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Consanguinité chez les orques circumpolaires

Publié par IRD Occitanie, le 8 juin 2023   370

Cette actualité est publiée dans le cadre de la Journée mondiale de l'océan


Une équipe internationale - dont un chercheur de l’UMR MARBEC - a analysé le génome de représentants d’une population particulière d’orques vivant dans l’hémisphère sud. Leurs travaux, publiés dans Journal of heredity, révèlent un taux de consanguinité élevé qu’ils ont pu relier à une isolation de longue date.

Les orques ou épaulards sont des cétacés qui fascinent le grand public. Certaines de leurs populations recèlent des histoires démographiques encore mal élucidées par les scientifiques.

Orque circumpolaire

© IRD - Paul Tixier

Des orques difficiles à échantillonner

Les orques sont actuellement considérées comme une seule espèce (Orcinus orca) bien que plus de 10 formes distinctes soient reconnues autour du globe. Ces différentes formes, ont des préférences distinctes en matière d'habitat et de proies, ainsi que des caractéristiques morphologiques spécifiques. La population objet de l’étude, appelée de type D, est caractérisée par une tête très bombée qui ressemble plus à celle d’un globicéphale et par une tache oculaire extrêmement petite. Ces orques à distribution circumpolaire vivent au large dans l’océan Austral entre des latitudes connues pour leurs turbulences, ce qui ne rend pas la tâche aisée pour les biologistes en quête d'échantillons de tissus…Il a donc fallu une équipe internationale pour s’attaquer à cette mystérieuse forme de type D. « La première description formelle du morphotype D date des années 2000 alors que des orques présentant ces particularités se sont échoués en Nouvelle-Zélande en 1955 », relate Paul Tixier, écologue marin à MARBEC. Un échantillon prélevé à cette époque et conservé dans un musée a fourni le premier génome soumis par la suite à diverses analyses. Cette utilisation à des fins scientifiques a été autorisée par la tribu Ngāti Toa Rangatira, en accord avec le Traité de Waitangi qui reconnait la souveraineté des Maoris sur les espèces « taonga » dont les orques font partie.

Cap Horn, Chili

© Adobe stock

Histoire démographique des orques type D

« Suite aux informations de pêcheurs locaux selon lesquelles ces orques interagissaient régulièrement leurs lignes de pêche dans les eaux chiliennes au sud du cap Horn, poursuit le biologiste, notre équipe a pu approcher un groupe d'environ 30 individus. »  cette occasion, les scientifiques ont pu collecter des données de photo-identification, réaliser des vidéos sous-marines et, élément clé de la présente étude, prélever des échantillons de biopsie de 3 individus. Grâce à un modèle capable d’estimer le temps jusqu'à l'ancêtre commun le plus récent, les génomes des 4 orques ont permis de reconstruire l'histoire démographique ancienne de la population de type D. Sont ainsi accessibles :  la taille effective de la population à un moment donné, une estimation des changements de taille et de structure de la population passée.

Les différents types d'orques

© Wikimedia commons

Une population génétiquement isolée

Une comparaison effectuée entre le génome du type D et ceux de 26 populations échantillonnées à l'échelle mondiale montre qu’il n'y a pas d’affinité claire entre cette population et toutes les autres. Par ailleurs, les premières séquences du génome des orques de type D révèlent une consanguinité extrême dépassant même celle de populations sauvages de mammifères tels que les gorilles des plaines orientales (Gorilla beringei graueri) ou les gorilles de montagne (G. b. beringei). « Notre reconstruction démographique suggère qu'une faible taille effective de la population à long terme, plutôt qu'un effondrement récent de la population au cours de l'Anthropocène, sous-tend ces estimations de consanguinité très élevées », avance Paul Tixier. La période de la baisse des effectifs d’orques correspond à une réduction significative de la vitesse d'écoulement du courant circumpolaire antarctique. Même si les scientifiques souhaitent rester prudents, ils émettent l’hypothèse que l’impact des changements du débit de ce courant au cours du dernier âge glaciaire et la faible largeur de l'aire de répartition aient pu être des facteurs déterminants pour la démographie de ces orques. Reste que d’autres travaux seront nécessaires pour comprendre les processus qui ont conduit à la morphologie unique des orques de type D. Leur statut particulier (population isolée et de faible effectif avec forte consanguinité) a des implications en terme de conservation.


Publication : Foote A. D., Alexander A., Ballance L. T., Constantine R., Munoz B. G. V., Guinet C., Robertson K. M., Sinding M. H. S., Sironi M., Tixier P., Totterdell J., Towers J. R., Wellard R., Pitman R. L., Morin P. A. 2023. "Type D" killer whale genomes reveal long-term small population size and low genetic diversity. Journal of Heredityhttps://doi.org/10.1093/jhered/esac070

Contact science : Paul Tixier, IRD, MARBEC PAUL.TIXIER@IRD.FR


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR