Coop’AIR : pédagogie et sciences participatives en contexte international - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2025
Publié par Echosciences Occitanie, le 22 septembre 2025 1
Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2025 portait sur le thème “Au-delà des frontières : le dialogue Sciences-Société à l’échelle internationale” qui s’est décliné à travers 10 ateliers-conférences thématiques. Retrouvez tous les comptes rendus sur cet article.
Retour sur la session “Coop’AIR : leçons tirées d’un projet mêlant pédagogie et sciences participatives en contexte international”, avec Sonia Rousse, Copilote du projet Coop'AIR (ANR - SAPS), Chercheuse IRD au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse, et Hélène Gauthier, Copilote du projet Coop'AIR, Directrice du CPIE Terres Toulousaines.
Coop’AIR : Quand les élèves prennent l’air… au sérieux
Coop’AIR est un programme de sciences participatives lancé en 2023 à l’initiative conjointe de la chercheuse Sonia Rousse (IRD, Géosciences Environnement Toulouse) et d’Hélène Gauthier, directrice du CPIE Terres Toulousaines. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche, ce projet entend associer enfants, enseignants, chercheurs et structures éducatives dans une exploration collective de la qualité de l’air intérieur dans les écoles.
Trois pays sont concernés : la France (à Toulouse), la Côte d’Ivoire (Abidjan) et le Brésil (São Paulo), avec environ 160 enfants mobilisés chaque année dans chaque pays. L’objectif : mesurer les particules fines et le dioxyde de carbone, identifier les sources de pollution, sensibiliser les enfants aux enjeux sanitaires de la qualité de l’air, et co-construire avec eux des pistes d’action pour leur propre environnement.
Le projet s’appuie sur une démarche transversale intégrant :
- Des capteurs, actifs (instruments de mesure) et passifs (plantes comme Tillandsia usneoides) dont les données sont analysées en laboratoire ;
- Un dispositif pédagogique co-construit, adapté aux niveaux et aux contextes locaux, avec animations, expérimentations, analyses de courbes, escape game, etc. ;
- Un versant artistique, avec du théâtre forum la première année, puis des podcasts et vidéos la deuxième ;
- Un volet en sciences humaines, via questionnaires et entretiens semi-directifs menés par des chercheurs en sociologie et en sciences du de l’information et de la communication, afin d’analyser les représentations et les appropriations.
Bien que les élèves ne soient pas impliqués dès la conception du projet (c’est avant tout les enseignants qui portent la démarche), ils sont au cœur de l’action : accès aux données, expériences avec les capteurs, réflexions collectives et création de contenus. Certains ont même lancé leurs propres expériences pour aller plus loin.
Un projet croisant des réalités environnementales et sociales très contrastées
Les contextes choisis pour chaque école (quartier périurbain, centre-ville, proximité d’un incinérateur…) permettent de croiser des réalités environnementales et sociales très contrastées.
À Toulouse, les niveaux de particules sont globalement inférieurs aux seuils recommandés.
En Côte d’Ivoire, les concentrations sont bien plus élevées, en raison de phénomènes naturels comme les vents d’Harmattan, et d’activités comme le brûlage d’ordures ou la cuisine au charbon. Mais en air intérieur, l’école ivoirienne climatisée affiche cependant des niveaux comparables à ceux des écoles françaises.
Le taux de CO₂ apparaît comme un marqueur clé de la vétusté des bâtiments et de leur système de ventilation
. Les établissements rénovés (lycées, collèges) s’en sortent mieux que les écoles primaires, souvent hébergées dans des bâtiments plus anciens, voire historiques. Depuis janvier 2024, la loi française impose d’ailleurs un suivi de la qualité de l’air intérieur dans les établissements scolaires.
Désormais, il s’agit d’impliquer les collectivités locales afin qu’elles puissent s’emparer des conclusions – qui appellent cependant à de possibles lourds investissements.
Adapter les méthodes, pays par pays
C’est grâce à la présence des représentations de l’IRD et aux partenariats noués avec les universités sur place que le projet a pu être mené à l’étranger. C’est la très forte implication des scientifiques locaux qui a permis d’initier l’action localement, de travailler avec les établissements scolaires, de convaincre et de former les enseignants… Un énorme atout qui a donné cette dimension internationale à l’opération. Hélène Gauthier regrette cependant de n’avoir pu mobiliser de structures similaires à la sienne, consacrées à l’éducation à l’environnement dans le cadre de ce projet ; C’est un point de vigilance à avoir pour des projets futurs.
L’un des défis majeurs fut aussi d’adapter les outils aux réalités éducatives et culturelles de chaque pays. Pour exemple, les sources de pollution présentées en ateliers étaient adaptées selon le contexte local.
Les méthodes aussi ont dû être adaptées. En Côte d’Ivoire, les classes peuvent compter jusqu’à 90 élèves. Au Brésil, les coupures de courant ont complexifié l’utilisation des capteurs.
Divers formats ont aussi été expérimentés afin de permettre aux élèves de s’emparer des résultats et de réfléchir à des solutions. Parmi les ateliers proposés : le théâtre forum, inspiré du théâtre de l’opprimé brésilien… mais qui s’est heurté à certains écueils. Difficile à mettre en œuvre, notamment en raison de l’investissement horaire à consentir, parfois mal compris par les enfants, et mal perçu par les enseignants ; Il a été remplacé en 2024-2025 par la création de podcasts par les jeunes,format plus “classique” pour les acteurs du milieu scolaire. Trois d’entre eux, produits par des élèves de lycées professionnels, sont d’ailleurs disponibles sur Arte Radio.
L’équipe a par ailleurs tenté de croiser les établissements scolaires, notamment via une plateforme ou encore des interventions en visioconférence. Mais cela fut également plus laborieux que prévu, même si cela a donné lieu à de belles mais trop peu nombreuses séquences d'échanges entre les enfants.

Apprendre de l’expérimentation
Comme l’ont souligné les intervenantes, mener un tel projet à l’international nécessite de :
- Prendre le temps d’établir des relations de confiance avec les partenaires locaux ;
- Co-construire les objectifs et les méthodes dès le départ ;
- Tester les collaborations sur de petits formats avant de les étendre.
Le projet a récemment obtenu une prolongation grâce au financement du programme TIRIS de la COMUE Toulouse, avec l’ambition de l’ancrer plus fortement en Occitanie, voire de l’étendre à des territoires ruraux.
Malgré les difficultés – différences de calendrier scolaire, complexité des outils numériques, barrière de la langue –, Coop’AIR trace une voie stimulante pour les sciences participatives à l’école, à condition de ne pas sous-estimer l’investissement humain qu’elles requièrent.
Au final, ce projet rappelle que les enfants peuvent être de véritables acteurs de changement – à condition qu’on leur laisse le temps, les moyens… et un peu d’air pour respirer.
Pour échanger avec les intervenantes :
- Sonia Rousse, Copilote du projet Coop'AIR (ANR - SAPS), Chercheuse IRD au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse, sonia.rousse@get.omp.eu
- Hélène Gauthier, Copilote du projet Coop'AIR, Directrice du CPIE Terres Toulousaines, direction@cpieterrestoulousaines.org
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