Recherche d’anticorps à Conakry (Guinée)
Publié par IRD Occitanie, le 13 janvier 2021 900
Le projet « Dynamique de l’épidémie à SARS-CoV-2 à Conakry, Guinée (COVEPIGUI) », comené par l'UMI TransVIHMI en association avec le Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG), est financé par l’ANRS dans le cadre de l’appel à projet flash COVID-19 SUD.
Jean-François Etard - médecin épidémiologiste, directeur de recherche à l’IRD à l'unité TransVIHMI - et Abdoulaye Touré - pharmacien épidémiologiste, directeur de l'Institut National de Santé Publique (INSP) de Guinée et du CERFIG, porteurs du projet, répondent à nos questions.
Quels sont les enjeux de ce projet ?
L'ampleur réelle de la diffusion du virus SARS-CoV-2 et de la pandémie en Afrique sub-saharienne reste mal caractérisée. De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer un impact en termes de morbidité et de mortalité bien inférieur à la situation européenne ou américaine. Cependant les données rapportées ne permettent pas d'apprécier la réalité. Ce projet a pour ambition d'estimer la proportion de personnes ayant été exposées au virus ou infectées par lui au sein de la ville de Conakry. Pour ce faire nous utiliserons un test recherchant des anticorps (Ac) dirigés contre le virus SARS-CoV-2. Au cours de nos enquêtes transversales répétées, nous mesurons en réalité une prévalence (proportion de porteurs d'Ac dans une population). Cela correspond à une mesure de l'incidence cumulée car, compte tenu de nos connaissances, le virus ne circulait pas avant 2020 et a touché une population dite naïve et le test utilisé est performant. Toutefois, il s’agit d’une évaluation et non d’une mesure exacte puisque nous ne comptons pas les personnes touchées par le virus et décédées de plus, il n'est pas exclu que certaines personnes infectées aient perdu leur anticorps avec le temps (c'est toute la question de la persistance des anticorps spécifiques du virus). D’autre part, les malades qui ont fait des formes légères ou les asymptomatiques n’ont peut-être développé aucun anticorps.
Quelle en est l’originalité ?
Nous utilisons un test sérologique très sensible et spécifique du SARS-CoV-2 qui a été mis au point par l'unité TransVIHMI. Il est basé sur la détection simultanée d’anticorps dirigés contre deux protéines du virus SARS-CoV2 responsable de la COVID-19. Ces deux protéines sont, d’une part, la spicule qui se trouve à la surface de la particule virale et, d’autre part, la nucléocapside entourant le matériel génétique du virus et qui se trouve être la protéine la plus abondante dans une particule virale. Le test détecte également les Ac dirigés contre d’autres coronavirus humains, en plus du SARS-CoV2, sans complexifier davantage sa réalisation, grâce à la technologie Luminex. Nous appliquons ce test sur un échantillon aléatoire représentatif de la population de Conakry. C’est à dire 1400 personnes pour chacune des trois enquêtes. Les opérations de collecte étant en cours, ce chiffre est susceptible de varier selon les conditions opérationnelles.
Sur quelles connaissances antérieures votre équipe s’appuie-t-elle ?
Il n'y a pas d'estimation antérieure de cette proportion en Afrique sub-saharienne sur échantillon aléatoire en population donc nos résultats seront les premiers du genre. Le test sérologique développé par l'unité TransVIHMI, PANCOV-S, s’appuie sur une démarche développée pour d’autres infections virales comme la maladie à virus Ebola. Nous utilisons donc la même technologie mais appliquée à ce nouveau virus, le SARS-CoV-2. Il existe un test commercial utilisant cette même technologie mais ne permettant de détecter que les anticorps dirigés contre SARS-CoV2 et à un coût extrêmement élevé.
Comment se partage le travail de recherche avec le porteur Sud ?
Nous sommes partenaires sur des projets de recherche [maladie à virus Ebola] depuis 2015. Le projet COVEPIGUI est hébergé en Guinée, précisément au Centre de Formation et de Recherche en Infectiologie de Guinée (CERFIG) que dirige Abdoulaye.
Quels sont les résultats attendus ?
Au cours du premier trimestre 2021, nous livrerons une estimation de la proportion de la population de Conakry porteuse d'anticorps dirigés contre le virus SARS-CoV-2. Même si cette proportion de porteurs d'Ac à un moment donné ne nous informe pas sur les autres défenses immunitaires, elle donne une mesure approchée du niveau de l'immunité collective. Par ailleurs la représentativité de l'échantillon testé est évidemment fondamentale.
En quoi votre recherche répond-elle à la science de la durabilité ?
L'information sera utile à la prise de décision concernant une politique vaccinale pour la capitale guinéenne. Pour pouvoir généraliser, il faudra par la suite croiser et comparer avec les résultats des autres études conduites dans les 5 autres pays où l'unité TransVIHMI est engagée. Le projet COVEPIGUI est aussi associé au projet ARIACOV qui apporte (i) une composante en "renforcement des capacités" répondant à la durabilité de la recherche et (ii) une composante en sciences humaines et sociales permettant de répondre en particulier à des questions sociétales, d'information sur le covid et de stratégies vaccinales.
Aller plus loin :
Communiqué de presse IRD : Les survivants d’Ebola présentent des anomalies sévères du système immunitaire deux ans après leur maladie
Contacts science :
Jean-François Etard, IRD, UMI TransVIHMI JEAN-FRANCOIS.ETARD@IRD.FR
Abdoulaye Touré, Institut National de Santé Publique de Guinée ABDOULAYE.TOURE@IRD.FR
Contacts communication :
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/projets-cov...