Des mondes agricoles sans salariés agricoles ?

Publié par Mondes Sociaux, le 23 février 2022   460

Article par Nicolas Roux

La condition précaire des salariés agricoles demeure peu connue
du grand public, sauf quand sont révélées des situations sociales et
sanitaires jugées indignes comme lors de la pandémie de Covid-19. Dans
les mondes agricoles, cette invisibilité puise notamment dans un mythe
de l’unité paysanne, qui relègue au second plan l’antagonisme entre
salariés et employeurs, et fait concentrer l’essentiel des débats autour
de ces derniers.

Juin 2020. Peu après la fin du premier confinement qui avait été mis en place face au Coronavirus, la presse révèle la présence de foyers de contamination (les « clusters ») chez des ouvriers agricoles espagnols, logés de façon précaire par des sociétés d’intérim – par exemple dans un camping, comme cela a été le cas dans les Bouches-du-Rhône. Ce type d’évènement a priori exceptionnel est révélateur de la condition précaire de ces travailleurs.

Une condition peu connue du grand public et dont Les raisins de la misère, ouvrage de la journaliste Ixchel Delaporte (Rouergue, coll. La Brune, 2018) mettant en lumière un « couloir de la pauvreté » s’étendant à l’ombre des grands châteaux bordelais, offre une illustration parmi d’autres : niveaux de rémunération parmi les plus faibles, travail souvent saisonnier voire non-déclaré, travail particulièrement pénible et parfois à la limite de la légalité, risques professionnels importants, etc.

Les « grands oubliés » des politiques agricoles

Les responsables patronaux se disent soucieux de ces situations et travaillent à la qualité de l’emploi. Mais leurs revendications prioritaires, portées par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), sont ailleurs. En tête : le secteur « manque de bras » à cause de la « pénurie de main d’œuvre », et le « coût du travail » est trop important. Les pouvoirs publics répondent d’ailleurs largement à ces appels, notamment via les exonérations de cotisations patronales sur l’embauche de travailleurs occasionnels.

Cette focalisation sur la pénurie et le coût de main d’œuvre ferait presque oublier que, si l’agriculture « tient » malgré tout, c’est aussi en grande partie grâce à la main d’œuvre salariée.

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