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Gaël U. D. Bouka : comprendre l’influence de l’Homme sur la diversité génétique d’un arbre fruitier africain

Publié par IRD Occitanie, le 21 avril 2023   380

Enseignement-chercheur en Botanique systématique, Botanique forestière, Écologie Forestière et Biosystématique à l’Université Marien Ngouabi (république du Congo), Gaêl Bouka est accueilli à l’UMR DIADE pendant un an dans le cadre de la bourse Make Our Planet Great Again (MOPGA) dont il est bénéficiaire. Il répond à nos questions.

Make Our Planet Great Again

© MOPGA

Pourquoi à votre avis bénéficiez-vous d’une bourse MOPGA ?

L’initiative MOPGA est destinée à œuvrer au renforcement des contributions scientifiques face aux enjeux du changement climatique. Mon thème actuel de recherche, « Caractérisation de la diversité génétique et morphologique d’un arbre fruitier indigène du Bassin du Congo (Dacryodes edulis) en vue de sa gestion face aux changements climatiques », correspond aux exigences scientifiques de ladite bourse. Mes travaux de recherche antérieurs, notamment sur les acajous d’Afrique dont le bois est très prisé, ainsi que mon appartenance à un établissement de recherche du Sud ont dû aussi peser dans la balance. J’ai soutenu en 2017 à Montpellier, une thèse pluridisciplinaire portant sur la diversité génétique et la formation des espèces d’acajou en lien avec l’histoire des forêts d’Afrique. Elle était co-encadrée par Doyle McKey (CEFE), Charles Doumenge (CIRAD) et Jean Joël Loumeto (Université Marien Ngouabi). Dans ce cadre, j’ai fait la rencontre de Jérôme Duminil de l'UMR DIADE (responsable du projet S@founet sur lequel porte mon séjour actuel à l’IRD) au laboratoire d’Evolution biologique et écologie de l’Université Libre de Bruxelles.

Gaël U. D. Bouka : rivière dans une forêt du département de la Sangha au Nord de la République du Congo

© IRD - Gaël U. D. Bouka

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir scientifique ?

J’ai commencé à murir le projet de devenir scientifique après le baccalauréat. Dès la classe de troisième au collège et jusqu’en terminale, j’ai caressé le rêve de devenir médecin. Après l’échec au concours d’entrée à la Faculté de Médicine de l’unique université de mon pays à l’époque, j’avais choisi de m’inscrire à la Faculté des Sciences pour devenir spécialiste en Parasitologie ou Épidémiologie médicale afin de ne pas trop m’éloigner des sciences médicales. Cependant, en troisième année de Biologie des organismes, une autre passion est née en moi. Elle était si forte que j’ai fini par abandonner le domaine paramédical. J’ai donc poursuivi mes études en Botanique et Écologie végétales. C’est à partir de là que tout a commencé.

Gaël U. D. Bouka : Extraction d'ADN, plateforme AGAP (Cirad)

© Yao T. Leong

Pourquoi avoir choisi de travailler avec l’IRD ?

Pendant mes études de maîtrise en Botanique et Écologie, l’IRD avait lancé un appel à candidature pour un programme de formation intitulé « Sud expert plante ». Il avait pour objectif de former des spécialistes afin de renforcer et pérenniser - dans les organismes et institutions du Sud et du Nord - les compétences dans divers domaines liés à biodiversité végétale tropicale. J’avais donc candidaté à cette formation et j’ai été retenu pour faire un master international en biodiversité et environnement végétaux tropicaux. Durant ce master, tous les étudiants du Sud étaient logés au centre IRD de Bondy. Quand Jérôme Duminil (IRD, DIADE) m’a parlé de la bourse MOPGA avec la possibilité d’être accueilli par l’IRD, j’ai bondi sur l’occasion car c’était en quelque sorte une façon pour moi de revenir à la « maison » (IRD) mais surtout de travailler dans un milieu que j’affectionne, les sciences végétales.

Vente de fruits du Safou, Cameroun

© IRD - Aurore Rimlinger

Quelles activités menez-vous sur le terrain ? en laboratoire ?

Nos activités s’inscrivent dans la suite du projet Arbopolis dont l’objectif était d’évaluer la diversité génétique des safoutiers des villes et des villages au Cameroun. Dans le cadre du projet actuel, S@fouNet, nous collectons - en République démocratique du Congo, au Cameroun et en RCA - des échantillons de feuilles et de fruits. Ces derniers, les safous, font l’objet de mesures de longueur et diamètre afin de différencier morphologiquement les individus. Nous réalisons des enquêtes auprès des cultivateurs pour connaitre leurs pratiques de sélection variétale. Au laboratoire, l'ADN des échantillons est extrait, puis nous effectuons un génotypage afin d’identifier les allèles de chaque individu pour procéder ensuite à leur comparaison par des méthodes de probabilités. Nous faisons également des prises des photos des fruits sur le terrain via l'application Pl@ntNet pour une identification des variétés par une approche de classification automatique.

Pied de Khaya anthotheca dans la Forêt d'Ipendja au nord de la République du Congo

© IRD - Gaël U. D. Bouka

Comment vos travaux contribuent à l’amélioration des conditions de vie dans votre pays ou région ?

Les safous sont très prisés au Congo et pour reproduire des arbres qui donneront les fruits les plus recherchés, les cultivateurs ont recours au marcottage. Mais cette technique n’est pas sans conséquence sur la diversité génétique qui peut s’affaiblir par consanguinité. Mes travaux permettront de connaitre la diversité génétique domestiquée de cette espèce au Congo et de la relier d’une part avec les pratiques de gestion de l’espèce et d’autre part avec la répartition géographique des groupes morphologiques. Cela permettra aussi de bien comprendre l’influence de l’Homme sur la diversité génétique de l’espèce afin de contribuer à la gestion de ses ressources génétiques en lien avec les changements climatiques à venir.

Gaël U. D. Bouka : identification des pieds de Khaya grandifoliola (Acajou d'Afrique a grande feuille) dans une plantation au Brésil

© Flavius Rubira

En quoi votre recherche répond-elle à la science de la durabilité ?

Elle répond à la science de la durabilité en fournissant des informations capitales pour une gestion durable de Dacryodes edulis. C’est le cas notamment de la diversité génétique en lien avec les pratiques de sélection variétales. En effet, l’influence des pratiques de gestion de cette espèce sur la dynamique de sa diversité génétique demeure peu connue. Les cultivateurs jouent pourtant un rôle prépondérant sur cette diversité qui est une composante fondamentale de l’adaptation des espèces aux changements climatiques. Il est donc primordial de bien caractériser cette influence afin de contribuer à des stratégies d’utilisation durable des ressources génétiques fruitières. C’est d’ailleurs l’objectif du projet S@fouNet.

Contact science : Gaël U. D. Bouka, DIADE GAEL.BOUKA@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR