Lengguru : une centaine de candidats au statut d’espèce
Publié par IRD Occitanie, le 6 septembre 2021 970
Une récente étude menée par l’UMR ISEM et ses nombreux partenaires décrit les résultats d’un inventaire des espèces de vertébrés du massif karstique de Lengguru, en Papouasie indonésienne. Sur les 264 espèces caractérisées à l’aide de code-barres ADN, plus de 100 correspondent à des organismes encore non décrits ou à des lignées morphologiquement indiscernables.
Alors que nous observons à l’échelle planétaire une érosion croissante de la biodiversité et l'extinction de nombreuses espèces, des chercheurs découvrent cependant de nouvelles espèces, particulièrement en Nouvelle Guinée. Tour d’horizon du massif de Lengguru où l'inventaire des espèces est loin d'être complet.
L’île de Nouvelle Guinée : une biodiversité singulière
Située au carrefour de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique, l’île de Nouvelle Guinée est sans doute l’une des dernières terra incognita en matière de biodiversité. Exubérante, cette biodiversité insulaire présente de nombreux groupes d’espèces emblématiques. « Oiseaux de paradis, échidnés, calaos, kangourous arboricoles et poissons arc-en-ciel sont autant d’animaux qui ont longtemps fasciné les naturalistes et fait l’objet de nombreux documentaires », déclare Nicolas Hubert, généticien et directeur de recherche à l’UMR ISE-M. Bien que son inventaire ait débuté avec les premiers naturalistes au cours du XIXè siècle, cette faune reste l’une des plus méconnue au monde. De par ses paysages accidentés et inaccessibles, l’intérieur de l’île reste encore largement inexploré. Elle a été protégée de la déforestation jusqu’à la fin du XXè siècle mais l’intensification de l’agriculture et le développement d’infrastructures au début du XXIè siècle constituent maintenant des menaces potentielles pour cette biodiversité si singulière.
Une initiative multipartenaire pour un large inventaire
Dans le cadre d’un partenariat entre l’UMR ISEM et les collections nationales indonésiennes (Research Centre for Biology - RCB), de l’institution des sciences d’Indonésie, une expédition a été organisée en 2014 dans le massif karstique de Lengguru, en Papouasie indonésienne. Coincé entre l’extrémité ouest de l’île, baptisée « la tête d’oiseau » en référence à sa forme si singulière, et la partie principale, ce massif karstique fait partie de ces zones de Nouvelle-Guinée qui n’ont commencé à révéler leur biodiversité que très récemment. Cette expédition a ainsi permis de publier une étude dans Molecular Ecology Resources décrivant les résultats d’un inventaire des espèces de vertébrés du massif. « Elle est co-signée par 41 co-auteurs appartenant à 7 structures de recherche indonésiennes, 4 UMR et USR françaises, le centre de génomique de la biodiversité de l’université de Guelph au Canada et le muséum d’histoire naturelle de Madrid », précise Nicolas Hubert.
Des code-barres ADN identifient de nouveaux organismes
Ainsi multidisciplinaire, cette expédition a été l’occasion de conduire cet inventaire par code-barres ADN, technologie utilisant une séquence standard de 650 paires de base d'un gène?. « Cette approche a obtenu une validation populaire considérable, pour ses résultats rapides, et s'avère être un outil particulièrement utile pour la caractérisation précoce d'espèces moins étudiées », précise Gonio Semiadi, mammalogiste et professeur aux collections nationales indonésiennes. Basée sur une librairie d’un millier de code-barres ADN et des approches génétiques de délimitation d’espèce, cette étude révèle l’étendue du déficit de connaissances de la faune du massif de Lengguru. « Manquant de ressources et de temps pour identifier la vaste biodiversité de l'Indonésie, cette étude montre que l’approche des code-barres ADN nous permet de gagner un temps précieux » affirme Evy Arida, herpétologiste aux collections nationales et première auteure de l’étude. « Sur les 264 unités délimitées, candidates au statut d’espèce, de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons, 75 correspondent à des organismes encore non décrits et 48 à des lignées morphologiquement indiscernables », ajoute Nicolas Hubert. De manière tout à fait surprenante pour une faune tropicale, la plupart de ces lignées ont émergé récemment, au cours du Pléistocène? à de petites échelles spatiales. Cette étude, en posant les bases d’un inventaire standardisé des biotas? de Papouasie, ouvre de nouvelles perspectives autour de la gestion durable de ces ressources.
Publication :
Arida E, Ashari H, Dahruddin H, Fitriana YS, Hamidy A, Irham M, Kadarusman, Riyanto A, Wiantoro S, Zein MSA, Hadiaty RK, Apandi, Krey F, Kurnianingsih, Melmambessy EHP, Mulyadi, Ohee HL, Saidin, Salamuk A, Sauri S, Suparno, Supriatna N, Suruwaky AM, Laksono WT, Warikar EL, Wikanta H, Yohanita AM, Slembrouck J, Legendre M, Gaucher P, Cochet C, Delrieu-Trottin E, Thébaud C, Mila B, Fouquet A, Borisenko A, Steinke D, Hocdé R, Semiadi G, Pouyaud L, Hubert N. 2021. Exploring the vertebrate fauna of the Bird's Head Peninsula (Indonesia, West Papua) through DNA barcodes. Mol Ecol Resour. https://doi.org/10.1111/1755-0998.13411
Contact science :
Nicolas Hubert, UMR ISEM NICOLAS.HUBERT@IRD.FR
Contacts communication :
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/lengguru-un...