LA MNÉMOTECHNIQUE DE L’ÉCUREUIL

Publié par Elisabeth Leciak, le 28 septembre 2017   1.5k

Quand j’ouvre mes placards de cuisine, les cornichons sont à côté des cornflakes, les pâtes fricotent avec les sardines… Tous les écureuils de la planète se foutent de moi ! – « Allons ! On ne mélange pas les noix avec les amandes ! »

Une récente étude vient de montrer que les écureuils n’ont pas besoin d’IKEA pour apprendre à ranger leur cuisine. Ces petits animaux dont la grande passion est de ramasser des graines et d’aller les cacher un peu partout sont les rois de l’organisation.

Mnémotechnique

Soyons objectifs, un écureuil n’a pas la vie facile. Pour éviter les pillages, il doit sans arrêt avoir de nouvelles planques. Et quand il stocke de 3 000 à 10 000 graines par an, son principal souci est de pouvoir les retrouver…
Des chercheurs de l’Université de Berkeley ont suggéré que les écureuils développaient, comme nous, des stratégies mnémotechniques afin de ne pas oublier où ils ont mis leurs affaires. Par exemple, dans l’ordi, pour nous y retrouver, nous rangeons nos fichiers dans des dossiers et des sous-dossiers. Cette manœuvre qui consiste à regrouper ou à fractionner l’information s’appelle « chunking » en anglais, en français ça donnerait quelque chose comme « mémorisation par bloc ».

Va ranger les courses !

Pour tester leur hypothèse, les biologistes ont mené une expérience. Quarante-quatre écureuils fauves (Sciurus niger) ont participé, bien contents de récupérer un max de nourriture pour faire du rangement. Chaque écureuil a reçu une série de 16 graines à coque, de taille, de poids et de contenu nutritionnel différents : amande, noisette, noix et noix de pécan.
Mais les scientifiques n’étant pas des petits rigolos, ils leur ont compliqué la tâche en proposant des combinaisons différentes, par exemple en changeant le lieu d’approvisionnement : soit une source unique soit des sources multiples dispersées dans l’espace. En plus, ils ont modifié l’ordre dans lequel les différentes graines étaient distribuées.
Tout ce petit monde étant suivi par GPS, les chercheurs ont pu retracer les parcours des écureuils, depuis leur point de départ jusqu’aux planques, et cartographier la distribution des différents types de noix.

Casse-tête

Et y’a pas photo. Les écureuils qui se fournissent toujours au même endroit organisent leur récolte dans des cachettes bien étiquetées, peu importe l’ordre dans lequel ils récupèrent les graines : un placard pour les amandes, un autre pour les noisettes.

Par contre, quand les sources de nourritures sont dispersées et, qu’en plus, les graines sont distribuées dans n’importe quel ordre, ça se corse… Les bestioles n’organisent pas leur récolte par type de noix. Ils s’affèrent d’abord à ne pas cacher leur trésor toujours au même endroit.

Fins stratèges

Mais pourquoi des animaux d’habitude si organisés mettent ici autant de chaos ? Quand les sources sont dispersées et désordonnées, trouver la nourriture demande un gros effort. Si, en plus, il faut se rappeler de l’endroit où on a mis les noisettes et les amandes, ça devient un vrai casse-tête ! Les écureuils seraient-ils trop cons ?
Pas du tout !
D’après les scientifiques, la capacité de mémoire n’est pas la contrainte majeure. Tout dépend du coût énergétique des déplacements et du stockage. Personne ne fait des kilomètres pour aller ranger des noix toujours au même endroit, ça deviendrait contre productif. Bien malins, les écureuils adaptent leur stratégie en fonction des conditions, l’objectif étant toujours de sécuriser les réserves.

Ils sont organisés mais pas psychorigides !


micrologie.com

Source :

Caching for where and what: evidence for a mnemonic strategy in a scatter-hoarder, Royal Society Open Science, sept. 2017

 Illustration :

Un écureuil chez IKEA, bricolage micrologie, inspiré de Scrat, l’écureuil dans l’Âge de Glace, film d’animation de Chris Wedge, 2002

(et si ça vous chante, vous trouverez la section "micrographie", le petit + à propos des illustrations, par exemple ici l'étrange histoire de Scrat au muséum d'histoire naturelle, sur micrologie.com)