Comment parler du futur et le construire avec nos publics sans être anxiogène ? Retour sur le 9e MIAMS

Publié par Echosciences Occitanie, le 16 janvier 2024   500

Les rencontres MIAMS, Midis Inter Acteurs-Actrices de la Médiation Scientifique, sont des webinaires du réseau Science(s) en Occitanie, ouverts à toutes personnes investies dans des actions de médiation ou de communication scientifique. Le but : partager, le temps d'un midi, et en toute convivialité, des expériences, bonnes pratiques et nouvelles idées pour renouveler nos actions.

Et si nous projetions nos publics dans le futur ? Comment créer une médiation permettant de redonner prise et confiance en l'avenir ? Comment gérer les peurs ou les rejets ? Quelles méthodes ludiques et concrètes peut-on mettre en place pour imaginer collectivement l'avenir et trouver des solutions aux défis d'aujourd'hui ?

Nous en avons discuté avec :

  • Andreas Eriksson, docteur en Sciences de l'Information et de la Communication avec une thèse interdisciplinaire en psychologie sociale et communication environnementale au Laboratoire d'Études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales à Toulouse. Andreas a notamment contribué au guide de la communication engageante. Sa thèse a consisté à évaluer des actions de communication engageante auprès de salariés, en s’éloignant du discours visant à changer des comportements individuels, pour aller vers une communication engageante “socialisante” : les salariés étaient invités à faire des propositions touchant l’ensemble de l’entreprise, et à en discuter ensemble afin de décider des actions retenues ou non.
  • Nicolas Hervé, maître de conférences en didactique des sciences et des questions socialement vives au laboratoire Education, Formation, Travail, Savoirs de l'Université Toulouse Jean Jaurès et de l'ENSFEA, spécialiste de la pensée prospective en éducation, auteur du livre Penser le futur. Un enjeu d'éducation pour faire face à l'Anthropocène. Nicolas forme des enseignants de lycées agricoles à l’éducation aux futurs.

C’est “quand” le futur ? Qu’entend-on par futur ?

Avant de lancer les échanges, il était important de se mettre d’accord sur ce qu’est “le futur”. “C’est quand” plus exactement. Cette question aux multiples réponses permet de comprendre qu'il n'existe pas de futur unique et universel. Pour certains participants, le “futur” est une époque lointaine, impliquant de grands changements par rapport à notre présent. Pour d’autres, au contraire, “future is now”. 

Pour parler du futur, il peut être pertinent de se projeter suffisamment loin, pour pouvoir imaginer une rupture avec le présent. Mais pas trop loin, pour pouvoir projeter la trajectoire. Comme 2050 par exemple. 

C’est quoi “l’éducation au futur” ?

L’éducation au futur est composée de 3 dimensions : 

  1. Analyser le futur. Ou disons plutôt “des futurs” en analysant les trajectoires possibles. La perception du futur est influencée par les préoccupations actuelles ; Il est essentiel de les analyser et de les mettre en débat pour construire différentes visions du futur. De nombreux objets culturels et scientifiques véhiculent des visions du futur, tels que les scénarios du GIEC.
  2. Apprendre à construire le futur. Par exemple en dessinant plusieurs visions du futur. 
  3. Débattre. Mettre en débat les visions proposées. 

Éduquer au futur, c’est apprendre à anticiper et accélérer les mécanismes temporels pour réduire un problème actuel. L'éducation au futur n'a pas toujours été centrale, mais elle est désormais essentielle en raison des défis climatiques et technologiques actuels.

Parmi les outils de médiation, on peut citer par exemple le jeu de rôle 2tonnes. Ce jeu met à la fois en avant la dimension individuelle et celle collective. 

Comment parler du/des futur/s ?

Le futur comporte une dimension éthique forte, nécessitant une réflexion approfondie sur les implications de nos actions pour les générations futures. Pour cela, il est important de prendre en considération les réactions induites.

Les discours alarmistes sur des sujets tels que le changement climatique peuvent générer de l'anxiété et inhiber les comportements favorables. L'éco-anxiété est une émotion naturelle liée à la dissonance entre nature et culture, explique Andreas Eriksson. 

Certains outils comme le "cône des futurs" suppriment le côté inéluctable et ouvrent le champ des futurs afin d'en atténuer l'aspect anxiogène. Ce cône a pour but de permettre aux plus pessimistes d’avoir “des germes d’espoir” précise Nicolas Hervé. 

Par ailleurs, il est important de bien évaluer la capacité d’agir de chaque individu, et d’adapter son discours en fonction (par exemple, dans le cas de personnes en situation précaire, privilégier le discours centré sur l’amélioration du quotidien), sans jamais mettre la barre trop haut. 

Comment construire le ou les futurs avec les publics ?

Pour sensibiliser les individus aux enjeux futurs, il est nécessaire de les engager activement dans des problématiques immédiates et qui les concernent. Mais aussi en les impliquant sur des problématiques psychologiquement accessibles permettant aux individus de se sentir acteurs de leur destinée. Pour cela on peut proposer dans un premier temps ce qu’on appelle un acte préparatoire c’est-à-dire qu’on va proposer de réaliser une action peu engageante et facilement réalisable comme porter un badge ou s’engager sur une charte pour ensuite être plus apte à s’engager davantage. 

Divers dispositifs, tels que des animations et démarches d'enquête, peuvent être utilisés pour co-construire des visions du futur positives. 

Nicolas a déjà expérimenté plusieurs méthodes : 

  • La méthode Futures wheel qui permet de réfléchir aux conséquences d’un changement. 
  • La mise en place d’enquêtes avec les élèves : sur plusieurs séances, ils doivent mener une enquête pour répondre à un problème donné. Ils vont mener une enquête sur le terrain, interroger des acteurs, et ensuite créer des “images du futur” inventives. Certaines classes allaient jusqu’à faire des propositions concrètes en rédigeant des lettres aux élus. De la même manière, Nicolas a testé une enquête avec des élèves de maternelles et primaires. Les enfants devaient étudier le passé (il s’agit de mener une “enquête temporelle”), via des cartes postales, pour ensuite imaginer le futur de leur territoire et le créer via de la pâte à modeler. L’important est d’avoir un rendu final, qui soit ensuite valorisé, par exemple hors de l’école, via une exposition, ou une table ronde grand public. 
  • Les méthodes de design fiction. Par exemple en créant de faux produits du futur (et rédiger son mode d’emploi), de fausses campagnes de communication. 
  • La méthode de scénario catastrophe : faire travailler les publics sur ce qu’ils ne souhaitent pas, pour ensuite imaginer des futurs souhaitables. 

Enfin, Andreas recommande de se reconnecter à la nature pour envisager le futur. Pourquoi pas un atelier dans la nature ?

5 conseils de médiation pour parler du futur auprès des publics :

  • Une approche collaborative : intégrer une diversité d'expertises afin de construire des visions du futur plus complètes et nuancées, tout en favorisant l'engagement et la responsabilisation.
  • Une vision plurielle du futur : utiliser des outils tels que le "cône des futurs" pour explorer les différentes possibilités et aider les individus à se sentir acteurs de leur destinée.
  • Pas de messages alarmistes : faire attention à équilibrer les informations pour ne pas générer d'anxiété excessive en mettant l'accent sur l'action collective et le pouvoir d'influence plutôt que sur la peur de l'inconnu.
  • Intégrer les émotions et donner du sens : favoriser une approche qui considère à la fois le savoir, les valeurs et les émotions.
  • Ne pas mettre la barre trop haut : bien identifier les objectifs, les marges de manœuvre et les moyens. Ne pas vouloir immédiatement changer les comportements. 

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