Retour sur l'apéro #4 des Brasseurs de sciences : "Les sciences en BD"

Publié par Sarah Debaud, le 7 février 2018   2.9k

Mercredi 24 janvier 2018, les Brasseurs de sciences se sont retrouvés dans la sympathique cave du BièrographeUne quarantaine de personnes nous a rejoint, impliquées à diverses échelles dans la culture scientifique. Ce soir, la bande dessinée est mise à l’honneur ! Nous souhaitons en apprendre plus sur les diverses façons d’aborder les sciences en BD. Retour sur ce 4e apéro des Brasseurs de sciences. 

(Dessin en bannière : ©Laurent Noblet)

©Laurent Noblet

Ce soir, trois intervenants sont au rendez-vous pour partager leurs expériences et échanger avec l’auditoire :

  • Marianne Blanchard est sociologue et Maître de conférences à l'Université Toulouse II - Jean Jaurès. Son aventure dans la BD démarre en 2012 avec la fondation d’une association de vulgarisation en bande dessinée : Socio en cases.  Cette initiative naît d’une rencontre entre sociologues et auteurs de BD. Une collaboration émerge avec des auteurs de BD  "sans idées" pour créer une collection intitulée « Sociorama » dont les contenus sont avérés par un comité scientifique. Les ouvrages relatent les histoires de personnages fictifs avec pour parti pris de choisir de ne pas mettre en scène les chercheurs. À terme, l’association souhaiterait  développer ce type de bandes dessinées didactiques exploitables en milieu scolaire et universitaire.

« Le but de "Sociorama" est véritablement de faire passer les analyses sociologiques à travers un univers, des histoires, une fiction... »

  • Laurent Noblet est, quant à lui, dessinateur. Il fait des « petits Mickey », il observe des gens dans la rue qu’il dessine et travaille pour les éditions Dupuis (les mêmes que Spirou). Il se connecte aux sciences pour rajouter des savoirs à ses histoires. Pour sa première expérience lors d’une conférence dessinée - aussi appelé live sketching -  il présente en direct des dessins comiques en lien avec les propos du conférencier. En parallèle, il propose aussi des ateliers pour les petits autour des savoirs et du savoir-faire de la BD. Ses illustrations sont à découvrir sur son site

 « Le live sketching marche très bien, mais demande beaucoup de préparation en amont. Il faut toujours prévoir des petits gags à l’avance. »

  • Enfin, Marion Jouffroy est illustratrice spécialisée dans les dessins humoristico-naturalistes. Issue d’un cursus scientifique orienté biologie/écologie, elle dessine sans arrêt pendant les cours. Impliquée dans une association de protection de l’environnement, elle propose ses premières illustrations pour des opérations de “médiation faune sauvage”, notamment sur les reptiles et batraciens. Finalement, elle devient auto-entrepreneure et se met à tester différentes techniques : livesketching lors d’un colloque, création de planches pour sensibiliser sur les interactions Homme/animaux, supports pour des jeux de médiation, moulages, etc.

« Un dessin vaut mieux qu’un long discours. »

À qui s’adresse la BD ?

À tout le monde ! C’est un des médias les plus faciles à aborder d’autant que les gens lisent de moins en moins ( ah oui ?! ). Un visuel peut facilement faire passer un message, même sans texte ! Un texte d’accompagnement peut aussi préciser les explications compliquées. Avec le dessin, il est très facile de faire des métaphores et des mises en situation "parlantes". D’ailleurs, le dessin peut tout à fait servir de support d’interprétation comme un texte en classe de français.

 

©Marion Jouffroy 

Le dessin : un travail de terrain

L’inspiration vient essentiellement de la connaissance du sujet. Il y a un vrai besoin de s’en imprégner. Pour ce faire, voici plusieurs moyens :

> Se rendre sur les lieux ;

> Recueillir de la documentation en masse ;

> Organiser des rencontres avec tous les acteurs concernés par la problématique.

