Le corps au travail à l’ère du capitalisme
Publié par Mondes Sociaux, le 31 mai 2022 930
Article par Sarah Pilot
Les « open spaces » et les espaces de « co-working » sont des espaces de travail partagés, regroupant plusieurs catégories de salariés – cadres, ingénieurs, informaticiens, etc. – dans une même salle. Ils sont aujourd’hui investis par de nombreuses entreprises, telles que Google ou Orange pour les plus connues. Mais pourquoi le « management moderne » investit-il ces nouveaux espaces ?
C’est la question à laquelle Danièle Linhart tente de répondre en s’intéressant d’abord aux premières organisations du travail proposées par la période taylorienne et fordienne (fin du XIXème et début du XXème siècle). Elle montre ensuite que ce nouveau management met en avant la dimension du « bien-être corporel » pour organiser la disposition des salariés dans l’espace de travail comme il l’entend.
En effet, les enquêtes montrent que « les salariés heureux et satisfaits sont plus efficaces » et sont plus enclins à répondre aux demandes de leur hiérarchie. Par la profonde analyse sociologique qu’elle nous livre, Danièle Linhart met en lumière les différentes formes de l’activité managériale et leurs effets chez les salariés.
Tous les salariés sont-ils concernés ?
L’industriel américain Frederick Taylor considérait les ouvriers comme de simples corps gérés par l’organisation du travail. Les ouvriers effectuaient des gestes simples et rapides, de manière répétitive. Cette logique d’organisation permettait d’assurer une forte productivité pour l’entreprise.
Henry Ford quant à lui, soumettait les ouvriers au rythme de la chaîne de montage dans de grands ateliers, mettant en lumière l’importance de la dimension spatiale dans l’organisation du travail. Afin d’assurer une certaine productivité, il vérifiait que ses ouvriers pouvaient mener une vie compatible avec les efforts qui leur étaient demandés dans les ateliers. Cette vérification impliquait, pour les inspecteurs mis en place par Ford, le droit de s’immiscer dans les domiciles privés des ouvriers.
Un rapport de force s’établit ainsi entre l’employeur et le salarié. Cette forme de management vise à imposer au salarié les méthodes et le rythme de travail que l’entreprise a choisi pour satisfaire ses objectifs de productivité et d’efficacité : dégager des profits et satisfaire les actionnaires. Ce rapport social s’effectue au détriment de l’autonomie du salarié qui doit renoncer à sa propre opinion sur la manière dont il peut travailler, c’est-à-dire sur les conditions de travail et leur organisation.