Tour d'Occitanie : un projet qui divise

Publié par Rachel Roumy, le 26 novembre 2017   3.8k

C'est au cœur du quartier de la gare Matabiau, que la Tour d'Occitanie s’élèvera d'ici 2022. Entre innovation architecturale et mutation du quartier, le projet divise les riverains. Si certains voient un projet pertinent et nécessaire à la ville, beaucoup sont dubitatifs. 

Dévoilée en mars 2017 par Jean-Luc Moudenc, actuel maire et président de Toulouse Métrople, la Tour d'Occitanie a été dessinée par le célèbre architecte Daniel Libeskind et s’élèvera sur 150 mètres, soit 40 étages et abritera 11 000 m² de bureaux, 2000 m² de commerces, un hôtel 4 étoiles, un bar-restaurant ainsi qu'une centaine de logements. Le point fort de cette tour sera son jardin public à son sommet.


Le projet Tour d'Occitanie © Studio Libeskind/Cie de Phalsbourg


Si le projet semble ambitieux et montre la volonté de la ville de créer un véritable quartier des affaires (ce projet s'inscrit dans le projet Toulouse Euro Sud-Ouest), les riverains ne semblent pas enthousiastes et les discours des prometteurs immobiliers ne semblent pas les rassurer.

En effet, les habitants de la ville semblent avoir du mal à comprendre l’intérêt esthétique de cette tour, dans une ville attachée à ses traditions architecturales. De plus, la réputation négative du quartier ne semble pas aider le projet.

Afin de comprendre la position d'un certain nombre d'habitants, j'ai décidé de me rendre sur place.

Samedi, 18 novembre 2017, j'arrive à la gare Matabiau. Entre les usagers du métro et les voyageurs SNCF, le lieu est agité. Comme dans de nombreuses grandes villes françaises, la gare est magnifique. Construite en 1903,  son style architectural est un véritable atout et fait partie de l'histoire de la ville.


Bâtiment de la gare Matabiau © Collection Butz

Alors que je franchis les portes du bâtiment, un homme m'interpelle pour me demander une pièce. Je décide de discuter avec lui. 

"On a été chassé par les travaux."

A sa façon, il habite le quartier. Il ne fait pas la manche assis à la gare, car il se fait « virer par les poulets ». Il a des « amis de galères » qu'il peut retourner dans la rue Bayard : « On a été chassé par les travaux mais quand on peut, on y retourne, c'est notre repère. Les associations savent nous trouver là-bas. Si on bouge, on n'est pas sûrs  de croiser la maraude et donc de manger ». La tour d'Occitanie ? Le sujet l'agace un peu « je n'ai pas trop compris ce que c'était, juste que ça aller demander beaucoup de tune, je ne sais pas où ils la trouvent cette tune, car pour nous aider il y en a jamais ».

Je décide alors de continuer mon chemin et de traverser la route pour me retrouver devant le canal du midi. Il y a beaucoup de circulation, il n'est pas évident d'arriver de l'autre côté. Sur le pont, je prends la peine d'observer l'environnement : d'un côté la gare, de l'autre des hôtels et l'entrée de la rue Bayard, connue pour ses prostituées. Je continue mon chemin.

La Tour se trouvera là, en face de moi. Je lève la tête au ciel et imagine me trouver face à un édifice de 150 mètres de hauteur. La tâche est difficile, car aucun élément autour de moi peut me servir de référence. Un homme passe près de moi, je me permets de l'interpeller. 

Jean-Philippe lui adore cette idée de Tour, « il y en a marre de ces gens qui sont toujours contre tout », pour lui la Tour « laissera une trace de l’architecture du 21ième siècle dans notre belle ville ». 

"Le charme de Toulouse disparaît." 

Je croise peu après une seconde personne, Loris, pour qui le projet ne mène à rien « On est obligé de se taper une tour dégueulasse sous prétexte qu'elle est privée ? Le charme de Toulouse disparaît par la destruction de bâtiment historique antique et des gens défendent cette tour ?" Sa réaction est vive et met en avant l’inquiétude face à ce projet.


 "Il est temps de se ressaisir et d'assumer que Toulouse doit franchir un cap ! "

Pour Frédérique, qui se joint naturellement à notre discussion, la Tour est une très bonne nouvelle : "Ce projet appartient à des investisseurs privés, le terrain est celui de la SNCF... La mairie accorde juste le permis de construire, il n'y a pas de débat à avoir sur les financements. Ce projet est bien mieux que l'étalement urbain sans fin que nous subissons depuis des années. Il est temps de se ressaisir et d'assumer que Toulouse doit franchir un cap. Nous habitons une ville, pas un village, il y a donc des impératifs d'évolutions et il faut vraiment en finir avec ce conservatisme qui bloque la ville. »

Le débat fait donc rage. Le collectif NON au Gratte ciel à lancé une pétition pour exprimer leur mécontentement. Cependant, à cette étape du projet, il semble difficile de revenir en arrière. Les Toulousains devront très certainement apprendre à vivre avec cette Tour. 


Rachel Roumy