Opération immersion : les labos ouvrent leurs portes !

Publié par Morgane Bouterre, le 21 janvier 2016   1.8k

La Fête de la science offre chaque année l’occasion au grand public et aux scolaires de pénétrer dans les laboratoires de recherche de la région à l’occasion de portes ouvertes.

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Oui mais au fait, comment fait-on pour se préparer à cela quand on est un laboratoire ? Est ce qu’il y a une recette magique pour bien accueillir le public ? Et quels sont les avantages et les inconvénients d’un tel exercice ?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous nous sommes faufilé dans deux structures Toulousaines qui ont fait le choix d’ouvrir leurs portes à l’occasion de la Fête de la science : le laboratoire GEODE de l’Université Jean Jaurès, ainsi qu’à lIRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie).

Nous avons été chaleureusement reçues par Franck Vidal, chargé de la coordination scientifique de l’opération au laboratoire GEODE, et Dolorès Granat du pôle communication-évènementiel de l’IRAP.

Nous vous proposons un retour sur ces deux entretiens particulièrement intéressants qui nous dévoilent les secrets de préparation de ces journées portes ouvertes ...

Vous êtes prêts ? A vos notes ! :)

Pourquoi participez-vous à la Fête de la science ?

Franck Vidal, GEODE : Tout d’abord, il faut noter que c’est la première fois que le Laboratoire GEODE ouvre ses portes pour la Fête de la Science. C’est à l’occasion de l’ouverture de la “Maison de la recherche 2″ que le Centre de Promotion de la Recherche Scientifique a proposé de participer à cet événement. La création de cette nouvelle structure a permis d’équiper notre laboratoire d’un grand nombre d’équipements. En participant à la Fête de la science, notre but est donc de rendre visible au public ces nouvelles installations dont nous bénéficions. Après tout, on s’est dit que c’était quand même dommage que les gens ne voient pas ces nouveautés !

Dolorès Granat, IRAP : C’est tout d’abord l’occasion de rapprocher la science et les citoyens en permettant aux chercheurs de remplir l’une de leurs missions en participant à la diffusion des savoirs scientifiques par des actions de vulgarisation. On peut noter que le budget accordé à la recherche par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche représente plusieurs milliards d’euros, c’est énorme ! Participer à ces événements est ainsi une façon de “rendre compte” au grand public des travaux effectués dans les laboratoires.

Comment avez-vous mobilisés les chercheurs ?

Franck Vidal, GEODE : Je ne suis pas officiellement chargé de communication du laboratoire, mais j’ai pris un peu cette casquette. C’est lorsque j’organisais d’autres manifestations de ce type (à Albi ou encore à Foix par exemple) que j’allais voir les chercheurs, je regardais ce qu’ils faisaient et à partir de ça, j'aménageais les opérations. Je prenais donc en charge une très grande partie de l’organisation. Les chercheurs venaient souvent en soutien.

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On arrive toujours à trouver des scientifiques qui aiment réellement le contact avec le public, tout particulièrement chez les jeunes chercheurs qui sont peut-être plus habitués à ce genre d’exercice. Néanmoins, je ne vous cache pas que cela reste difficile de convaincre tout le monde puisque la communication grand public n’est absolument pas reconnue dans leurs carrières.

Le plus souvent, je demande en priorité aux personnes sur lesquelles je suis sûr de compter. On fonctionne beaucoup par copinage, vous savez. Cette année, j’ai pu convaincre 4 collègues de se mobiliser sur une journée, ce qui est plutôt un très bon résultat.

Dolorès Granat, IRAP : Comme je suis en charge de la communication sur le laboratoire, j’ai dans un premier temps envoyé un mail pour que les équipes prennent connaissance de l’évènement et pour les solliciter. C’est également en allant directement à leur contact que j’ai pu recevoir des retours positifs. J’ai essayé de diversifier le type d’intervenants entre chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et doctorants pour pouvoir avoir différents types d’animations et de profils. Tous profils confondus, une trentaine de personne se mobiliseront pour cette manifestation.

Quelles animations proposez-vous ?

Franck Vidal, GEODE : Concrètement, nous proposons au public une exposition panneau sur la cartographie avec différentes manipulations.

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Exposition “In-Terre-Active
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Exposition “In-Terre-Active

Après, au niveau des animations avec les chercheurs, nous avons organisé des projections de films dans les salles du labo. Quatre thématiques seront abordées selon les spécialités des chercheurs qui auront l’occasion de commenter en direct les projections. Ils peuvent choisir de mettre le film seulement en “fond sonore” et assurer eux mêmes leurs propres présentation, ou s’ils se sentent moins à l’aise, ils peuvent commenter simplement le film.

Bref, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. On donne donc des cartes au chercheur, et c’est à lui de choisir l’utilisation qu’il en fait.

