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Les intellectuels du Trumpisme : le cas du Claremont Institute

Publié par Mondes Sociaux, le 6 novembre 2024   260

Article de Françoise Coste

L’émergence de Donald Trump sur la scène politique a divisé le mouvement intellectuel conservateur aux États-Unis. Si certains conservateurs sont devenus des « never Trumpers », d’autres ont soutenu avec force ce président hors-norme. C’est en particulier le cas d’intellectuels gravitant autour d’une revue très influente dans les milieux conservateurs, la Claremont Review of Books, basée en Californie. Comment expliquer le soutien du Claremont Institute à la politique de Donald Trump ? Sur quels fondements intellectuels se repose-t-il pour justifier sa politique ?

La pensée conservatrice aux États-Unis n’a jamais été monolithique. Un de ses courants les moins connus, celui des « Straussiens de la Côte Ouest », a pris une importance considérable pendant les années Trump. Ses principales figures ont en effet apporté un soutien appuyé à Donald Trump, via leur think tank, le Claremont Institute, et son influente revue, la Claremont Review of Books.

Le Claremont Institute est un think tank conservateur créé en 1979 près de Los Angeles. Ses membres revendiquent deux pères spirituels, Leo Strauss (1899-1973) et Harry V. Jaffa (1918-2015). Son orientation actuelle repose en grande partie sur un courant de pensée conceptualisé par Leo Strauss : l’importance centrale de la loi naturelle et son application à l’histoire de la démocratie américaine. Pour Strauss, la loi naturelle est une loi « trans-historique » et « trans-religieuse », fondée sur « ce qui est bon par nature, par opposition à ce qui est bon simplement par convention ». Strauss est convaincu que cette conception du monde a disparu dans la période contemporaine. Plutôt que de croire en des droits naturels définis par « ce qui est intrinsèquement bon ou juste », l’homme contemporain a choisi de « tolérer toutes les opinions sur le bien et le juste ». C’est par conséquent le règne absolu du relativisme.  Toutes les valeurs, toutes les idées, toutes les cultures se valent

Harry V. Jaffa a été l’un des premiers à appliquer les principes philosophiques de Strauss à la tradition politique américaine. Jaffa démontre l’existence d’un lien philosophique entre Thomas Jefferson (l’auteur de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis en 1776), le président Abraham Lincoln et Leo Strauss. Jaffa est persuadé que Lincoln, comme Jefferson, rejette toute conception relativiste du monde et que les deux hommes s’inscrivent, au contraire, dans la longue tradition des droits naturels réhabilitée par Strauss. S’il est urgent de redécouvrir cette parenté philosophique, c’est que la croyance dans les droits naturels a une conséquence capitale corollaire capital pour le fonctionnement politique des États-Unis : c’est la base du gouvernement par le consentement du peuple. Puisque « l’autorité d’un homme sur un autre homme ne découle pas de la nature », elle ne peut en effet résulter que du consentement des gouvernés. [...]

Consentement et démocratie

Ce lien entre les droits naturels et le gouvernement par le consentement du peuple constitue la clé de voûte de la compréhension de la  démocratie américaine par les disciples d’Harry V. Jaffa qui travaillent et publient pour le Claremont Institute aujourd’hui. Pour ces derniers, l’héritage des droits naturels a été abandonné aux États-Unis à partir de la présidence de Woodrow Wilson (1912-1920). Cet ancien universitaire (politiste à Princeton) a profondément transformé la nature de l’État fédéral américain, en en faisant un ambitieux outil de réforme et de progrès pour la population. Cela a conduit à l’émergence d’un état que les partisans du Claremont Institute qualifient “d’État administratif” (Administrative State). Or l’État administratif est la négation même de svaleurs défendues dans les écrits de Strauss et Jaffa, puisque ce sont désormais les experts qui le pilotent qui vont définir, en fonction du processus historique et de la connaissance scientifique du moment, les droits auxquels les citoyens peuvent prétendre [...]

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