Festival L’Histoire à Venir : rencontre avec les YouTubeurs Nota Bene, Manon Bril et Passé Sauvage

Publié par Célia Blancou, le 31 mai 2019   2k

Retour sur la table ronde “L’histoire sur YouTube : une union prometteuse entre passionnés et spécialistes”

Animé par Anaïs Kien, avec : Benjamin Brillaud (Nota Bene), Manon Bril (C’est une autre histoire) et Clothilde Chamussy (Passé Sauvage). Jeudi 23 mai 2019 à 21h, au Théâtre Garonne à Toulouse.


Le festival L’Histoire à venir est un événement toulousain qui en est à sa troisième édition cette année. Organisé par Ombres Blanches, le Théâtre Garonne, l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées et les éditions Anacharsis, il propose pendant 4 jours conférences, ateliers, échanges et mises en récit autour d’un thème précis. Cette fois-ci, du 23 au 26 mai, le public a pu profiter du festival autour de la thématique du “commun”.

Pour parler de ce vaste sujet, une table ronde a justement été organisée avec trois YouTubeurs vulgarisateurs d’histoire : Benjamin Brillaud de la chaîne Nota Bene (~920 000 abonnés), Manon Bril de la chaîne C’est une autre Histoire (~270 000 abonnés), et Clothilde Chamussy de la chaîne Passé Sauvage (~70 000 abonnés)

La soirée, animée par Anaïs Kien, a recueilli pendant 1h30 l’expérience et les anecdotes de ses trois invités, ainsi que les questions du public venus nombreux rencontrer ou découvrir ce que la vulgarisation 2.0 fait de mieux.


La difficulté du “format YouTube”

Pour présenter les vidéastes, Anaïs Kien a commencé par diffuser un extrait des premières vidéos de leur chaînes respectives, et tous eurent la même réaction : la gêne. En effet, si les chaînes paraissent jeunes puisque créées entre 2014 et 2016, en “années internet” comme s’amusait à le dire Manon Bril, c’est très vieux ! Le public a pu constater la différence en visionnant plus tard leur “vidéo préférée” de leur chaîne, plus récentes : l’ambiance y est très différente. Mais alors, comment ça se fait ?

Benjamin Brillaud expliquait au cours de la soirée que ses vidéos sont avant tout un héritage des vieux formats de la télé (C’est pas Sorcier, Il était une fois la vie…) et une inspiration de ce qui se faisait déjà sur la plateforme (il citera les YouTubeurs Le Fossoyeur de Films, Axolot et e-penser, qui avaient commencé leurs activités un peu auparavant). Mais ça n’est qu’au fur et à mesure qu’il finit par s’émanciper et trouver sa propre identité, son propre ton, son propre humour. Et pas seulement ! Car on se connaît soi-même, mais on connaît aussi bien mieux son public : Nota Bene a un public friand de l’époque médiévale et beaucoup moins de périodes plus récentes comme la Première Guerre Mondiale, quand Passé Sauvage aura une audience qu’elle définit “plus littéraire” et proche du public de la chaîne Le Mock.

Les vidéastes affinent ainsi toujours plus leurs vidéos, développent leur “patte” et découvrent à tâtons les sujets qui attirent :

  • Les sujets “rigolo-dégueu” (sic) qui attirent la curiosité, comme la vidéo “Comment choper un vers solitaire ?” de Nota Bene, ci-dessous.

  • Les sujets que le public connaît déjà un peu et qui leur permet d’avoir un référentiel connu. C’est notamment pour ça que les références à la pop-culture marchent très bien, précisait Benjamin Brillaud.

  • Clothilde Chamussy expliquait également que les vidéos avec des visages et pas seulement une voix-off marchent dix fois mieux, expliquant qu’il se met en place une espèce de jeu de séduction et d’empathie.

  • Enfin, le format est aussi très important : une vidéo face-caméra assis devant une bibliothèque de manière très classique marche toujours mieux qu’un reportage, au grand dam du YouTubeur qui adore pourtant réaliser ce genre de contenu.




La collaboration avec les institutions

On pourrait croire que le format populaire d’une vidéo de vulgarisation sur YouTube serait mal reçu par les chercheurs et autres professionnels de la discipline, et pourtant ! Comme nous le racontait Manon Bril, les critiques les plus cinglantes viennent toujours de passionnés qui voient l’histoire comme quelque chose de grand, de beau, de sacré, mais très peu des chercheurs eux-mêmes. Bien sûr, la forme en elle-même ne peut pas plaire à tout le monde, et elle a pu recevoir à l'occasion des critiques de la part de professionnels qui expliquaient ne pas adhérer au genre d'humour, mais ce fut toujours exprimé avec respect vis-à-vis de son travail.


On est en train d’établir un rapport de confiance

disait Clothilde Chamussy, à propos du monde académique.


C’est d’ailleurs grâce à ce respect mutuel que vidéastes et chercheurs travaillent régulièrement main dans la main :

  • Du point de vue des YouTubeurs, on retrouve cette volonté de collaboration notamment via un groupe Facebook regroupant vidéastes et experts issus de domaines variés proposant leur disponibilité pour une relecture des productions, pour transmettre des bibliographies fiables, des conseils, etc. Au fur et à mesure des rencontres, les YouTubeurs eux-mêmes finissent par se construire un répertoire de professionnels solide et sur lequel compter. Cela démontre d'une volonté de proposer un contenu très qualitatif et surtout au plus juste scientifiquement parlant. Car oui, être vulgarisateur sur la plateforme ça n'est pas que lire une page Wikipedia devant une caméra, comme on peut l'entendre parfois !

  • Du point de vue des institutions, exploiter un format YouTube est particulièrement intéressant car il bénéficie d’une plus grande espérance de vie qu’une émission télévisée. Benjamin Brillaud prenait pour exemple sa chaîne : à l’heure actuelle, Nota Bene génère environ 1 million de vues par mois, et s’il ne publiait pas de vidéos dans le mois qui suivait, le compteur afficherait quand même entre 500 000 et 1 million de vues grâce aux quelques 200 vidéos de sa chaîne qui continuent de vivre sur la plateforme.



Nous avons la chance en France d'avoir un public particulièrement dense et exalté qui est indubitablement en attente d'un contenu de vulgarisation scientifique sur la plateforme. Comparé au reste du monde, on peut presque parler d'exception française et francophone, et c'est pourquoi il est important de reconnaître la qualité du travail de ces YouTubeurs et de l'encourager, via les collaborations avec les institutions en place notamment, afin que la culture scientifique continue d'atteindre un public toujours plus grand.




Les vidéos préférées des vidéastes :

Pour aller plus loin avec les invités sur le sujet de la vulgarisation de l’histoire sur YouTube :