Gonzalo Ruiz alias Drop of Curiosity : médiateur scientifique sur YouTube et TikTok

Publié par Echosciences Occitanie, le 18 octobre 2021   1.6k

Interview réalisée par Mathilde Peuvot, en service civique chez Science Animation. 

Gonzalo Ruiz, 28 ans, est un auto-entrepreneur et médiateur scientifique passionné de neurosciences. Ou plutôt un créateur ! Après un une licence en biologie et un master en neurosciences, il se lance dans une chaîne de vulgarisation scientifique, Drop of Curiosity. Il nous raconte son parcours.

Gonzalo, tu peux nous raconter comment est né ton projet ? 

Après avoir eu mon Bac S, j’ai beaucoup hésité entre faire une école de cinéma et médecine. J’aimais beaucoup réaliser des films avec des amis, faire du montage et aller à des festivals, du coup je me suis dit “pourquoi ne pas en faire mon métier ?” Mais finalement, c'est la médecine qui l’a emporté. J'y suis resté deux ans sans que cela fonctionne, donc je me suis réorienté en licence biologie à Nice. Ensuite j’ai enchaîné mon master en neurosciences à Marseille. J’ai adoré, c’est à ce moment que j’ai eu le déclic “c’est ce que je veux faire plus tard”. Je voulais parler sciences, parler cerveau, j’ai d’ailleurs créé une association de vulgarisation scientifique qui s’appelle Neuronautes. On organisait des cafés débats, des conférences tout public avec des chercheurs qui vulgarisent leurs travaux et des ateliers. Je me suis vite rendu compte que j’adorais les neurosciences, mais j’aimais encore plus partager ma passion avec les autres.

À la fin du master, j’ai choisi de me lancer à mon compte dans la vulgarisation scientifique. Je ne savais pas comment, mais c’était ce que je voulais. J’ai quitté Marseille pour Montpellier, et j’ai intégré PEPITE-LR, un pôle de l’université qui accompagne les étudiants dans un projet entrepreneurial pendant 1 an. J’y ai rencontré des personnalités très différentes, nous n’avions rien en commun à part la volonté de créer quelque chose de nouveau, on s’est tous entraidé et c’était génial. Par la suite, j'ai été intégré dans le réseau entrepreneurial de Montpellier, et j’ai foncé. Et d’opportunité en opportunité, c’est comme ça que j’ai lancé Drop of Curiosity

Peux-tu nous parler de l’évolution Drop of Curiosity ? 

Au tout début, Drop of Curiosity c’était des vidéos de vulgarisation. On s’est aussi lancés dans la création d’un petit jeu vidéo, d’un projet de serious game (qui n’est pas encore abouti), on créait aussi des animations pour le Quai des Savoirs par exemple, mais ce n’était pas simple de vivre de ça. Puis j’ai eu la chance de décrocher une bourse qui m’a permis d’avoir des locaux, recruter du personnel, etc. Grâce à cela je continue de développer la chaîne au maximum. 

Avec les statistiques, on a constaté que beaucoup d'étudiants s’intéressaient à Drop of Curiosity. Pendant la crise sanitaire, on a pu observer que beaucoup d’étudiants avaient eu des rapports très difficiles avec leurs études : manque de motivation, difficultés à se concentrer, à s'organiser, ne plus trouver du sens dans les études supérieures. On a donc eu l’idée de leur proposer un accompagnement méthodologique pour retrouver le goût d’apprentissage. On veut leur proposer des ressources validées par la science pour apprendre à apprendre, tout en les accompagnant par une équipe de psychologues tout le long de l’année. Notre accompagnement est disponible en version bêta et gratuitement sur notre site internet. Il suffit d’une adresse email pour s'inscrire. Nous sommes aussi en discussion avec quelques universités et écoles privées pour déployer notre offre auprès de leurs étudiants. 

On va s’attarder sur ta chaîne, tu es sur plusieurs plateformes, comment ça se passe? 

