[Projet Europe] Accélérer l’élimination de l’onchocercose : le pari du projet EMINENCE
Publié par IRD Occitanie, le 27 juin 2025
Le projet EMINENCE, porté par Sébastien Pion (UMR TransVIHMI), a obtenu récemment un financement du programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » (2021-2027). Il vise à évaluer une nouvelle stratégie thérapeutique pour accélérer l’élimination de l’onchocercose en Afrique centrale, en s’appuyant sur l’utilisation de la moxidectine, un médicament plus puissant que l’ivermectine.
L’onchocercose, également appelée « cécité des rivières », reste endémique dans plusieurs régions d’Afrique subsaharienne, malgré des décennies de traitement à l’ivermectine. Face à cette impasse thérapeutique, la moxidectine suscite de nouveaux espoirs. Ce changement de stratégie pourrait-il changer le cours de la lutte contre cette maladie parasitaire ? Éléments de réponse avec Sébastien Pion, épidémiologiste et coordinateur du projet EMINENCE.
© IRD - Henri Guillaume
Quels sont les enjeux de ce projet ?
En 1956, l’ORSTOM (ancien nom de l’IRD) a créé une section onchocercose dans son centre de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Depuis, les scientifiques de l’IRD se sont engagés dans des recherches opérationnelles pour accompagner les initiatives de lutte contre cette maladie.
Depuis près de 40 ans, cette lutte repose sur des traitements de masse répétés des populations à risque par un unique médicament : l’ivermectine. Ce médicament ne tue pas les formes adultes du parasite responsable de l’onchocercose – Onchocerca volvulus – mais il bloque la fécondité des vers femelles pendant 3 à 6 mois et élimine leurs larves en quelques jours.
La moxidectine, une molécule proche de l’ivermectine, a récemment montré des effets plus forts et plus durables. Le projet EMINENCE vise à évaluer l’impact de trois années de traitements de masse par la moxidectine afin de mesurer les gains d’une telle stratégie en matière de santé publique.
Lutte contre l'onchocercose, capture de simulies, Burkina Faso
©IRD, Henri Guillaume
Qui sont les partenaires et comment co-construisez-vous avec eux ?
Ce projet a été conçu et sera réalisé en partenariat avec deux partenaires du Sud, le Higher Institute for Scientific and Medical Research (ISM) au Cameroun et la Fondation Congolaise pour le Recherche Médicale (FCRM) en République du Congo, et deux partenaires « Nord », l’Imperial College London et la compagnie pharmaceutique à but non lucratif Medicines Development for Global Health (MDGH), basée en Australie. Il servira de plateforme à la formation de jeunes scientifiques et de cadres de santé dans les pays du Sud où les activités de terrain seront menées. Ce projet permettra également à des étudiants du Nord de se confronter aux enjeux de santé publique affectant les populations des Suds.

© IRD - Michel Boussinesq
Sur quelles connaissances votre équipe s'appuie-t-elle ?
Dès la fin des années 1980, notre équipe a été impliquée dans les premiers essais à large échelle de l’ivermectine contre l’onchocercose au Cameroun. Nous avons ensuite accompagné les programmes de lutte internationaux en menant des études scientifiques destinées à évaluer et à optimiser les stratégies de lutte contre cette maladie. Cela s’est notamment traduit par des collaborations régulières et fructueuses avec les équipes de l’ISM et de l’Imperial College London. En partenariat avec l’ISM, nous avons également mené le tout premier essai clinique de la moxidectine en Afrique centrale chez des patients infectés par Loa loa, pour qui l’ivermectine peut représenter un risque important.

© IRD
Quels sont les résultats attendus d'EMINENCE?
Ce projet évaluera l’impact épidémiologique et parasitologique d’une nouvelle stratégie de santé publique. Grâce à la modélisation mathématique, les données obtenues permettront d’estimer les gains de stratégies de traitement intégrant la nouvelle molécule, la moxidectine. Ces bénéfices se mesurent notamment en nombre d’années gagnées pour atteindre l’élimination de la maladie, et en nombre d’infections et de complications évitées.
Le cas échéant, cela pourrait conduire l’Organisation Mondial de la Santé à soutenir de telles stratégies, et à encourager la production de ce médicament à l’échelle adéquate.

© IRD
En quoi votre recherche contribue-t-elle à la science de la durabilité ?
La lutte contre l’onchocercose a été dès le départ définie avec une perspective de développement durable. Au-delà des aspects santé publique, l’objectif est d’éliminer un frein au développement socio-économique tout en préservant l’environnement. Ainsi, le projet actuel s’inscrit dans la lignée historique et contribuera à plusieurs objectifs de développement durable (ODD) : améliorant la santé publique (ODD3), en renforçant les capacités locales (ODD1, 4 et 8), en promouvant l'innovation et en favorisant les partenariats internationaux (ODD17).
Contact science : Sébastien Pion, IRD, TransVIHMI sebastien.pion@ird.fr
Contacts communication : communication.occitanie@ird.fr
Source : https://www.ird.fr/projet-euro...