Quand l’école fait peur

Publié par Université de Montpellier UM, le 18 octobre 2017   1.9k

L’idée même d’aller en classe les rend littéralement malades, au point qu’ils finissent parfois par déserter les bancs de l’école. Pour aider ces enfants souffrant de « refus scolaire anxieux », le CHU de Montpellier propose une prise en charge inédite.

Après un week-end en pleine forme, votre enfant se retrouve tout patraque au moment de reprendre le chemin de l’école. Mal à la tête, mal au ventre, envie de vomir. Si ce syndrome du « j’veux pas y aller » semble assez classique, il peut prendre une ampleur inquiétante chez certains enfants, au point que ceux-ci ne se sentent plus capable d’endosser leur cartable pour aller en classe. Une peur de l’école qui peut même aboutir à la déscolarisation et laisse les parents démunis. « On parle alors de "refus scolaire anxieux" », explique le docteur Hélène Denis. Au CHU de Montpellier, la pédopsychiatre a développé une approche unique pour prendre en charge ces enfants et les remettre doucement mais sûrement sur le chemin de l’école.

« Nous n’avons pas affaire à de mauvais élèves ni à des enfants qui ne veulent pas aller à l’école, précise Hélène Denis. Au contraire la plupart d’entre eux sont des élèves travailleurs qui ont envie de bien faire et veulent vraiment retourner en classe ». Et s’ils n’y parviennent pas, c’est qu’ils sont submergés par l’angoisse. La majorité des petits patients pris en charge au service de médecine psychologique enfants et adolescent du CHU ont entre 11 et 16 ans, « l’âge d’apparition des gros troubles anxieux ».

Stress de la performance

Qu’est-ce qui fait peur à ces enfants ? « L’anxiété peut revêtir plusieurs formes », répond la pédopsychiatre. Certains souffrent d’anxiété de séparation, ils ont du mal à s’éloigner de leurs parents, ne serait-ce que pour aller à l’école. Beaucoup admettent également avoir peur du jugement de leur entourage et fuient l’école pour ne pas affronter le regard des autres. « On voit également de plus en plus d’enfants qui présentent une anxiété de performance et se mettent beaucoup de pression par rapport à leurs résultats scolaires », explique Hélène Denis, qui souligne que beaucoup de ses petits patients viennent de collèges privés où la pression du résultat est souvent plus forte.

Les spécialistes estiment que le refus scolaire anxieux touche 5 à 28 % des enfants et adolescents au cours de leur scolarité. Un chiffre en augmentation ces dernières années. Pour la pédopsychiatre, « c’est révélateur d’une société qui va mal et qui devient source d’angoisse. Très tôt on envoie un message aux enfants disant qu’il faut bosser pour avoir du boulot, quelle pression ! Les parents eux-mêmes sont souvent pressurisés et stressés ce qui n’arrange rien ». La spécialiste pointe enfin du doigt les modes d’enseignement qui sont pratiqués aujourd’hui au collège : des méthodes pédagogiques destinées à tous, mais qui ne conviennent pas forcément à chacun. « Certains enfants n’y trouvent pas leur place, ça exacerbe leur anxiété ».

Thérapie cognitive et comportementale

Pour les enfants que l’angoisse empêche d’aller à l’école, Hélène Denis et ses collaborateurs ont mis au point un programme spécifique. « Lorsque les enfants ne peuvent plus aller en classe, leur scolarité se déroule au sein de l’hôpital où ils bénéficient des cours d’un professeur agréé ». En parallèle, le personnel soignant met en place avec eux un travail spécifique de thérapie cognitive et comportementale. « Le but c’est de les aider à comprendre comment fonctionne l’anxiété et de leur apprendre des techniques pour pouvoir mieux la gérer ». Relaxation, exercices de respiration, mises en situation, autant de méthodes qui leur permettent petit à petit d’apprivoiser leurs angoisses pour mieux y faire face et les surmonter.

Retrouver confiance

Si ces thérapies sont encore peu utilisées en pédopsychiatrie, la méthode a fait ses preuves. En 10 ans, le service d’Hélène Denis a pris en charge une cinquantaine d’enfants qui ont tous repris une scolarité à temps complet l’année suivante. « Le retour à l’école se fait de façon progressive au bout de 2 à 6 mois de thérapie. On travaille en étroite collaboration avec le collège pour faciliter la reprise », explique-t-elle. Une reprise qui se fait en douceur : l’élève est accompagné d’une infirmière de l’unité, il revient dans le cours de son choix, à la place qu’il souhaite et en ayant l’assurance de ne pas être interrogé à l’oral. C’est progressivement qu’il réintègre pleinement sa classe.

« Les élèves ne redoublent même pas car les cours dispensés au sein du service leur ont permis de rester au niveau et même, en ce qui concerne les troisième, de passer leur brevet », précise la pédopsychiatre. Les jeunes continuent d’être suivis en consultation pendant toute une année pour consolider leur confiance en eux. « Petit à petit ils retrouvent des relations normales avec l’école, c’est ça la réussite », se réjouit Hélène Denis.