Recherche participative sans frontières - Retour sur le Forum Régional Sciences et Société 2025

Publié par Echosciences Occitanie, le 22 septembre 2025   1

Le Forum Régional Sciences et Société réunit chaque année une centaine d’acteurs et actrices impliqués dans le dialogue sciences-société en Occitanie afin de se rencontrer, de partager des expériences et imaginer des projets communs. L’édition 2025 portait sur le thème “Au-delà des frontières : le dialogue Sciences-Société à l’échelle internationale” qui s’est décliné à travers 10 ateliers-conférences thématiques. Retrouvez tous les comptes rendus sur cet article.

Retour sur la sessionRecherche participative sans frontières : coopérer, s’inspirer et agir ensemble, avec Stéphanie Bost, Coordinatrice du réseau ALLISS - Alliance Sciences/Sociétés, et Marc Conesa, Professeur d'histoire moderne, Vice-président en charge des sciences ouvertes et de l’interdisciplinarité à l’Université de Perpignan Via Domitia.

Cette session consacrée à la recherche participative a permis d’explorer les ambitions, les pratiques et les défis de la recherche participative, dans une logique d’ouverture internationale.

Aux origines des Boutiques des Sciences

Le concept de Boutique des Sciences n’est pas une nouveauté. Né dans les années 1970 à l’Université de Groningen, aux Pays-Bas, il prend la forme d’un dispositif d’interface entre université et société civile. Une boîte aux lettres à l’entrée du campus où les citoyens pouvaient déposer leurs questions : voilà la première image de cette “boutique”, raconte Marc Conesa.

L’objectif ? Renverser le sens traditionnel de la production de savoirs : L'université ne transmet plus juste ses connaissances vers les publics mais se met se met à l’écoute de ses besoins. Associations, collectifs, élus, habitants... tous peuvent soumettre une problématique que chercheurs et étudiants vont explorer, dans une démarche de co-construction, sur un temps court (souvent six mois) et avec un fort ancrage local. 

Aujourd’hui, le réseau international Living Knowledge fédère plus de 400 boutiques des sciences dans le monde, principalement en Europe et en Amérique du Nord. En France, des structures pionnières comme celles de Lyon, Lille ou Montpellier ont ouvert la voie à une nouvelle génération d’initiatives, souvent interdisciplinaires et tournées vers les enjeux sociaux et environnementaux locaux. De nouvelles Boutique des sciences émergent en France, notamment à Nice, Toulouse, en Bretagne ou encore du côté de l'Université de Nanterre.

Un second réseau essaie aujourd'hui de se fédérer : le réseau francophone des boutiques des sciences, impulsé notamment par l’association Sciences Citoyennes avec le soutien de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). L’objectif est de mutualiser les expériences du Sud global (notamment en Afrique subsaharienne, en Haïti, en Tunisie...) et de créer des passerelles entre les chercheurs et les réalités de terrain, au sein d’une francophonie engagée dans la co-production des savoirs. 

ALLISS, un réseau pour amplifier la voix du “tiers secteur de la recherche”

Cœur battant de cette dynamique, l’association ALLISS agit comme un trait d’union entre le monde académique et les structures non-universitaires impliquées dans la recherche : associations, coopératives, fondations, indépendants... Ce “tiers secteur” est souvent peu reconnu, malgré son rôle fondamental dans la construction de savoirs utiles, situés et critiques.

Relancé avec l'arrivée comme coordinatrice de Stéphanie Bost en septembre 2024, après une période d’hibernation (2022-2024), le réseau ALLISS rassemble aujourd’hui 1650 membres, dont une centaine de structures adhérentes, en France comme à l’international (Université de Lausanne, IRD, CIRAD...).

Ses missions : fédérer les dispositifs science-société, structurer des formations à la recherche participative, organiser des groupes de travail (notamment sur la médiation, l'international ou la recherche de financements), mais aussi peser politiquement pour faire reconnaître la légitimité du “tiers secteur” comme co-producteur de connaissances.

