Un premier lancement pour EasyCov

Publié par Université de Montpellier UM, le 15 janvier 2021   870

Franck Molina, lauréat de la médaille de l’Innovation du CNRS 2020, tenant un tube de cellules artificielles (SkillCell). ©Cyril FRESILLON / Sys2Diag / CNRS Photothèque.

Le 28 novembre dernier, la Haute autorité de santé a émis un avis positif pour l’utilisation et le remboursement du test de détection rapide du Sars-Cov-2 développé par le laboratoire mixte (CNRS/Alcen) montpelliérain Sys2Diag. Une utilisation pour l’instant soumise à conditions : seuls les patients symptomatiques pour qui le prélèvement nasopharyngé est impossible ou difficile peuvent en bénéficier. Et tout résultat positif doit être confirmé par un test PCR classique. Réactions en demi-teinte chez ses concepteurs…

Un doute sur une possible infection au Sars-Cov-2 ? Tout serait si facile si vous pouviez effectuer un simple prélèvement salivaire et obtenir le résultat du test en à peine 40 minutes. Un tel test existe et il se nomme EasyCov. Il est vendu depuis plusieurs mois, à des centaines de milliers d’exemplaires, à l’étranger… mais pas en France. Et pourtant, ironie du sort, c’est bien à Montpellier que ce dispositif a été conçu. Certifié par le marquage « conformité européenne » en juin dernier, son déploiement en France était jusqu’à présent suspendu à l’avis de la Haute autorité de santé (HAS).

Une utilisation limitée par la HAS

Interviewé le 26 novembre dernier, jour attendu du verdict de la HAS, Franck Molina, chercheur CNRS chez Sys2Diag, était certes impatient mais confiant : « L’étude clinique réalisée avec le CHU est sans équivoque et montre les performances extrêmement bonnes du test. La Haute autorité fait un travail remarquable mais nous aurions aimé le déployer plus tôt pour faire face à la deuxième vague. »

Le 28 novembre c’est néanmoins une satisfaction plus nuancée qu’affichent les scientifiques montpelliérains. Si la HAS émet bien un avis positif sur l’utilisation et le remboursement d’EasyCov, « ce qui est déjà majeur » précise Franck Molina, elle le limite aux patients symptomatiques pour lesquels le prélèvement nasopharyngé est impossible ou difficilement réalisable, et impose un contrôle par un test RT-PCR en cas de résultat positif. Une restriction qui réduit donc pour le moment l’intérêt de ce test salivaire rapide, « mais nous travaillons d’ores et déjà à son élargissement avec la HAS », poursuit le chercheur.

40 minutes du prélèvement au diagnostic…

EasyCov est un test PCR à l’instar des tests classiques actuellement pratiqués, dits RT-PCR, mais il s’en distingue radicalement, grâce à la technologie baptisée LAMP-PCR, qui offre de nombreux avantages. Tout d’abord le prélèvement, salivaire et non nasopharyngé, « c’est un auto-prélèvement, plus simple et bien accepté par les populations. On peut faire ce test autant de fois qu’on le souhaite et cela facilite la vie des soignants » explique Franck Molina.

L’analyse est elle-aussi très simplifiée. Plus besoin de laboratoires ni de machines, les étapes d’extraction et de purification du virus, nécessaires à son amplification dans la technique RT-PCR, sont ici remplacées par une simple chauffe. « L’analyse se fait en deux étapes : une chauffe à 80° pendant dix minutes et une seconde à 65° pendant 30 minutes qui permet de réaliser une amplification du virus grâce à la technologie LAMP. Le test consomme très peu d’enzymes et presque aucun des produits si difficiles à trouver en période de crise », poursuit le chercheur. Peu de produits et donc un coût de revient très bas.

Enfin, le diagnostic est délivré immédiatement via une application développée en partenariat avec la société montpelliéraine Vogo. « L’application permet un diagnostic en temps réel grâce à un système de colorimétrie : jaune en cas de positif, orange brique si le test est négatif. Le résultat est immédiatement transmis à l’autorité concernée : ARS, médecin, autorité de l’aéroport, staff médical d’un club sportif…. » conclut Franck Molina. Et là encore, le gain de temps pour le personnel soignant est considérable.

Une étude mais deux interprétations différentes

Le test EasyCov coche donc toutes les cases pour répondre aux problèmes rencontrés dans cette crise planétaire tels que la disponibilité des produits, le développement à très grande échelle avec une bonne acceptabilité sociale et un coût assez bas pour la société. Mieux, il serait également plus fiable que la RT-PCR classique selon une enquête clinique réalisée par l’équipe du professeur Jacques Reynes, au CHU de Montpellier, sur plus de 500 patients dont 450 patients drive en situation réelle. « C’est intéressant parce qu’on a testé dans la vraie vie. Ces patients ont été testés avec le test salivaire EasyCov, et avec la technique RT-PCR sur des prélèvements nasopharyngés et salivaires » explique Franck Molina.

Et les résultats sont sans équivoque pour les Montpelliérains puisque selon eux, « le test EasyCov détecte 88 % des patients infectés, contre moins de 70 % pour le test nasopharyngé en RT-PCR. Il affiche une spécificité supérieure à 99 %, soit moins de 1 % de faux-positifs ». Et c’est bien là que le bât blesse. En se basant sur la même étude, la HAS conclut quant à elle à une spécificité de 92 %.

Pourquoi une telle différence ? Parce que la HAS considère que seul le test PCR nasopharyngé fait foi. Autrement dit, si un patient est positif au test EasyCov et au test de laboratoire RT-PCR salivaire mais, négatif au test RT-PCR nasopharyngé, elle considère que les deux premiers résultats sont des faux-positifs d’où un taux de spécificité plus bas.

Une aventure collective montpelliéraine

Dans l’attente d’un nouvel avis, l’équipe de Franck Molina continue d’avancer en concertation avec la HAS. Le chercheur lui reste positif : « En temps normal il aurait fallu plusieurs années pour développer et commercialiser un tel test. Nous avons travaillé sept jours sur sept et presque 24h sur 24 pour contracter le temps et répondre à l’urgence. » Le tout dans un contexte rendu difficile par le premier confinement qui n’a pourtant pas empêché de nombreux acteurs de répondre à l’appel du laboratoire Sys2Diag. Des partenaires publics comme le service infectiologie du CHU de Montpellier, l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM) situé sur le site du CNRS, la plateforme de synthèse d’ADN et d’oligo-nucléotides de l’UM, l’équipe de Monsef Benkirane à l’Institut de génétique humaine (IGH). Mais aussi des sociétés privées comme Vogo et de nombreux laboratoires locaux et régionaux. « Ce n’est pas juste Sys2Diag, c’est une opération montpelliéraine. Nous avons vécu une aventure humaine que l’on n’espère pas revivre mais qui nous a marqués à titre individuel et collectif » conclut Franck Molina. Une aventure saluée par le prix de l’innovation MUSE.