« Désinformation, fake news, des sujets qui touchent les jeunes »

Publié par Léa Régis, le 20 mars 2023   450

À la fois consultant en stratégie digitale événementielle et attaché de presse, Vincent Laurent est un adhérent engagé du projet Esprit Critik. Créé en 2016 par le Club de la Presse Occitanie, cette action vise à aider les jeunes dans l’analyse et le décryptage des informations. Pour en savoir plus sur ce projet prometteur, nous l’avons interviewé.

Logo d'Esprit Critik
Copyright : Esprit Critik

En quoi consiste le projet Esprit Critik ?

Esprit Critik c’est mettre en avant des outils pour les jeunes, pour décrypter l'information et vérifier le vrai du faux lorsqu'on voit une image, une vidéo, un article, une information passée sur les réseaux sociaux et sur internet en général. Ce programme fonctionne en binôme avec un journaliste et un communicant. Ces deux professions sont là pour montrer et expliquer aux jeunes les 2 facettes de la fabrique de l'information. Le journaliste est celui qui écrit le récit, qui va chercher les informations où aller les vérifier. Le communicant est souvent celui qui va être le producteur d'informations. Il est acteur dans la diffusion de l'information, notamment avec la fonction d’attachée de presse, ou de community manager. Donc ce binôme (journaliste/ communicant) est présent dans les classes [...] 70-80% de nos interventions sont au collège. On touche également pas mal de lycéens. Et là depuis 6 mois, un an, on est plutôt sur le public de jeunes qui sont, soit en milieu carcéral fermé ou soit qui sont suivis par la PJJ. 

Quels sont les objectifs d’un tel projet ?

Le but premier est de montrer les facettes de la fabrique, de la diffusion et du partage de l’information. Esprit Critik veut être un moyen de lutter contre la désinformation. Ce fléau (la fake news) existait bien avant Internet, mais il s'est énormément développé avec l'émergence des réseaux sociaux et des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

Ce programme permet également de présenter les professions, qui sont celles du journalisme et des différents métiers de la communication.

Comment se déroule les interventions en classe?

Nos ateliers durent deux heures pendant lesquelles on va surtout aborder des sujets autour des fake news, mais aussi de la théorie du complot. On montre aux jeunes des photos, des vidéos ou même des articles et on voit s’ils ont des doutes sur le contenu : on va les laisser s’exprimer dessus sans les juger.

On entraîne autant les yeux que les oreilles des collégiens / lycéens quand ils font face à une information qui leur tombe dessus. Les ateliers consistent surtout à regarder qui écrit une information, qui la partage, d'où elle provient, de quel média, quelles sont les sources de l'article, qu’est ce qui est vrai ou faux, qui a intérêt à désinformer, etc. Il est important que les jeunes se posent ces questions.

On a énormément de bons retours des élèves, et des enseignants. Comme les professeurs préparent souvent notre venue dans les classes en abordant des thèmes similaires aux fakes news, les élèves sont intéressés et assez curieux

Quelles sont les origines d’Esprit Critik ?

Le concept est apparu suite aux attentats de Charlie Hebdo et à ceux du 13 novembre 2015. À l'époque, on voyait beaucoup de jeunes embrigadés. Les journalistes et le club de la presse se sont posés la question de la défiance envers le métier de journaliste, et le départ des jeunes pour le djihad au Moyen-Orient.

On s’est demandé comment, nous, journalistes et communicants, on pouvait amener une pierre à l'édifice, et donner des outils aux jeunes pour qu’ils s’informent , et ne se fassent pas embrigader dans ce genre de démarche.

Les premières interventions qu'on a pu faire en 2016, étaient dans des collèges autour de Montpellier, dans l’Hérault. Ensuite on s'est développé en Languedoc-Roussillon. En 2018, le projet s'est étendu jusqu’à Toulouse dans des programmes d’Occitanie tournés autour de la laïcité et citoyenneté. Aujourd’hui on compte environ 25-30 intervenants dans cette ville ou les départements autour de Toulouse (ex : Aveyron, Tarn) et nous intervenons aussi auprès de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans ce projet ?

J’ai rejoint le projet en 2018, après avoir vu une annonce sur Twitter. Ça me dérangeait de voir beaucoup de désinformation sur les réseaux sociaux et je voulais être utile. J'aime pouvoir partager et transmettre aux jeunes les outils pour analyser correctement les informations. De le faire avec des journalistes c'était d'autant plus passionnant parce que cela m'a permis d'en apprendre davantage sur leur métier. Travailler avec des acteurs engagés dans des activités c’est un peu ma marque de fabrique professionnelle.

Cela va plus loin que les interventions d’Esprit Critik. Même dans mes cours en école de communication, je développe le sujet de la fake news. Comme les étudiants sont plus âgés, j’essaye d’aller un peu plus loin que le programme du club de la presse. Donc même dans le cadre de ma formation j'aborde ces sujets-là auprès d’étudiants de première année.

En 3 mots, comment décririez-vous Esprit Critik ?

Je dirai la communauté, parce c’est une communauté de journalistes et de communicants qui collaborent et travaillent ensemble. Ensuite, je dirai le partage, on partage les valeurs de nos métiers. Et enfin, la curiosité : le but est d'attiser la curiosité des jeunes quand ils voient des informations.

Quelles sont les idées futures pour Esprit Critik ?

Esprit Critik a pour projet de se déplacer dans des zones plus rurales. Ce qui serait intéressant d'analyser, c'est de voir un autre public, et une autre façon de voir l’information. En fonction de la zone géographique (la ville ou le rural), on n’a pas tous le même bagage culturel et donc la manière d’appréhender les informations.

De plus, ça serait intéressant d’aborder d’autres sujets en désinformation, comme la question du climat, où beaucoup d’informations sont erronées : on entend tout et son contraire sur les réseaux sociaux. Le but serait de remettre un peu d’ordre sur ce sujet, de plus mettre en avant les faits scientifiques par exemple. C’est le but notamment de la « charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique ". 


Journaliste, communicant, étudiant ou enseignant, si vous êtes intéressé par le programme Esprit Critik, n'hésitez pas à vous renseigner sur leur site : https://espritcritik.fr/