Guyane : le déclin de la biodiversité du Maroni se poursuit
Publié par IRD Occitanie, le 17 juillet 2025
La faune du bassin du Maroni subit l’impact des activités aurifères et sa diversité continue de diminuer, notamment celle des espèces spécialisées.
Aïmara, acoupa, piraï ou Corydoras guianensis, le fleuve Maroni abrite une biodiversité aquatique exceptionnelle, avec près de 250 espèces de poissons, dont un bon nombre sont endémiques. Son bassin accueille en outre une grande part de la faune amazonienne, incluant entre autres grands félins, tapirs, singes atèles et loutre géante. Mais la formidable richesse de cette arche de Noé naturel est menacée par la déforestation et la dégradation de la qualité de l’eau, associées aux activités aurifères en Guyane et au Surinam voisin. Les scientifiques surveillent de près les impacts de cette pression sur la diversité aquatique et terrestre du bassin.

Nous avions déjà mené une étude en 2017, pour analyser comment la diversité des espèces varie spatialement en lien avec l’intensité des activités humaines. Elle révélait une érosion marquée de la biodiversité, notamment aux abords des zones les plus exploitées. Nous réitérons ce travail quatre ans plus tard pour évaluer l’évolution du phénomène dans le temps », indique Opale Coutant, écologue à l’IRD au sein de l’unité CRBE.
Tout fini dans l’eau
Pour identifier les espèces aquatiques et terrestres vivant autour du Maroni, les spécialistes de l’IRD et leurs partenaires guyanais prélèvent de l’eau du fleuve. Dans cette forêt équatoriale dense, tout finit en effet par s’y retrouver : les poissons y laissent directement leur ADN, tandis que celui des animaux terrestres y est drainé par la pluie et le ruissellement. Chaque échantillon d’eau devient ainsi une empreinte génétique de la biodiversité locale. Ils en ont prélevé sur 34 sites, s’étendant de la source à l’estuaire. Et comme indicateur d’intensité des perturbations anthropiques, les scientifiques utilisent la déforestation. À partir d’images satellites, ils évaluent la perte de couvert forestier.
Les échantillons d'eau douce prélevés dans le fleuve contiennent l'empreinte ADN de tous les organismes aquatiques et terrestres locaux.
© Sébastien Brosse
La première campagne avait montré que les sites les plus impactés par les activités humaines subissaient une perte de diversité de 30 %, tant en poissons qu’en mammifères. La seconde, menée en 2021, révèle que la déforestation a été modérée sur cette période, ne dépassant pas 0,27 % de la superficie du bassin en quatre ans. Pour autant, le déclin de la diversité n’a pas ralenti.
Espèces spécialisées en danger
Ces pertes affectent tout à la fois la diversité taxonomique et la diversité fonctionnelle. Chaque espèce remplit en effet une fonction écologique (régulation, prédation, dissémination, etc.), essentielle à l’équilibre des écosystèmes. Et cette étude confirme que les espèces spécialisées, occupant des fonctions écologiques uniques, restent les plus impactées par ce déclin. Contrairement aux espèces dites généralistes qui sont capables de s’adapter à une grande variété de milieux et de ressources, celles-ci ont des besoins très spécifiques (habitat, alimentation) et sont donc plus sensibles aux perturbations de leur environnement. La disparition d’espèces aux rôles irremplaçables fragilise beaucoup les écosystèmes.

Chez les poissons, cela se traduit aussi par une perte de redondance fonctionnelle, lorsque plusieurs espèces remplissant le même rôle disparaissent. Sans relais pour assurer certaines fonctions vitales, les écosystèmes sont menacés à court terme », indique Sébastien Brosse, ichtyologue à l’Université Toulouse 3, au sein de l’unité CRBE.
Ces résultats révèlent donc que la biodiversité du bassin du Maroni, tant aquatique que terrestre, continue de se dégrader malgré une déforestation limitée. Ils montrent l’urgence de mettre en place des politiques de conservation spécifiques à ce territoire, qui abrite probablement l'une des plus grandes concentrations d'espèces de vertébrés au monde.
par Olivier Blot, IRD le Mag'
CONTACTS
Opale Coutant, CRBE (IRD/CNRS/Université Toulouse 3/Institut national polytechnique de Toulouse)
Sébastien Brosse, CRBE (Université Toulouse 3/IRD/CNRS/Institut national polytechnique de Toulouse)
PUBLICATION
Opale Coutant, Manuel Lopes-Lima, Jérôme Murienne a, Loic Pellissier, Grégory Quartarollo, Alice Valentini, Vincent Prié & Sébastien Brosse, No attenuation of fish and mammal biodiversity declines in the Guiana Shield, Science of The Total Environment, 25 mars 2025
DOI : 10.1016/j.scitotenv.2025.179021