Le groupe sur les collaborations internationales, tout juste lancé, s’apprête justement à cartographier les réseaux internationaux dédiés aux relations sciences-société. Il s’agit notamment de permettre aux acteurs connaissant peu ces milieux de trouver les bons interlocuteurs. Stéphanie Bost donne ainsi l’exemple d’ONG comme Action contre la faim, qui ont besoin de mieux valoriser les études qu'ils produisent auprès du monde universitaire et donc de travailler étroitement avec les acteurs de la recherche. 

La Boutique des Sciences de Perpignan : un projet pour un territoire en marge

L’Université de Perpignan développe une boutique des sciences à ancrage transfrontalier, en proposant une collaboration à l'Université de Gérone, en Espagne. Pourquoi ici ? Parce que ce territoire, à la fois périphérique et vulnérable (socialement, économiquement, écologiquement), cumule les marges et les besoins.

Marc Conesa, porteur du projet, évoque une “double marginalité” : une distance géographique vis-à-vis des centres de production du savoir, et un éloignement social par rapport aux sphères universitaires. 

L’équipe de Perpignan s’apprête à cartographier les acteurs locaux (associations, collectifs, élus), puis à organiser des assises territoriales pour faire émerger les priorités partagées : gestion de l’eau, migration de travail, adaptation au changement climatique, revitalisation des infrastructures rurales, etc.

Ce projet dépasse le cadre académique : c’est une tentative de refonder un espace public de la connaissance, démocratique et interculturel. Il revendique aussi une approche critique des savoirs, en questionnant les disciplines, les frontières, les dominations, et les absences.

Le lancement est prévu à l’automne 2025. Mais l’enjeu dépasse largement cette échéance : il s’agit de construire, dans les interstices de l’université et de la société civile, des alliances durables pour une science plus ouverte, plus juste, et plus connectée au monde réel.

L’enjeu des collaborations internationales dans la recherche participative

Au fil des échanges, les intervenants ont souligné combien l’internationalisation des recherches participatives est essentielle pour relever les défis actuels. De plus en plus de problématiques dépassent les frontières : changement climatique, sécurité alimentaire, gestion des ressources naturelles, santé environnementale… Or, les solutions ne peuvent émerger que par la mise en commun des savoirs locaux et scientifiques.

Les expériences partagées ont montré la richesse des partenariats :

  • Au Sénégal, des projets collaboratifs se développent dans le cadre d’un Institut écocitoyen, autour des pollutions industrielles et de leurs impacts sur la santé des populations.
  • En Espagne, certaines universités intègrent les “enquêtes collectives” dans les cursus étudiants, offrant un modèle d’ancrage académique pour les démarches participatives.
  • Avec le programme européen DivinFood, plusieurs pays coopèrent pour identifier des variétés de céréales adaptées aux changements climatiques et aux besoins des agriculteurs locaux.

Ces initiatives illustrent une conviction commune : les recherches participatives ont besoin d’alliances internationales pour peser face aux grands défis globaux. Comme le souligne Stéphanie Bost, la circulation des méthodes, des données et des pratiques entre territoires permet non seulement d’enrichir la recherche, mais aussi de redonner du pouvoir d’agir aux communautés locales.

Cette session a ainsi illustré l’une des façons de construire une science qui ne s’arrête pas aux portes des laboratoires, mais qui circule entre territoires, disciplines et pays. Une science qui, au lieu d’imposer des solutions universelles, partage des connaissances locales pour bâtir collectivement des réponses globales.

Pour échanger avec les intervenants : 

  • Stéphanie Bost, Coordinatrice du réseau ALLISS - Alliance Sciences/Sociétés, coordination@alliss.org 
  • Marc Conesa, Professeur d'histoire moderne, Vice-président en charge des sciences ouvertes et de l’interdisciplinarité à l’Université de Perpignan Via Domitia, marc.conesa@univ-perp.fr

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