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Vers une montée en charge(s) des piétons et cyclistes ?

Publié par Mondes Sociaux, le 9 mars 2023   320

Article par Cédric Calvignac, Roland Canu et Franck Cochoy

Les usagers de la ville sont fréquemment confondus avec les modes de transport qu’ils emploient : piétons, cyclistes, motards, automobilistes, passagers de bus, de métro, de tramway ou plus récemment encore les amateurs de trottinettes électriques. Chacune de ces catégories se voit attribuer des emplacements, des couloirs et priorités de circulation, des droits et des obligations. Ainsi, la conception et le développement des politiques urbaines renvoient le plus souvent à des individus véhiculés ou, pour reprendre une expression d’Erving Goffman, à des « unités véhiculaires » (le premier des véhicules étant son propre corps).

Dans cette perspective, les politiques d’aménagement urbain se sont appliquées à concevoir un partage des espaces favorisant une cohabitation harmonieuse des flux de véhicules, à circonscrire des bouts de territoire réservés aux unités les plus fragiles (pistes cyclables en site propre, espaces piétonniers) mais aussi à créer des zones de transition intermodale (ou hubs) qui permettent d’utiles jonctions entre centre-ville et périphérie urbaine. Les politiques publiques ont ainsi apporté des réponses infrastructurelles, règlementaires et tarifaires au défi des densités urbaines en mouvement. Bien que ces réponses aient porté leurs fruits, il convient d’élargir le périmètre des entités à considérer, d’enrichir les modèles urbanistiques les plus courants via la prise en compte des auxiliaires de transport que sont les équipements et effets personnels des individus (soit les « charges » qu’ils transportent). Selon nous, réintroduire ces objets dans l’examen des circulations urbaines permet d’une part de fournir une représentation plus fidèle de la réalité — les piétons et cyclistes usent de technologies mobiles et s’équipent d’accessoires, de sacs et autres conteneurs leur permettant d’organiser et de déployer leurs activités — et, d’autre part, d’identifier d’éventuels éléments qui font obstacle à l’adoption de modes de transport doux — l’inertie des pratiques en termes de mobilité mériterait en effet d’être davantage ramenée aux astreintes logistiques, aux efforts physiques et aux entraves matérielles éprouvées par piétons et cyclistes.

Jamais piétons et cyclistes n’avaient transporté autant de charges

Nous avons conduit une des agencements composés de différents sacs, objets et accessoires qui se nouent autour d’un individu en mobilité. Cette observation a porté sur une série d’archives photographiques représentant le centre-ville de Toulouse à différentes périodes. Ce procédé a permis d’établir un constat : les cyclistes comme les piétons ont, au fil du XXe siècle, déplacé avec eux un nombre toujours plus important d’items, d’objets, d’équipements. D’une part, l’équipement des vélos s’est enrichi d’accessoires facilitant le transport de charges tels le panier frontal, le porte-bagage, les sacoches latérales. Ces derniers ont fait leur apparition dans la période de l’entre-deux-guerres et s’installent définitivement dans le paysage urbain au cours des années 1950-1970. Par exemple, aucun des vélos observés avant la première guerre mondiale ne disposait d’un panier frontal alors que ce même accessoire équipait 6 % des vélos observés durant l’entre-deux-guerres et 40 % de ceux circulant au cours des années 1950-1970. [...]

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