De façon générale, cela se passe bien. Au pire, ils se plantent sur le premier groupe mais très vite le discours est en place et tout roule :)

Malheureusement, nous n’avons pas les moyens financiers pour créer de véritables expositions ou animations dédiées à la Fête de la Science. C’est pour cela que nous sommes obligés de puiser dans notre stock de contenu.

Dolorès Granat, IRAP : Selon les thématiques ou spécialités de chaque intervenant, nous mettrons en place différentes animations : des conférences thématiques de 20 à 30 minutes ; des animations pour les plus jeunes : ateliers d’observations autour du soleil, travaux pratiques autour de la lumière, atelier montage d’une fusée avec legos, etc. ainsi que des visites des plateaux techniques et des salles blanches. [Ce sont des salles d’instrumentation stériles auxquelles le public ne peut pas accéder]. Nous disposons cependant de vitrines à travers lesquelles les visiteurs pourront observer l’intérieur de ces salles, avec les explications d’un chercheur.

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Vitrine d’observation d’une “salle blanche” de l’IRAP

Du matériel sera également mis en place comme Planeteralla (un simulateur d’aurores boréales), des solarscopes pour les observations du soleil, pour les plus petits des montages d’instruments avec des legos, et l’ouverture de l’observatoire avec démonstration du radio télescope en direct. Les intervenants devront également être mobilisés le jour J pour accompagner le public à l’entrée et vers les différentes activités.

Nous proposerons aussi dans le hall d’accueil une table ronde des doctorants avec les présentations de leurs différents parcours.

Quels thèmes de recherche mettez-vous en avant ? Suivez-vous les sujets principaux abordés lors de la Fête de la Science (Changement climatique, Lumière, etc.) ?

Franck Vidal, GEODE : Nous avons décidé de mettre en avant les principaux axes de recherche de notre laboratoire en fonction des spécialités des chercheurs participants. 4 thèmes seront donc abordés durant les films : la palynologie (l’étude des pollens), la sédimentologie, l’anthracologie (l’étude des charbon de bois ancien) et enfin la numérisation 3D (numérisation d’environnements complexes). Toutes les projections auront pour but final de comprendre comment peut-on étudier et que peut-on étudier pour reconstituer les climats, les environnements et les sociétés passées ?

Dolorès Granat, IRAP : C’est la thématique de la Lumière qui sera principalement mise en avant grâce des conférences qui s’axeront sur les différentes spécialités des chercheurs. Nous mettrons également en avant les différents faits marquants de l’année en terme d’astronomie comme par exemple une conférence dédiée aux comètes avec une explication sur Rosetta. Le thème du changement climatique ne sera pas aborder par l’IRAP, d’autres laboratoires de l’Observatoire Midi-Pyrénées sont spécialisés sur ces thématiques. On peut noter qu’il est possible “que dans les 15 années à venir, l’étude de l’atmosphère et du climat des exoplanètes pourra nous permettre une meilleure compréhension de l’évolution climatique de notre planète sur le long terme “.

Comment on s’y prend ? Racontez-nous un peu les coulisses de l’organisation...

Franck Vidal, GEODE : Nous avons puisé dans notre contenu de films pédagogiques selon les thèmes que nous voulions mettre en avant. Notre contenu vidéo n’a pas été spécialement créé pour la Fête de la science mais cela reste un contenu pédagogique que nous avons conçu en interne et qui reste facilement accessible pour le grand public. Sur ces vidéos, les scolaires pourront découvrir comment on effectue un carottage ou encore comment sont réalisées les expériences chimiques en labo après prélèvements terrain.

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Avec les commentaires et explications du chercheurs, le public se retrouvera en immersion dans le quotidien du labo. Du matériel pourra être montré en complément du film mais les manipulations ne seront pas possibles.

Dolorès Granat, IRAP : Nous avions organisés avant l’été une réunion “communication/ web” avec la direction du laboratoire pour définir la thématique générale de ces portes ouvertes. De là, nous avons décidé de nous positionner sur la thématique de la Lumière qui nous paraissait être la plus appropriée compte tenu de nos travaux et de lAnnée internationale de la Lumière. Le programme des portes ouvertes s’est donc dessiné dans cette optique là, grâce aux propositions d’animations de chaque intervenant. Rien n’est créé spécialement pour cet événement. Ces animations sont, pour la plupart, reconduites lors des différents événements auxquels peuvent participer les équipes et font donc partie intégrante des missions des chercheurs.

Une réunion avec tous les participants a été également programmée pour mettre en place les dernières questions d’organisations (répartition des tâches, choix des tee-shirt, mise en place de la signalétique, finalisation du programme, et autres questions organisationnelles)

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Et quelles sont vos actions de communication ?

Dolorès Granat, IRAP : Le programme des portes ouvertes sera intégré sur le site Web de l’IRAP. Nous allons également installer une grande banderole sur la clôture extérieure avec en gros plan un QR code renvoyant sur la page du site web. Nous allons communiquer via notre compte twitter de l’IRAP ainsi que celui de notre délégation régionale.

