Du bois dont on fait demain

Publié par Université de Montpellier UM, le 30 octobre 2018   1.4k

Le plus vieux matériau au monde est aujourd’hui considéré comme l’un des plus modernes. Ressource naturelle renouvelable, le bois offre d’extraordinaires qualités mécaniques. Et c’est de loin le plus écolo des matériaux…  

Mobilier, transport, construction, BTP, aéronautique ou encore robotique : visible ou caché, rustique ou techno, massif ou transformé, il est partout ! Le grand retour du bois ? Ça ne fait que commencer, promet Bernard Thibaut. Et pour cause : « comme le métal et les polymères, il fait partie de ces matériaux universels avec lesquels on peut fabriquer à peu près tout ce qu’on veut », estime ce chercheur qui étudie depuis 40 ans la biomécanique de l’arbre et les propriétés du bois.  

Matériau de référence

Ce matériau aussi vieux que l’humanité a pourtant subi une récente éclipse. L’homme a abondamment pratiqué le régime « tout-bois » : depuis son apparition sur Terre, tout ce qui l’environne ou presque est longtemps provenu de la générosité des arbres. Jusqu’à ce sommet, atteint au 18e siècle : âge d’or où le bois devenu matériau universel envahit plus que jamais la sphère humaine.

Puis vint la révolution industrielle, et le triomphe des concurrents : le XIXe siècle fut l’âge de l’acier, le XXe celui du béton et du plastique. Et le XXIe siècle ? C’est celui d’une renaissance du bois, affirme Bernard Thibaut. « Le bois a mis du temps, mais il a enfin réussi son passage à la modernité. Cet éternel matériau de référence est aujourd’hui redécouvert grâce aux avancées technologiques dont il bénéficie ».  

Nouveaux usages industriels

Si le bois revient en force, c’est sous des formes nouvelles, confirme Cédric Montero. « Historiquement, on a très longtemps utilisé le bois brut, résume ce chercheur spécialiste des bois de structure au Laboratoire de Mécanique et Génie Civil. L’essor actuel du bois, notamment dans la construction, est largement dû à de nouveaux process de transformation : contreplaqué, lamellés collés, lamellés croisés, produits valorisant les copeaux ou la sciure comme les panneaux de particules ou de fibres… »

Une révolution. Car en s’affranchissant des limites données par sa forme originelle, le bois est passé de l’artisanat à l’ère industrielle. Et permet désormais de répondre à tous les usages. Ce bois reconstitué est en effet « comparable à un composite à fibre », poursuit le chercheur : un matériau normé, standardisé, reproductible. Utilisé aujourd’hui jusque dans la haute technologie, il offre d’excellentes performances mécaniques : il n’a rien à envier à ses cousins artificiels, fibre de verre, de carbone ou encore kevlar… sur lesquels il possède un gros avantage : sa légèreté, due à sa structure en nid d’abeille à l’échelle microscopique.

La tendance est aujourd’hui de panacher le bois avec ces mêmes matériaux ou avec d’autres – l’acier par exemple – au sein de composites dont la structure dépend des résultats souhaités. Avec à la clef des performances très supérieures à celles de chacun des constituants. « C’est un domaine où s’ouvrent de vastes horizons : nous n'en sommes qu’au début, beaucoup d’innovations technologiques restent à venir ».

Solide, léger… et résistant au feu !

Le plus vieil allié de l’homme s’avère ainsi un matériau prometteur, capable de transformer tout industriel en xylophile convaincu. « Les innovations récentes ont permis une véritable révolution dans les mentalités », note Bernard Thibaut. Construire rapidement, grâce à des structures modulaires préfabriquées ? La légèreté du bois l’autorise. Bâtir d’immenses tours ? C’est possible ! La course à la hauteur est lancée : les nouveaux matériaux industriels issus du bois supportent des immeubles qui dépassent 20 étages. Et ils offrent un comportement idéalement adapté aux contraintes sismiques…

La construction en bois, jusqu’ici peu répandue en France pour des raisons culturelles, gagne donc du terrain. « Le regard a changé sur ce matériau, notamment en termes de risques d’incendie : il y a seulement quelques décennies, il était inimaginable de construire de grands ensembles en bois. Sa résistance au feu est aujourd’hui réévaluée ». Moins conducteur de chaleur que l'acier ou le béton, le bois se consume en effet lentement, sans se déformer ni dégager de substance toxique.  

Fibre écolo

Le plus bel atout du bois est ailleurs : car ce fils de la forêt a la fibre résolument écologique. Abondant et peu exploité – notamment en France, qui détient pourtant la surface forestière la plus vaste de l’Union européenne – le bois est une ressource renouvelable et peu coûteuse, dont la transformation nécessite peu d’énergie. Et tandis que la fabrication de l’acier, du béton, de l’aluminium ou du plastique produit des gaz à effet de serre, le bois, lui, peut aider à les réduire : l’arbre capte et emprisonne naturellement le dioxyde de carbone (CO2), un gaz responsable du réchauffement de la planète, à raison d'une tonne par mètre cube. Du CO2 directement retiré de l’atmosphère… et qu’il ne reste plus qu’à stocker, sous forme de meubles ou de bâtiments en bois. Si le bois fait son grand come-back, c’est donc sur fond de développement durable : l’utiliser comme matériau, c’est lutter contre l’effet de serre. Incontournable. 


  30 000 essences différentes  

« Il existe au moins autant de bois que d’essences d’arbres – plus de 30 000 espèces dans le monde ! Chacune a ses propriétés, qui peuvent varier d’un facteur de 1 à 100 selon la variété observée » précise Bernard Thibaut. La bonne idée : associer différentes essences pour un meilleur résultat. Une pratique particulièrement pertinente dans la construction. Même sous sa forme brute, le bois, matériau protéiforme, offre donc une extraordinaire palette de possibilités. Quant à ses propriétés mécaniques, elles présentent « nécessairement » beaucoup d’intérêt : « n’oublions pas que le bois a fabriqué un arbre, c’est à-dire une structure particulièrement audacieuse : peu d’architectes oseraient tenter ce type de réalisation ! » 


Légende de l'illustration :

Coupe transversale de hêtre ("Fagus sylvatica L.") colorée à la safranine-bleu astra observée en microscopie optique.

 © Bruno Clair / CNRS Photothèque