nguyen, T.T., Marraccini, P., Lebrun, M., Duponnois, R. 2021. Identification and characterization of Vietnamese coffee bacterial endophytes displaying in vitro antifungal and nematicidal activities, Microbiological Research, Volume 242, https://doi.org/10.1016/j.micres.2020.126613
  • Duong, B., Marraccini, P., Maeght, J.-L., Vaast, P., Lebrun, M., Duponnois, R. 2020. Coffee Microbiota and Its Potential Use in Sustainable Crop Management. A review, Frontiers in Sustainable Food Systems, Volume 4, https://doi.org/10.3389/fsufs.2020.607935

Contact science 

Robin Duponnois, IRD, LSTM, ROBIN.DUPONNOIS@IRD.FR

Michel Lebrun, IRD LSTM, MICHEL.LEBRUN@IRD.FR

Contacts communication 

Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR


Source : https://www.ird.fr/soigner-les...