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Une pompe naturelle pour les flux géothermaux : le glissement de faille !

Publié par IRD Occitanie, le 17 mars 2023   390

Une équipe franco-chilienne dont des scientifiques de l’UMR GET s’est penchée sur les mécanismes en œuvre dans l’écoulement des fluides au contact d’une faille dans la croûte terrestre. A long terme, leur modèle numérique pourrait aider à utiliser ces systèmes géothermaux pour produire de l’énergie. Leurs résultats sont publiés dans Earth and planetary science letters.

Volcan, séisme, croûte terrestre, magma, écoulements, failles… pas facile de s’y retrouver ! Géologues et géophysiciens décryptent les mécanismes en jeu.

Argentine et Chili vus de l'espace

© Adobe stock

Le Planchón-Peteroa, un volcan encore actif

Situé à cheval sur l'Argentine et le Chili, le volcan Planchón-Peteroa montre clairement qu’il est toujours en activité : il émet continuellement un panache de fumée et a été le théâtre d’une vingtaine d’éruptions depuis 1660. En fait, il s’agit d’un complexe volcanique composé de trois volcans dont l’un comporte des sources thermales. Mais ce qui intéresse Muriel Gerbault, physicienne à l’IRD, ce n’est pas ce qui se passe au-dessus mais sous la surface de notre planète. Les mouvements de la croûte terrestre dus aux séismes ont lieu sur des failles plus ou moins longues et plus ou moins profondes. « Les systèmes géothermaux se trouvent souvent à proximité de structures volcaniques et de failles actives, explique la chercheuse. Celles-ci peuvent altérer l'écoulement des fluides alentour, agissant soit comme barrières soit comme conduits à cet écoulement. » Dans cette région des volcans andins, des fluides chauds se forment par interaction de l'eau météorique avec des réservoirs de magmas situés à environ 5 km de profondeur, voire plus. Mais comment les flux de fluides et les failles actives interagissent-ils ?

Visualisation des circulations fluides issus d'un réservoir vers les zones de moindre pression qui se développent de part et d'autre de la faille lorsque cette dernière glisse

© IRD - Felipe Saez-Leiva

Simulation du couple faille + fluides

« Si de nombreux modèles décrivent l'écoulement de fluides dans un milieu poreux hétérogène, rares sont ceux qui abordent un vrai couplage entre le comportement mécanique de la roche solide et celui des fluides dans les pores de la roche », explique Felipe Saez, jeune diplômé et spécialiste en modélisation numérique mécanique de l'université catholique pontificale du Chili. Les auteurs ont donc développé une nouvelle méthode numérique qui simule le contrôle temporel qu'une faille exerce sur un réservoir de fluide géothermal à proximité, en prenant en compte le comportement « poro-élasto-plastique » de la croûte terrestre et de la faille, contraint par des données géologiques et géophysiques. « Nous imposons un glissement de faille dans le modèle et nous reproduisons le développement induit de zones qui se dilatent ou se compriment à son voisinage, complète José Cembranode la même université chilienne. Il faut savoir que les fluides s’écoulent vers les zones de moindre pression, c’est-à-dire en dilatation. Nous étudions l’évolution spatiale et temporelle de ces zones en fonction de plusieurs paramètres : perméabilité de la faille, module d’élasticité, viscosité des fluides et résistance des roches. » Les variations de pression modifient la trajectoire des fluides et en augmentent le flux de 8 à 70 fois.

Volcan Planchón-Peteroa

© Adobe stock

Le mouvement de la faille agit comme une pompe sur les fluides

L’originalité de ces travaux est d’avoir associé deux domaines d’expertise (géologie structurale + modélisation mécanique) pour produire un outil de modélisation capable de reproduire un concept dynamique proposé dès les années 80. Celui-ci supputait que la faille en mouvement est la pompe qui ouvre et ferme les vannes à travers lesquelles les fluides géothermaux passent. Même si le mécanisme est intermittent (la faille glisse en quelques secondes mais les fluides circulent localement pendant une semaine à quelques mois), ce mouvement tectonique réussit à pomper les fluides qui imprègnent la croûte naturellement. « Cette meilleure compréhension du mécanisme devrait aider à savoir où se concentre cette chaleur transportée par le fluide vers des zones précises, et en quelles quantités », espère Muriel Gerbault. Des centrales géothermiques existent déjà au Chili, comme en Nouvelle-Zélande, aux Philippines ou au Kenya mais le défi est de pérenniser leur production en termes de temps et d'espace, et pour cela il est important de connaitre le fonctionnement de la source.


Publication : Felipe Saez-Leiva, Daniel E. Hurtado, Muriel Gerbault, Javiera, Ruz-Ginouves, Pablo Iturrieta, José Cembrano. 2022. Fluid flow migration, rock stress and deformation due to a crustal fault slip in a geothermal system: A poro-elasto-plastic perspective. Earth and Planetary Science Lettershttps://doi.org/10.1016/j.epsl.2023.117994

Contacts science : Muriel Gerbault, IRD, UMR GET MURIEL.GERBAULT@GET.OMP.EU
Felipe Saez, université catholique pontificale du Chili FCSAEZ@UC.CL
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR