Virtuelle virtuosité

Publié par Université de Montpellier UM, le 1 décembre 2016   1.5k

Pour former les chirurgiens de demain, un horizon nouveau est en train de s’ouvrir. Cette révolution très concrète s’appelle réalité virtuelle.

Le geste est précis, l’organisation acérée, le timing chronométré. Sous leurs masques, les acteurs de ce balai millimétré évoluent selon le tempo donné par l’homme en blanc qui tient le bistouri. Une chorégraphie qui ne souffre pas l’imprécision. Bienvenue, vous êtes au bloc opératoire.

Chaque année, des milliers de patients passent entre les mains expertes des chirurgiens. Ils viennent parfois de très loin. « Les chirurgiens français sont reconnus dans le monde entier, d’ailleurs de nombreuses sommités étrangères viennent se faire former en France », explique Maxime Ros. « Ce savoir-faire unique doit être transmis efficacement pour assurer la relève et pour améliorer sans cesse les compétences des médecins », souligne le neurochirurgien montpelliérain.

Dans la peau du chirurgien

Pour parfaire l’apprentissage et l’exercice de ce métier de précision, il est indispensable d’assister à de multiples opérations. Debout à côté du chirurgien en action, étudiants et confrères détaillent les gestes du chef d’orchestre. Un passage obligé de la formation, mais qui a ses limites. La position de l’observateur en est une : il ne voit souvent les gestes que de côté ou de loin pour ne pas gêner celui qui opère. « L’idéal, ce serait d’être au cœur de l’opération et de pouvoir tout observer », précise Maxime Ros. La solution rêvée ? Voir avec les yeux du chirurgien. Un rêve devenu réalité… virtuelle.

L’idée de Maxime Ros est aussi simple que révolutionnaire. Deux caméras sont fixées directement sur la tête du chirurgien pendant l’opération. À partir des images ainsi captées, on recrée un film en 3D que l’on peut ensuite lire sur un smartphone couplé à un casque de réalité virtuelle. Ouvrez les yeux et plongez dans une expérience immersive. Ces mains qui tiennent le bistouri, c’est comme si c’était les vôtres. Cette équipe qui s’affaire autour du patient, c’est comme si c’était vous qui la dirigiez. Besoin d’informations sur le malade endormi sur la table ? Le casque offre aussi ces ressources. Tournez la tête et accédez à toutes les informations utiles pour mener à bien l’opération : scanner, IRM, données du patient.

Une expérience pédagogique hors du commun rendue possible par l’application Surgevry co-développée par Maxime Ros et ses associés. « C’est un outil idéal pour améliorer la transmission d’un savoir-faire qui relève de gestes très techniques, car même si vous ne faites pas réellement le geste, votre cerveau enregistre cette opération », explique Maxime Ros.

La 3D au service de la pédagogie

Pour développer cet outil, Maxime Ros et son associé, Jean-Vincent Trivès, ont fondé la société Revinax, qui a gagné le prix de la meilleure start-up au salon Laval Virtual 2016, une référence dans le domaine. « Une belle reconnaissance de la part des spécialistes du secteur », félicite Christophe Bonnel. Le médecin urgentiste s’est joint à l’aventure Revinax après avoir rencontré Maxime Ros au cours d’une formation en pédagogie médicale. Une double expertise qui donne à ces très entreprenants médecins une double légitimité. « Nous connaissons bien les problématiques de ce métier et l’importance de la formation », explique Maxime Ros. « Pour être un bon chirurgien il faut se former en permanence, voir le plus possible d’opérations pratiquées par différents professionnels car chacun possède un savoir-faire spécifique », complète Christophe Bonnel.

Tout comme les compagnons qui font le tour de France pour suivre leur apprentissage auprès des meilleurs artisans, Surgevry permet à tous de se former avec les meilleurs chirurgiens. Grâce à la 3D immersive, les futurs chirurgiens peuvent réaliser leur tour de France – et même du monde – des salles d’opération, sans quitter leur salle de classe… ou leur hôpital. « Les étudiants en médecine ne sont pas les seuls à pouvoir en bénéficier, précise Maxime Ros. Les chirurgiens qui travaillent dans des zones reculées par exemple pourront eux aussi continuer à se former sans quitter leurs patients ». Et l’idée va même beaucoup plus loin... « L’Unesco s’est montré intéressée par cette technologie pour former des médecins dans les pays en voie de développement », se réjouit Maxime Ros. « Tout le monde a un smartphone, il est plus facile d'équiper les médecins en casques 3D que de se déplacer dans une autre ville ou un autre pays pour se former », complète Christophe Bonnel.

Améliorer la qualité des soins

Prochain objectif du projet : réaliser un maximum de films et créer un « youtube chirurgical ». Une vidéothèque 3D qui permettra à tous, étudiants et praticiens, de visualiser une large palette d’opérations. « Ces films pourront aussi être déclinés pour tous les acteurs qui interviennent au bloc opératoire comme par exemple les infirmières qui ont elles aussi un savoir-faire très spécifique », imagine Maxime Ros.

A soignants mieux formés, patients mieux soignés. « Le manque d’expérience est à l’origine de certaines erreurs médicales. Elles sont à ce jour la troisième cause de décès en France », précise Maxime Ros. « La formation est un levier d’amélioration de la qualité des soins, nous misons sur elle pour diminuer ce risque », souligne Christophe Bonnel.


Photo (c) Marc Molina

Retrouvez cet article dans LUM, le magazine science et société de l'Université de Montpellier.

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