Au début, j’étais principalement sur Youtube parce que le format me plait. Mais sur Youtube, ma chaîne a du mal à grandir comme on le voudrait. Par contre, c’est complètement l’inverse sur TikTok. J’ai mis deux ou trois vidéos qui n’ont pas marché, puis un jour, une vidéo à fait le million de vues. Je suis passé de 1000 à 40 000 abonnés ! C’était incroyable, surtout que j’appliquais les codes Youtube sur TikTok, c’est un fonctionnement atypique car le format n’est pas le même, les vidéos sont bien plus courtes sur le deuxième réseau. Mais des vidéos neuro d’une minute, ça plaît bien aux gens. Après s’ils souhaitent approfondir le sujet, je les renvoie sur les vidéos Youtube. Aussi, sur TikTok, on n’a pas besoin de trouver un titre et une miniature, c’est un fonctionnement que je préfère car je t’avoue que j’ai beaucoup de mal à bien le faire. L’algorithme a ses raisons que les vidéastes ignorent... 

Comment sont tes relations avec ta communauté? 

On touche majoritairement un jeune public : 18-25 ans sur Youtube, et on peut descendre jusqu’à 12-13 ans sur TikTok. Avant, je discutais beaucoup avec ma communauté mais maintenant je n’ai plus assez de temps. Quand la vidéo a fait le million sur TikTok, il y a eu plus de 600 commentaires et je crois avoir répondu à tous ! J’aime les gens sur TikTok, ils sont drôles et ne se prennent pas la tête, après il y a forcément des trolls et des haters, mais j’ai toujours été défendu. Il y a quelques personnes qui sont sceptiques, mais souvent ils ne croient pas en la science, comme si c’était une religion. Cela ne me dérange pas réellement, il faut des sceptiques, car sinon la science n’évoluerait jamais, et c’est bien de remettre certaines choses en question. Il y a beaucoup de médiation scientifique qui se fait du coup dans les commentaires.

Au niveau technique, comment se passe la construction d’une vidéo ? 

On commence par faire de la veille, beaucoup de veille ! C’est-à-dire qu’on regarde sur les réseaux ce qu’il se fait pour suivre les tendances et toucher un maximum de monde. On sélectionne les sujets pertinents, on trouve un angle d’attaque, le contenu nécessaire, et ensuite commence la rédaction d’un script. On trouve le titre, la miniature, ce qui est très important pour attirer le public, et je fais le tournage. Ensuite un monteur va assembler les éléments, et après vérification, on publie. Tout ce travail se fait en équipe. Nous en discutons ensemble pour améliorer au maximum la vidéo. On est sur un rythme de trois vidéos par semaine sur TikTok et une vidéo sur YouTube.

Après publication, on observe les statistiques, comme le nombre de vues, les passages qui plaisent le plus... Cela nous permet d’améliorer les vidéos suivantes. On essaie de toujours s’adapter au public, de partir de clichés tout en les amenant vers  quelque chose de nouveau pour lui. Réaliser complètement une vidéo aujourd’hui, ça prend environ 20 heures, pour moins de 10 minutes au final sur Youtube, et 59 secondes sur TikTok. 

Es-tu fier de ton parcours ?

Je n’ai pas le temps d’être fier en réalité ! J’ai beaucoup de travail et de responsabilités, je dois faire fonctionner la boîte, alors je pense toujours à la suite. J’évite de me reposer sur mes lauriers en fait, mais ça m’arrive des fois de me dire “oui, c’est pas mal ça”. C’est surtout grâce aux commentaires ou aux messages encourageants de la communauté. Le plus important est de faire tourner l’entreprise, mais cela me manque parfois de faire mon propre montage. 

Et c’est quoi la suite ? 

Concernant la suite, je suis très inspiré par les gros Youtubeurs comme Poisson Fécond, qui ont un solide modèle économique et une superbe équipe permettant de faire plein de projets. Le travail de groupe est très important dans ce domaine. Car même si tout seul je pourrais aller plus vite des fois, ensemble on va surtout plus loin.

Et créer une entreprise, c’est aussi une expérience humaine, ça prend du temps mais c’est super enrichissant ! 

Cet article accompagne le 2ème épisode du podcast Sans Réserve/s du Quai des Savoirs, à écouter sur Spotify, Deezer, Apple Podcast ou Ausha.