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Résistance des forêts aux cyclones tropicaux

Publié par IRD Occitanie, le 28 juillet 2022   650

Comment les forêts tropicales résisteront-elles aux cyclones sans doute moins nombreux mais plus violents qui accompagneront le changement global ? Menée dans le cadre du projet EURISTIC, une étude associant trois unités de l’IRD (AMAPENTROPIEESPACE-DEV) s’appuie sur la télédétection et la modélisation pour analyser cette résilience dans des archipels du Pacifique sud-ouest.

Qu’on les appelle cyclones, ouragans ou typhons, les cyclones tropicaux génèrent des vents violents et des trombes d’eau sur de larges surfaces. Comment les forêts résistent-elles ?

Trajectoires de tous les cyclones de catégories supérieures à 1 traversant la zone d'étude durant la période 2000-2020. Les couleurs le long des trajectoires représentent l'intensité atteinte © IRD - Delaporte et al., 2022

Une région habituée aux cyclones

Pendant l’été austral – de novembre à mai - les archipels du Pacifique sud-ouest encaissent régulièrement entre 5 et 8 cyclones de catégorie 1 à 5. Ces catégories sont basées sur la vitesse maximum1 du vent enregistrée lors de ces épisodes plus ou moins violents. Les scientifiques émettent l’hypothèse que l’on peut mettre en relation ce paramètre et la gravité des impacts des épisodes cycloniques sur les forêts. « Notre étude, commente Baptiste Delaporte, stagiaire d’ESPACE-DEV et premier auteur de la publication dans Remote Sensing, est la seule à analyser ces impacts à la fois à une échelle régionale et en prenant en compte toutes les catégories, pas seulement les plus élevées. » L’aire étudiée couvre 76 îles dans 6 archipels : Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Fidji, Samoa, Tonga, Wallis-et-Futuna. L’analyse des bases de données montre qu’entre 2000 et 2020, 74 cyclones (de catégories 1 à 5) ont parcouru la région. Avec des effets divers sur les formations forestières insulaires. Afin de caractériser, en lien avec la force de la tempête, le degré de destruction que la végétation a subi ainsi que le temps qui lui est nécessaire pour récupérer son état antérieur, différentes disciplines ont été mobilisées : écologie, télédétection, modélisation statistique, météorologie.


Exemple d'impact à Fidji durant le cyclone Winston qui a sévèrement touché Viti Levu avec des rafales de vent allant jusqu'à 78 m/s entre le 19 et le 20 février 2016 : changement relatif de NDVI (indice de végétation) observé après le cyclone © IRD - Delaporte et al., 2022

Deux seuils sensibles détectés

Ce travail impliquant trois unités de recherche a permis de reconstruire le trajet des cyclones, la vitesse des vents de surface et de visualiser l’état des forêts avant et après les épisodes. Il y a bien une corrélation entre l’intensité cyclonique et les dommages infligés à la végétation. « Jusqu’à 50 m/s, indique Morgan Mangeas, mathématicien à ENTROPIE et co-auteur, les impacts sont négligeables, il y a juste des défoliations. Au-dessus, c’est-à-dire lorsque le cyclone est au moins de catégorie 3, les forêts sont clairement endommagées, avec des branches cassées. » C’est le premier seuil : les dégradations augmentent d’1% à chaque m/s supplémentaire ! Parmi les dégâts constatés figurent alors des déracinements et des troncs brisés. Le deuxième seuil intervient quand la vitesse du vent dépasse 75 m/s lors des cyclones les plus violents (catégorie 5). Ces dégâts deviennent généralisés. Durant les 21 ans considérés, plus d’un tiers des forêts a essuyé au moins trois cyclones et autour de 20 % ont subi un épisode de catégorie 4. Pour la catégorie 5, cette proportion tombe à 5%. Pour les vents les plus violents (78m/s), les pertes en végétation atteignent 40 % et le temps de régénération dépasse 5 mois. D’ailleurs 20 % des zones affectées par ces vents extrêmes n’avaient toujours pas pu se régénérer même au bout d’un an.

Dégâts dus au passage du cyclone Lucas sur le littoral de la rade de Nouméa. © IRD - Laure André

Des variations qui restent à élucider

Comme on le voit, la résilience des forêts a des limites. Or les modèles climatiques tendent à prévoir des évènements cycloniques plus forts et des trajectoires plus longues, laissant présager des impacts accrus sur les forêts dans le futur. Malgré des relations fortes en moyenne entre « vitesse du vent maxi / % dégradations / temps de régénération », l’étude publiée met aussi en évidence des écarts notables au cas par cas. Plusieurs explications sont avancées par les auteurs. Ces variations pourraient être dues à des caractéristiques topographiques protégeant des vents, ou à des types de forêts réagissant différemment à ces contraintes, ou encore au fait que certaines formations forestières, soumises régulièrement aux cyclones, se seraient adaptées et seraient donc moins sensibles aux événements cycloniques. « Notre projet en cours sur l'impact des cyclones sur la structure et le fonctionnement des forêts dans le Pacifique Sud-Ouest devrait nous en apprendre davantage et permettre d’évaluer les répercussions à venir sur ces environnements insulaires. » espère Thomas Ibanez, écologue à AMAP.

Notes :
1 Catégorie 1 ≥ 30 m/s à Catégorie 5 ≥ 70 m/s


Publication : Delaporte B, Ibanez T, Despinoy M, Mangeas M, Menkes C. Tropical Cyclone Impact and Forest Resilience in the Southwestern Pacific. Remote Sensing. 2022; 14(5):1245. https://doi.org/10.3390/rs14051245


Contacts science : Marc Despinoy, IRD, ESPACE-DEV MARC.DESPINOY@IRD.FR Christophe Menkès, IRD, ENTROPIE CHRISTOPHE.MENKES@IRD.FR

Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet   COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR


Source de l'article : Résistance des forêts aux cyclones tropicaux