Histoires de prisonnières : les voix de femmes oubliées
Publié par Mondes Sociaux, le 17 octobre 2023 960
Article d'Anna Le Pennec
La prison, la violence, la criminalité, la désobéissance, autant de mots que l’on attribue traditionnellement au masculin. Les établissements pénitentiaires comptent d’ailleurs une grande majorité d’hommes, parmi les personnes détenues et le personnel. On en oublierait presque que des femmes y sont enfermées et, à fortiori, y étaient jadis enfermées.
Sur les traces des prisonnières
Quelles ont été les vies des femmes prisonnières, ces oubliées de l’histoire ? La somme de leurs récits individuels permet d’écrire une histoire plus globale, celle de l’enfermement au féminin et des femmes dites marginales. Oubliées, elles le sont à plusieurs titres : en tant que femmes d’abord, dont l’histoire était méconnue jusqu’à l’apparition des premiers travaux dans les années 1970 ; en tant que personnes incarcérées ensuite, car la prison est une zone d’ombre, dans la société comme dans la recherche. L’historiographie s’intéresse au monde carcéral à partir des années 1970 aussi. Enfin, les femmes sont très minoritaires en prison ce qui renforce leur effacement, dans les archives (on parle essentiellement « des prisonniers ») puis dans le récit historique qui en découle. Pour mener cette recherche, il a fallu se mettre en quête des rares traces de ces femmes que tout condamnait à priori à l’oubli.
Pour cela, on a adopté une échelle d’observation réduite, en partant des archives des prisons destinées aux femmes. L’étude porte sur les maisons centrales, destinées aux peines excédant un an d’enfermement. Dans ces prisons en particulier, l’administration pénitentiaire a pris soin de répartir les femmes et les hommes dans des établissements distincts, ce qui facilite le travail de recherche en rendant plus visibles les prisonnières. Ces maisons centrales ont été créées au début du XIXe siècle, suite à la mise en place du code pénal de 1791 qui fit de la prison la principale sanction. Au cours des XIXe et XXesiècles, la proportion de femmes en prison n’a cessé de décroître. Nombre de maisons centrales ont ainsi fermé leurs portes dans les années 1920-1930. Les femmes ont progressivement été transférées dans des quartiers séparés au sein de prisons mixtes.
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