Proxima b, la belle invisible

Publié par Université de Montpellier UM, le 16 octobre 2017   1.5k

Elle pourrait abriter la vie. A quelques encablures interstellaires, Proxima b réactive un vieux rêve : celui de découvrir d’autres planètes habitables hors de notre système solaire. Mais au fait, qu’est-ce au juste qu’une planète habitable ?

C’est l’exoplanète* la plus proche de notre Terre. Comme c’est le cas pour la plupart de ses consœurs – on recense aujourd’hui plus de 3 000 exoplanètes – nul n’a jamais observé Proxima b. La distance, le manque de luminosité de cet objet céleste noyé dans la lumière de son étoile rendent impossible toute observation directe. Une planète invisible à l’œil nu donc, qui pourtant scintille d’un éclat particulier pour les astrophysiciens…

Si proche inconnue

Fruit d’une dizaine d’années de compilation et d’analyse de données, sa découverte en août dernier a suscité l’effervescence bien au-delà de la communauté des astrophysiciens. Pourquoi un tel engouement ? Parce que cette planète est exceptionnelle pour au moins deux raisons. Par sa proximité tout d’abord. Proxima b la bien nommée orbite autour de Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche de notre système solaire, située à « seulement » 4 années-lumière de la terre : un saut de puce à l’échelle de l’univers.
Par sa nature ensuite, rappelant celle de la terre : une composition vraisemblablement rocheuse et une masse à peu près équivalente à celle de notre planète. « La découverte de planètes extrasolaires* de type tellurique pouvant potentiellement abriter la vie n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est, c’est la proximité de cette planète, qui va permettre d’ici quelques années d’observer pour la première fois directement les interactions entre une planète ressemblant à la nôtre et son étoile » résume Julien Morin, chercheur au Laboratoire Univers et Particules de Montpellier et membre de l’équipe internationale à l’origine de cette découverte historique.
Un terrain de jeu rêvé pour les astrophysiciens, et un espoir : « cette découverte concerne le système le plus proche du système solaire. Si celui-ci abrite une planète de ce type alors on peut raisonnablement penser que beaucoup d’autres existent autour de nous » note le chercheur.

« Zone d’habitabilité »

Une planète habitable à quelques encablures spatiales de la terre ? Rien n’est moins sûr. Pour être éligible au statut de planète habitable, il faudrait en effet que Proxima b remplisse une série de critères pour l’heure invérifiables. Car comme souvent en astrophysique, les informations recueillies sur Proxima b résultent de déductions plus que d’observations directes. « En étudiant l’étoile, nous avons pu mesurer des décalages de fréquences de la lumière émise par celle-ci et ainsi déduire qu’une planète gravitait autour. Il a aussi été possible d’estimer la masse de la planète » explique Julien Morin. Une masse d’environ 1,3 fois celle de la terre qui suggère une composition tellurique, rendant envisageable la présence de la vie.
Pour autant, il ne suffit pas à une planète de disposer d’une terre ferme pour que l’homme puisse y poser le pied. La température à sa surface doit en effet se situer dans une fourchette tempérée afin de permettre la présence d’eau, et donc la vie.
En ce qui concerne Proxima b, les scientifiques ont pu évaluer à 7 millions de kilomètres la distance séparant la planète de son étoile, Proxima Centauri. Une distance bien moindre que celle séparant la terre du soleil, qui place néanmoins Proxima b dans la zone dite « d’habitabilité ». Pourquoi ? Parce que son étoile, une naine rouge, est sept fois plus petite et un millier de fois moins lumineuse que notre soleil. Il semblerait donc possible que la température régnant à la surface de la planète soit telle que de l’eau puisse s’y écouler à l’état liquide.

Atmosphère, atmosphère...

Reste un point capital : l’existence ou non d’une atmosphère, cette enveloppe gazeuse isolant la planète du vide spatial, régulant sa température et rendant possible la formation de nuages et de pluie grâce à l’effet de serre. « Il est actuellement impossible de savoir si oui, ou non, Proxima b dispose d’une atmosphère, condition nécessaire au maintien de l’eau à l’état liquide » explique Julien Morin. La faible distance qui sépare Proxima b de son étoile pose ici problème : du fait de leur proximité, la planète est vraisemblablement bombardée par une énorme quantité de rayons X et d’ultraviolets, les naines rouges connaissant des éruptions bien plus violentes que notre soleil. D’où la crainte que l’atmosphère de Proxima b – si tant est qu’elle ait un jour existé – n’ait été réduite à néant par ces rayonnements stellaires. De nombreuses zones d’ombres subsistent donc, que la mise en place prochaine d’une nouvelle génération de « super-télescopes » pourrait bientôt venir éclairer. La perspective de rendre un jour visite à notre voisine galactique apparaît quant à elle beaucoup plus incertaine : avec les technologies de propulsion actuelles, Il faudrait des dizaines de milliers d’années pour gagner cette planète à la proximité toute relative. Une éternité, à moins qu’un saut technologique ne vienne changer la donne. C’est le rêve du milliardaire russe Iouri Milner, qui ambitionne avec le projet Starshot de développer des nano-sondes de la taille d’un timbre-poste, propulsées à l’aide de voiles photoniques et d’un rayon laser. Bien que de nombreux obstacles techniques doivent encore être franchis, ces sondes pourraient un jour permettre d’atteindre des vitesses inédites, de l’ordre de 20% de la vitesse de la lumière. Proxima du Centaure deviendrait dès lors atteignable… en une vingtaine d’années ! Il est donc plus que jamais permis de rêver.

* Une exoplanète ou planète extrasolaire, est un corps céleste analogue à une planète gravitant autour d’une autre étoile que le Soleil.

(c) ESO



Retrouvez cet article dans LUM, le magazine science et société de l'Université de Montpellier.

Vous souhaitez recevoir chaque numéro du magazine Lum en version papier ? Envoyez un simple mail précisant vos coordonnées à aline.periault@umontpellier.fr