Recherche appartement

Publié par Université de Montpellier UM, le 31 octobre 2018   970

À quoi ressemblera l’appartement de demain ? Pendant trois ans, une équipe de chercheurs va analyser le quotidien de deux étudiants vivant dans un appartement ultra connecté.
Objectif : observer les usages des nouvelles technologies afin de mieux s’en servir et s’en protéger. Ce projet baptisé Human at Home débutera en octobre 2018 à Montpellier. 

Il est sept heures, votre réveil sonne. Vous vous dirigez vers la salle de bain. Sur le miroir apparaît la météo du jour ainsi que votre playlist du moment. Dans la cuisine, une tablette affiche l’agenda de votre journée et vous propose des idées de sortie pour la soirée. Sur le frigo, une liste de courses générée automatiquement à partir de ce que vous avez déjà consommé.  

Nous ne sommes pas dans un épisode de la célèbre série d’anticipation Black Mirror mais dans l’appartement test du projet Human at home, HUT. Un logement équipé d’une centaine de capteurs récoltant des informations sur les usages et habitudes de ses occupants. Le sol connecté donnera par exemple des informations sur leurs déplacements dans l’appartement, leur démarche, ou d’autres marqueurs de bien-être tels que les habitudes alimentaires, les possibles troubles musculo-squelettiques, les postures qui pourront ensuite être couplés avec les données  environnementales recueillies. 

On trouvera également des capteurs liés à l’appartement (température, pression atmosphérique), aux paramètres environnementaux extérieurs (humidité, pollution), ou encore des capteurs dits sociétaux liés au langage, à la connexion sur les réseaux etc. « Il faut définir les contours de l’appartement futur dont on ne veut pas, explique Alain Foucaran, directeur de l’Institut d’électronique et des systèmes (IES) et initiateur du projet aux côtés de Malo Depincé directeur adjoint du laboratoire Dynamique du droit. Au lieu que ce soit les GAFAM [Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft] qui nous disent ce qui est bon pour nous, il vaut mieux que ce soit les sciences humaines et sociales. »  

Une expérience « unique au monde »  

Pour mener à bien ce projet ambitieux, les deux chercheurs ont  réuni un consortium de douze laboratoires. Aux côtés des sciences dites « dures » comme l’informatique on y trouve des linguistes, des économistes, des anthropologues, des psychologues, des spécialistes du marketing...Au total une soixantaine de chercheurs pour un projet d’une envergure rare pour les sciences humaines. 

L’expérience durera trois ans, avec un renouvellement des occupants chaque année. « Il existe des projets similaires avec des gens qui restent un jour ou deux mais pas sur le long terme » explique Malo Depincé. « C’est une expérience unique au monde, tous les living labs qui existent lancent un défi technologique, nous c’est un défi d’usage » poursuit Alain Foucaran. 

Un défi consistant à dresser une sorte d’inventaire de « ce qui est accepté ou acceptable, intéressant ou pas pour l’occupant, détaille Malo Depincé. On aura surement des intérêts conditionnés. Ça m’intéresse si...Je suis d’accord, à condition que... ». Dans cette perspective les premiers habitants retenus seront des étudiants, « ils n’ont pas du tout les mêmes résistances que notre génération », commente Alain Foucaran. Un bouton d’arrêt général permettra néanmoins de déconnecter l’appartement à la demande des occupants. 

Informer et protéger 

Un défi juridique également puisque le second objectif de l’expérience est de réaliser « un catalogue de tout ce qu’une maison peut apprendre sur ses occupants ». Nous naviguons tous les jours sur le net, acceptons des contrats d’utilisation trop longs ou trop compliqués pour être lus, utilisons des enceintes connectées « dans une démarche très éloignée du consentement éclairé ou sans même avoir conscience que ces informations passent par un tiers, Google, Amazon, Apple », déplore Malo Depincé.  

Les occupants de l’appartement connectés seront, eux, « informés de l’existence de chaque capteurs, de toutes les informations qui seront collectées et de la manière dont elles pourront être traitées par un système informatique ». L’expérience devrait permettre aux juristes de réfléchir aux outils légaux permettant d’informer simplement et efficacement le consommateur sur la nature des données qu’il délivre mais aussi de le protéger quant à l’utilisation qui en sera faite. « Il y a des éléments de confort qu’il ne s’agit pas de nier, mais il faut s’interroger sur les contreparties de l’intelligence artificielle » conclut Malo Depincé.   

Illustration : ©HUT-LIFAM