Les forêts tropicales insulaires championnes de la résilience aux cyclones
Publié par IRD Occitanie, le 8 avril 2025 540
Régulièrement dévastées par les tempêtes tropicales, les forêts insulaires du Pacifique sud ont développé une capacité à se rétablir très vite.
Défoliation, déracinement massif, ruptures de tronc, mortalité élevée… Les arbres des forêts tropicales insulaires sont mis à rude épreuve par les fréquents passages de cyclones. Malgré ces dégâts importants, ils parviennent à récupérer rapidement : ainsi, trois ans après le violent cyclone Pam la couverture de la canopée de la forêt vanuataise s’était rétablie, tandis que la régénération comptait une large gamme d’espèces au rôle fonctionnel varié. De même, aux Samoa, les communautés d’arbres ont retrouvé une composition de traits fonctionnels similaires 15 ans après deux cyclones successifs ayant causé d’importants dégâts aux forêts.

Dans le contexte de réchauffement des océans, qui pourrait renforcer l’intensité de tels événement, nous travaillons à en comprendre les effets sur les forêts, et à évaluer leur capacité de régénération », indique Thomas Ibanez, écologue IRD au sein d’AMAP.
Les scientifiques de l’IRD et leurs partenaires de Fidji et du Vanuatu ont étudié les données relatives aux dégâts causés par 11 cyclones sur 74 parcelles forestières tropicales, portant sur plus de 22 000 arbres et 800 espèces.
        
        
        
          
La topographie des lieux, et notamment l'exposition aux vents, peut être un facteur de vulnérabilité ou de résistance des arbres aux cyclones.
© IRD - Jean-Michel Boré
La taille compte
Leurs
 recherches montrent que les dommages causés aux forêts par les cyclones
 dépendent tout à la fois de la vitesse du vent, de la topographie 
locale, de la taille des arbres et de la densité de leur bois. La 
probabilité de rupture ou de déracinement au niveau de l'arbre, et donc 
la proportion d'arbres endommagés à l’échelle de la forêt, augmente avec
 la vitesse maximale du vent et avec l’exposition de la parcelle. À 
l’inverse, la densité plus élevée du bois réduit la probabilité de 
rupture et, dans une moindre mesure, celle de déracinement. Enfin, la 
taille compte : les plus gros arbres résistent mieux à la rupture, mais 
moins bien au déracinement. « Ces résultats permettent de mieux 
comprendre comment les cyclones affectent les forêts et d’améliorer les 
prédictions sur les impacts futurs, alors que les vents puissants 
deviennent plus fréquents », indique le spécialiste.
Au-delà des
 destructions, les recherches suggèrent que les forêts régulièrement 
exposées aux cyclones ont développé une certaine résilience. Ainsi, les 
espèces des communautés forestières des Samoa et du Vanuatu semblent 
avoir évolué en adoptant des stratégies spécifiques pour résister aux 
vents violents récurrents.
Des bourgeons sous l’écorce
Les 
arbres de ces îles ont ainsi adapté leur architecture pour résister aux 
dégâts infligés par les événements climatiques extrêmes : ils se 
développent plus en largeur, moins en hauteur, avec des bois plus 
denses. Cela leur confère une bonne résistance au passage des cyclones :
 leur tronc ne rompt pas et ils ne se déracinent pas tant face aux 
éléments déchainés. Et si les habitants n’interviennent pas après les 
cyclones, pour déforester ou mettre les forêts en pâture, les arbres 
parviennent à reconstituer la canopée en un an, notamment grâces à des 
bourgeons sous l’écorce, prêts à pousser pour remplacer les branches 
tombées.
Mais cette belle mécanique pourrait être menacée. C’est 
notamment le cas lorsqu'une seconde perturbation grave, comme un 
incendie, survient avant que la forêt n’ait eu le temps de se rétablir 
de la première. Ce qui vient d’ailleurs exactement de se produire à 
Mayotte après le passage du cyclone Chido. L’action humaine peut aussi 
profondément entraver les processus naturels de résilience. 

Une des plus importantes sources de déforestation au Vanuatu est la conversion de forêts en champs après qu’elles aient été endommagées par des cyclones », explique ainsi Presley Dovo du département des forêts de Vanuatu.
Défoliation, déracinement massif, ruptures de tronc, le passage d'un cyclone peut provoquer de sévère dégâts dans la forêt.
© IRD - François Sodter
Bouleversement climatique
Le
 réchauffement de la masse océanique vient également rebattre les cartes
 : il accroit la force des cyclones et étend leur aire vers des 
latitudes plus élevées. Ce faisant, les régions tropicales connaissent 
des cyclones plus puissants qui pourraient déjouer la stratégie de 
résilience des forêts insulaires. Ils pourraient ainsi causer des dégâts
 supplémentaires, prolongeant le temps de récupération des forêts et les
 rendant plus vulnérables aux perturbations suivantes.
 
« Quant aux forêts tempérées, qui commencent à se trouver exposées à ce danger nouveau, elles ne sont tout simplement pas préparées pour résister à l’irruption des cyclones », conclut Thomas Ibanez.
par Olivier Blot, IRD le Mag'
Source : https://lemag.ird.fr/fr/les-fo...
CONTACTS
Thomas Ibanez AMAP (IRD/CNRS/Inrae/Cirad/Université de Montpellier)
Presley Dovo Département des forêts, Vanuatu
PUBLICATIONS
Thomas
 Ibanez, David Bauman, Shin-ichiro Aiba, Thomas Arsouze, Peter J. 
Bellingham, Chris Birkinshaw, Philippe Birnbaum, Timothy J. Curran, 
Saara J. DeWalt, John Dwyer, Thierry Fourcaud, Janet Franklin, Takashi 
S. Kohyama, Christophe Menkes, Dan J. Metcalfe, Helen Murphy, Robert 
Muscarella, Gregory M. Plunkett, Chanel Sam, Edmund Tanner, Benton N. 
Taylor, Jill Thompson, Tamara Ticktin, Marika V. Tuiwawa, Maria Uriarte,
 Edward L. Webb, Jess K. Zimmerman, Gunnar Keppel. Damage to 
tropical forests caused by cyclones is driven by wind speed but mediated
 by topographical exposure and tree characteristics, Global Change Biology, 15 Mai 2024
DOI :10.1111/gcb.17317
Baptiste Delaporte, Thomas Arsouze, Gunnar Keppel, Swen Jullien, Christophe Menkes & Thomas Ibanez. StormR: An R package to quantify and map the tropical storms and cyclones’ winds characteristics, The Journal of Open Source Software, 11 janvier 2024
DOI: 10.21105/joss.05766
Tamara
 Ticktin, Ashley McGuigan, Frazer Alo, Michael J. Balick, Andre Boraks, 
Chanel Sam, Thomas Doro, Presley Dovo, Thomas Ibanez, Alivereti 
Naikatini, Tom A. Ranker, Marika V. Tuiwawa, Jean-Pascal Wahe & 
Gregory M. Plunkett. High resilience of Pacific Island forests to a category- 5 cyclone, Science of The Total Environment, 20 avril 2024
DOI :10.1016/j.scitotenv.2024.170973
Gunnar Keppel, Thomas Ibanez, Edward L. Webb. Changes in Community Composition and Functional Traits After Cyclones and Fire in a Pacific Rainforest, Pacific Science, 2024
DOI :10.2984/77.2.6
