Des plantes qui défient les générations au cœur d’un programme européen

Publié par IRD Occitanie, le 16 février 2021   750

Le projet international Mechanisms of Apomictic Developments (MAD) est financé par l’Union Européenne et coordoné par Olivier Leblanc, généticien de l’IRD (UMR DIADE). Lancée le 1er décembre 2020, cette action Marie Skłodowska-Curie* s’inscrit dans le Pilier 1 « Excellence scientifique » du programme Horizon 2020.

L’apomixie est la capacité qu’ont certaines plantes de former des graines contenant un embryon identique à la plante-mère, sans aucune contribution paternelle. Cette particularité intéresse au plus haut point le monde de l’agriculture. Encore faut-il en connaitre le mode opératoire…  Un consortium international de chercheurs provenant de 12 institutions s’attaque à ce défi pour les quatre prochaines années.

Ovaire de Paspalum apomictique avec embryon maternel / Ovary containing a maternal embryo in a Paspaum apomict

© IICAR - Maria Sol Vega

Des clones maternels au sein des graines, une curiosité botanique ?

« L’extraordinaire diversité des plantes et leurs remarquables capacités d’adaptation sont le résultat d’innovations évolutives majeures, auxquelles la biologie de la reproduction n’échappe pas ! », confie Olivier Leblanc, coordinateur du projet MAD. L’apparition des graines et des fleurs sont des étapes clés de l’évolution des plantes qui ont alors pu rapidement coloniser la plupart des biotopes terrestres. Les graines, qui permettent aux générations futures de voyager sans encombre dans le temps et l’espace, sont l’aboutissement de la reproduction sexuée : leurs embryons sont issus de l’union de deux cellules reproductrices, femelle et mâle. De nombreux groupes de plantes ont cependant acquis la capacité de former des graines contenant un embryon génétiquement identique à la plante-mère, sans aucune contribution paternelle. Ces modes de reproduction clonale, collectivement regroupés sous le terme apomixie, ont longtemps été considérés comme une curiosité botanique mais ils pourraient s’avérer aujourd’hui extrêmement utiles pour soutenir les productions agricoles et participer à la sécurité alimentaire.

Paspalum. Pampa (province de Santa Fe, Argentine) / Paspalum. Pampa (province of Santa Fe, Argentine)

© IRD - Olivier Leblanc

L’agriculture convoite les atouts des plantes apomictiques

En effet, maintenir de génération en génération les caractères d’intérêt des plantes cultivées est une préoccupation de l’Homme depuis les débuts de l’agriculture, que la redécouverte des lois de Mendel au début du XXème siècle a permis de sortir de l’empirisme. L’amélioration des plantes s’est imposée comme une véritable science combinant essais en plein champs, génétique quantitative et biotechnologies. L’arsenal des sélectionneurs cependant reste incomplet. Seules certaines structures génétiques peuvent être fixées et les procédés utilisés pour assurer leur sélection et leur multiplication sont longs et coûteux. « L’apomixie offre au sélectionneur la possibilité de fixer, multiplier et distribuer les meilleures combinaisons génétiques, tout en levant deux verrous importants : coût de l’accès au progrès génétique (ex. conservation des semences améliorées d’un cycle de culture à l’autre) et meilleure réactivité des programmes de sélection aux besoins des agriculteurs », ajoute le généticien. Les applications envisagées ouvrent des perspectives nouvelles pour relever les grands défis de l’agriculture moderne, tels que la transition vers une agriculture durable et la sécurité alimentaire face au changement climatique.

Inflorescence de Paspalum / Inflorescence of Paspalum

© IRD - Olivier Leblanc

Des mécanismes scrutés grâce aux plantes modèles

L’apomixie est aujourd’hui considérée comme un phénomène qui résulte de perturbations dans l’orchestration des programmes de développement gouvernant la reproduction sexuée. Mais les mécanismes à l’origine de ce développement inhabituel restent largement méconnus. Lever ce mystère est le but du projet international Mechanisms of Apomictic Developments dont l’acronyme MAD [fou en anglais] résume l’ampleur de la tâche à laquelle se frottent les scientifiques. MAD vise à développer les connaissances génétiques et moléculaires des mécanismes permettant l’émergence de développements reproducteurs apomictiques chez les plantes sexuées. Le Consortium s’appuiera sur l’étude de plantes sexuées modèles (Arabette ou Arabidopsis thaliana, riz, maïs) et de systèmes apomictiques naturels apparentés (Boechera holboellii) ou utilisés comme graminées fourragères en Amérique du Sud (Paspalum et Eragrostis) tout en mobilisant un ensemble de compétences et d’expertise en biologie cellulaire et moléculaire, biologie du développement et modélisation. De cet effort collectif sont attendues des avancées importantes concernant la nature des bases moléculaires de l’apomixie ainsi que les conditions de leur émergence et de leur évolution au sein des populations sauvages. Ces résultats devraient constituer un socle de connaissances solide pour contribuer à lever les verrous nécessaires à l’utilisation de l’apomixie en amélioration des plantes et en agriculture.

 

* H2020-MSCA-RISE-2020 - Grant Agreement n° 872417 https://cordis.europa.eu/project/id/872417


Contacts science : Olivier Leblanc (coordinateur), IRD, UMR DIADE OLIVIER.LEBLANC@IRD.FR

Maïa Lejbowicz (manager), IRD, UMR DIADE MAIA.LEJBOWICZ@IRD.FR 

Contacts communication 

Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR


Source : https://www.ird.fr/des-plantes...