Le live skecthing d'une conférence scientifique : une expérience en direct

Le plus gros risque reste le syndrome de la page blanche ! Mais une bonne préparation permet de l'éviter. Pour le scientifique, la performance de live skecthing  n'est pas un élément perturbateur. Cela lui permet même de prendre un peu de recul sur ses propos… Il faut cependant veiller à garder l'attention du public malgré les gags. Les dessins peuvent aussi servir à animer les transitions pendant la conférence.

 

©Laurent Noblet

Quels sont les retours des publics ?

De manière générale, il est très compliqué de jauger l’impact qu'a la BD scientifique sur les publics. S’il s’agit d’un livre, on se fiera plutôt aux ventes. Lors d’un rendu en direct - livesketching ou ateliers - il est possible de sonder les participants sur le moment. Et pourtant, la création et la publication d'« Octopus », une nouvelle collection dédiée à la BD scientifique, laisse à penser qu'il existerait bel et bien un public amateur. Par ailleurs, l’Éducation Nationale pourrait être un public de plus en plus demandeur à l'avenir.

Collaboration entre illustrateurs et scientifiques : un travail d’équipe

Après une commande, les dessins sont soumis à un regard critique, mais parfois, le commanditaire ne sait pas exactement ce qu’il attend. Il s'agit donc de mettre en place un travail d’équipe en cherchant à  s’enrichir des visions inattendues des illustrateurs. Par expérience, le premier jet d’un dessin est souvent le meilleur.

> Parfois, il faut s’attendre à beaucoup de reprises des dessins pour que cela corresponde au message. Souvent, chaque dessin est passé au crible. Il faut cependant savoir déceler les détails primordiaux de ceux qui le sont moins que l’on peut laisser tel quel pour ne pas nuire à l’avancement du projet.

> Un gag peut ne pas être en accord avec la science. C’est ce qui fait toute l'ambiguïté avec les dessins humoristiques.

> Dans le rapport art/science, il faut savoir faire des compromis tant que cela ne nuit pas au contenu scientifique. C'est assez rare d'ailleurs que l’illustrateur se sente brimé dans son art, bien que cela puisse arriver.

> L’art de dessiner l’indescriptible n’a pas de frontière. Il y a des tas de solutions graphiques que l’illustrateur peut proposer spontanément. Le mandataire n’est donc pas forcé d’avoir un esprit très créatif.

©Marion Jouffroy 


 Voici quelques conseils de collaboration que nous avons retenus :

  •  Savoir travailler en équipe ;
  • Exprimer correctement ses attentes pour qu'elles soient comprises et  définir les statuts de chaque acteurs pour pouvoir légitimer la critique des contenus par la suite ;
  • Favoriser les échanges en face à face pour effectuer des retours critiques (préférer travailler avec des illustrateurs locaux) ; 
  • C’est bien d’avoir quelques idées, mais le rôle du dessinateur est de traduire, il peut proposer une ou plusieurs visions du sujet. Il faut oser faire confiance à l’inspiration du dessinateur ;
  • Varier les astuces graphiques, créer le suspens et l’inattendu ;
  • Proposer la visite du lieu, les rencontres pour s’imprégner (c’est un bon moyen de simplifier les faits scientifiques) ;
  • Sachez qu’un dessin peut facilement être décliné en affiche, en histoire, logo ou autres supports de communication et de médiation ;
  • La BD est une amorce pour s’intéresser à un sujet, cela suscite l’intérêt, mais cela ne prévaut pas les explications d’un scientifique.

Pour clôturer cette belle soirée, Samuel et Arnold, fondateurs du futur Eurékafé, nous ont annoncé qu’ils disposent enfin d’un local pour leur bar. Ils sont en recherche active d’idées d’aménagement ! N’hésitez pas à leur faire des suggestions sur leur page Facebook. 

Le prochain apéro des Brasseurs de sciences traitera de l’accessibilité aux sciences. On vous transmet toutes les infos au plus vite ! D'ici là, portez vous bien   ;- )