L’architecture, une question de genre ?
Publié par Mondes Sociaux, le 12 mars 2024 410
Article de Nathalie Lapeyre
Sauriez-vous citer une, trois ou cinq femmes architectes de renom ? Et combien d’hommes ?
L’invisibilité des femmes architectes sur la scène publique questionne. Le contexte actuel de la profession, en forte mutation, invite particulièrement à se pencher sur ce phénomène.
En effet, les métiers de l’architecture, de l’urbanisme, de l’aménagement et du paysage sont confrontés à de multiples défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux : ralentissement du marché de la construction et du logement, explosion de la concurrence, conditions de travail dégradées, enjeux écologiques face à l’urgence du réchauffement climatique, etc.
Une recherche récente interroge la fabrique des inégalités femmes-hommes au sein des mondes de l’architecture dans un contexte de forte évolution de la composition sociologique de la démographie professionnelle ante et post-#metoo. Elle montre que les dynamiques de féminisation et les inégalités de genre dans les carrières structurent aussi durablement la profession
Féminisation de l’architecture
La présence des femmes au sein des formations, de l’école des beaux-arts aux écoles d’architecture, et au-delà au sein des agences, a connu une très longue évolution à l’échelle historique. Pas franchement bienvenues, forçant même parfois la porte des ateliers en usant de diverses stratégies, ces dernières se sont longtemps considérées comme des pionnières, et ce, pendant les premières décennies du XXe siècle, comme le montrent les travaux de recherche de l’historienne Stéphanie Bouysse-Mesnage.
Depuis quinze ans, et dans un laps de temps très court si l’on compare à ce qu’il s’est produit dans d’autres secteurs des professions supérieures qualifiées, la féminisation des cursus de formation à l’architecture a explosé en France. La part des étudiantes diplômées au sein des Écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) est devenue paritaire en 2010 ; en 2020 elles deviennent majoritaires au niveau du diplôme, dépassant les 58 %. Si cette évolution continue sans rupture de rythme, il est tout à fait probable que les femmes diplômées en architecture ne seront pas loin de 70 % en 2030, voire même 80 % en 2040 (comme pour les études de médecine).
Inégalités de genre dans les carrières
Retrouve-t-on cette dynamique de féminisation au niveau des effectifs professionnels ? [...]
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