Les sciences participatives alliées des systèmes de surveillance sanitaire

Publié par IRD Occitanie, le 7 avril 2021   1.1k

La détection précoce des foyers d'épidémies et les capacités de réaction rapide des systèmes de santé sont cruciaux. Le projet EBO-SURSY (financé par l’Union Européenne) - coordonné par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et dont les partenaires sont l'IRD, l'Institut Pasteur et le CIRAD - s’appuie sur la pratique d’un jeu sérieux pour améliorer les systèmes de surveillance des fièvres hémorragiques dans 10 pays africains*.

Comment sensibiliser les agents de terrain en Afrique occidentale et centrale ? Comment optimiser la chaîne de transmission des alertes ? A l’aide d’un jeu sérieux adapté au contexte des systèmes de détection chez les animaux sauvages abritant des virus responsables de fièvres hémorragiques.

Faune sauvage

© OIE - Sophie Muset

Un contexte d’émergence de foyers de fièvres hémorragiques

Maladie à virus de Marburg, fièvre hémorragique de Crimée-Congo ou encore fièvre de Lassa… Ces trois maladies ont en commun avec Ebola d’être des zoonoses, causées par des virus transmis par la faune sauvage d’Afrique de l’ouest et centrale. Face au risque d’émergence ou de réémergence d’épidémies mettant en danger les populations humaines et animales, il est impératif de pouvoir agir au plus tôt et au plus près des foyers détectés. Cela implique des systèmes de surveillance efficaces. Aussi, le projet EBO-SURSY (2017-2021) coordonné par l'OIE, vise au « Renforcement des capacités et surveillance des fièvres hémorragiques virales ». Dans ce cadre, l’IRD, le CIRAD et l’Institut Pasteur unissent leurs compétences afin de favoriser l’amélioration des systèmes de détection précoce au sein de la faune sauvage. « Une approche One Health et intersectorielle a été choisie pour la mise en œuvre du projet, avec la participation de partenaires du Sud dans les services nationaux de santé publique, vétérinaires ou dédiés à l’environnement », explique Sophie Muset, coordinatrice principale du projet à l’OIE.

Formation protocole de surveillance -Abidjan

© OIE - Sophie Muset

Paramètres cruciaux : approches intégrées et sciences citoyennes

Marie-Marie Olive, post-doctorante à l’IRD dans l’unité MIVEGEC, avait déjà œuvré sur ce sujet avant d’intégrer l’IRD, en tant que doctorante au CIRAD et à l’Institut Pasteur de Madagascar puis consultante pour l’OIE. « En tant que consultante pour EBO-SURSY, j’ai contribué à la mise en place en 2019-2020 d'ateliers de formation sur les protocoles de surveillance des fièvres hémorragiques destinés aux points focaux de l’OIE d’Afrique centrale et de l’Ouest », précise-t-elle. Dans le cadre d’EBO-SURSY, nous avions à cœur que chacun trouve sa place dans la chaîne de surveillance de l’émergence de ces maladies ». En effet, « des travaux menés par le CIRAD depuis les quinze dernières années ont permis de montrer que certains acteurs clés, tels que les membres des communautés locales ou les éleveurs, n’étaient pas considérés comme des parties prenantes à part entière d’un système de surveillance mais plutôt des bénéficiaires », signale Marisa Peyre,  épidémiologiste dans l’unité ASTRE. Pourtant, ces communautés ont un rôle crucial à jouer dans la détection précoce des émergences. Des exercices de simulation font apparaître le poids du facteur temps : plus l’alerte initiée par un agent sur le terrain met de temps à atteindre le niveau opérationnel et plus ce qui était un cas isolé se transforme en foyer susceptible de s’étendre jusqu’à devenir une épidémie. A l’image d’un feu qui risque de se propager, il est plus facile d’éteindre une petite flammèche qu’un brasier… L’autre enseignement tiré de ces expertises, c’est que la transmission de l’information peut être bloquée à n’importe quel maillon de la chaîne. Mais comment expliquer la complexité d’un système de surveillance et convaincre chacun qu’il a un rôle à jouer dans ce système ?

Visuel boite de jeu ALERTE

© Bioviva

Un jeu sur mesure réalisé avec une entreprise française emblématique

Persuadée de l’intérêt d’une voie de sensibilisation alternative et innovante déjà expérimentée dans le cadre notamment de la prévention des risques liés à la rage, l’équipe fait appel à BIOVIVA qui se définit lui-même comme un créateur de « Jeux qui font du bien » (sous-entendu à l’Homme et à la planète). Basée à Montpellier depuis l’origine, l’équipe de BIOVIVA conçoit, édite et distribue des jeux de société éducatifs, éco-responsables et fabriqués en France. Le défi qu’ils doivent relever ensemble : expliquer de façon ludique à toutes les parties prenantes le positionnement des uns et des autres dans la chaîne de surveillance idéale. Pour proposer la dynamique de jeu adéquate, les concepteurs s’appuient sur les canevas proposés par une équipe multidisciplinaire de scientifiques fidèle à l’approche One Health. « Le but du jeu ALERTE est de reconstituer, à l’aide des cartes « acteurs » distribuées, une chaîne de transmission de l’information sanitaire la plus efficace possible, s’enthousiasme Marie-Marie Olive. Par exemple, si un bûcheron trouve en forêt une carcasse d’animal qui lui semble suspecte, à qui doit-il faire remonter l’information  et ainsi de suite ». Histoire de compliquer les choses et de refléter la réalité, des cartes « aléas » positives et négatives interviennent également. Discussions et débats entre les participants sont nécessaires pour trouver l’organisation la plus performante. Si le design du jeu reflète clairement le contexte africain, il pourra néanmoins être utilisé sur d’autres continents confrontés aux zoonoses. Le jeu est actuellement en phase de test en interne (IRD, CIRAD, OIE) puis subira le baptême du feu sur le terrain. Mais l’aventure n’est pas finie pour l’équipe du projet car elle prévoit de former des animateurs spécifiques pour mettre en œuvre ce jeu dans les pays concernés par EBO-SURSY.  

* Côte d'Ivoire, Cameroun, République centrafricaine, République Démocratique du Congo, Gabon, Guinée, Liberia, République du Congo, Sénégal et Sierra Leone

Contacts scientifiques : Marie-Marie Olive, IRD, UMR MIVEGEC  MARIE-MARIE.OLIVE@IRD.FR,

Marisa Peyre, CIRAD, UMR ASTRE, MARISA.PEYRE@CIRAD.FR

Contact projet : Sophie Muset, Coordonnatrice technique de EBO-SURSY,  S.MUSET@OIE.INT 

Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet  COMMUNCATION.OCCITANIE@IRD.FR


Source : https://www.ird.fr/les-science...