Quel est l’intérêt pour vous d’ouvrir vos portes au public ?

Franck Vidal, GEODE : Selon moi, il y a 3 objectifs. Le premier est d’essayer de faire réfléchir les gens sur la recherche scientifique. Le deuxième sera d’essayer de susciter des envies de carrières scientifiques qui sont de plus en plus délaissées. Et la troisième chose qui est, selon moi, la plus importante est le devoir ! En effet, en tant que fonctionnaire de l’Etat, nous nous devons de partager avec le public.

Dolorès Granat, IRAP : Déjà, il y a une question de devoir envers le public. Ce genre d’évènement fait selon moi partie intégrante des missions des chercheurs. Cela permet entre autre de valoriser leurs recherches.

Outre le fait de transmettre un savoir scientifique pur, il y a aussi une idée de partager son parcours et d’essayer de faire susciter la curiosité et pourquoi pas des vocations auprès du jeune public. C’est là que le rôle des doctorants est fondamental pour donner une image positive des métiers autour de la recherche scientifique.

Avez-vous des retours des précédentes années ? Anecdotes, expériences, exemples, etc.

Franck Vidal, GEODE : Les années précédentes dans les villages des sciences, nous avions proposé des manipulations de matériel, un microscope par exemple. Cependant, nous ne prévoyons pas d’animations de ce type cette année car cela est très compliqué à mettre en place, principalement pour des questions de sécurité. Imaginez devoir faire faire un carottage en pleine nature par toute une classe !

C’est pourquoi nous utilisons les vidéos qui décrivent les manipulations effectuées sur le terrain. Le matériel utilisé sur la vidéo sera disposé à côté du chercheur, ce qui permettra un visualisation réelle.


Quel est selon vous l’intérêt pour un laboratoire de recherche d’ouvrir ses portes au grand public ? Comment encourageriez-vous d’autres laboratoires ?

Franck Vidal, GEODE : Il faut bien prendre conscience que ce genre d’évènement devient un moyen de diffusion de l’information scientifique. C’est vrai qu’en France, les labos ont selon moi trop peu d’occasions de partager leurs recherches.

En effet, via les réseaux sociaux, la communication scientifique devient petit à petit davantage accessible et les laboratoires français commencent à comprendre que cette diffusion est indispensable. Les Anglo-saxons l’ont déjà compris bien avant !

Je dirais aux autres laboratoires que c’est avant tout un devoir vis à vis du public en tant que fonctionnaire. Mais il faut avouer que c’est encore un problème actuellement. Il réside une dichotomie entre le fait que les chercheurs se consacrent exclusivement à leur carrière professionnelle et le fait qu’ils font partie intégrante d’un service dit public.

Selon moi, c’est avant tout une question de personne. Il faut trouver quelqu’un de motivé au sein du laboratoire. C’est rarement le laboratoire lui-même qui prendra l’initiative.

Dolorès Granat, IRAP : Ces manifestations sont des passerelles entre les acteurs de la recherche et les citoyens. Elles contribuent à développer un dialogue, tout en promouvant les défis que la recherche vise à relever. Les chercheurs sont des personnes passionnées par leur métier et par leurs recherches, c'est donc une satisfaction pour eux de transmettre aux différents publics.

Et s'ils trouvent un écho médiatique, ces communications permettent de faire jouer la compétition et de promouvoir leur champ scientifique.

Ce genre d’évènement est bel et bien un moyen unique de donner au public l'occasion de voir la fabrique de la connaissance.

C’est sur cette note que se termine notre interview, nous remercions encore Franck Vidal et Dolorès Granat d’avoir eu la gentillesse de répondre à nos questions et de nous accueillir dans les coulisses de leurs laboratoires.

Le monde de la recherche n’est donc plus cet univers hermétique que l’on imagine. Les laboratoires sont en effet de plus en plus nombreux à profiter de manifestations grand public pour ouvrir leurs portes. Une initiative qui peut être portée par toute une équipe spécialisée dans l’événementiel, comme par une seule personne. Une bonne motivation reste en effet le seul élément essentiel pour entreprendre cette démarche ! Nul besoin d’inventer de nouveaux supports d’animation, puisez dans vos archives, vous trouverez toujours du contenu pertinent à présenter au public !

La prise de parole en public est un exercice qui peut parfois paraître difficile à certains professionnels de la recherche. L’argument infaillible pour arriver à convaincre les plus réticents reste, semble t-il, la notion de devoir. Nos interlocuteurs ont en effet beaucoup insisté sur le fait que la communication grand public fait partie intégrante des missions du chercheur.

Voilà, maintenant que vous avez la recette, vous n’avez plus d’excuses pour ne pas vous aussi ouvrir vos portes ;-)

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Et vous aussi, partagez vos expériences d’ouverture de labo pour encourager vos homologues à faire de même l’année prochaine ! :)