Loin des gènes, loin du cœur

Publié par Université de Montpellier UM, le 8 septembre 2020   700

Quelles sont les espèces qui suscitent le plus d’empathie et de compassion de notre part, et pourquoi ? C’est la question posée par Michel Raymond biologiste à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (ISEM).

Tortue ou écureuil, lequel sauveriez-vous s’ils étaient en danger de mort ? Méduse ou cactus, duquel vous sentez-vous le plus proche ? Ces questions, Michel Raymond et ses collaborateurs du Muséum national d’Histoire Naturelle les ont posées à près de 3 500 « juges » qui ont examiné chacun 20 paires de photographies d’animaux ou de végétaux. Objectif ? « Déterminer comment notre capacité à être en empathie avec d’autres organismes et à ressentir de la compassion pour eux fluctue d’une espèce à l’autre », explique le chercheur de l’ISEM dont l’étude a fait l’objet d’une publication dans Scientific Reports.

Distance phylogénétique

Pourquoi choisit-on de sauver l’écureuil plutôt que la tortue ? Sommes-nous sensibles à sa beauté ? A sa taille ? A sa vulnérabilité ? Non, d’après ces travaux, ce qui détermine la compassion ou l’empathie portée aux êtres vivants présentés, c’est la distance phylogénétique qui nous sépare. « La carte affective du monde vivant ainsi constituée montre en effet que plus un organisme est évolutivement éloigné de nous, moins nous nous reconnaissons en lui et moins nous nous émouvons de son sort », explique Michel Raymond.

Lorsqu’une espèce nous est évolutivement proche, comme les grands singes, nous partageons avec elle des caractéristiques, notamment physiques, progressivement acquises au cours de notre évolution commune. « Et nous pouvons plus facilement reconnaître en elle un alter ego, et adopter à son égard les mêmes comportements prosociaux qu’avec nos semblables humains ».

Alter ego

Sur le podium de nos affects, on retrouve donc logiquement les grands singes : orang-outan, gorille et chimpanzé qui éveillent le mieux notre empathie et notre compassion. Les volontaires qui ont participé à l’étude dirigeaient même davantage ces sentiments vers l’orang-outan que vers… l’Homme, qui faisait lui aussi partie des espèces présentées. À l’inverse en queue de peloton des « mal-aimés » on retrouve notamment le cactus, le champignon, la méduse ou encore la tique. « Cette dernière bât tous les records négatifs ! », précise Michel Raymond.

Des résultats qui pour les chercheurs « invitent à nous pencher sur l’influence exercée par nos biais sensoriels et émotionnels sur les questions de société impliquant notre rapport au reste du vivant ».


Empathie ou compassion ?

Si l’empathie correspond à notre capacité à percevoir intuitivement les émotions et les états mentaux d’autrui, la compassion désigne quant à elle un sentiment induit par la souffrance d’autrui, associé à la volonté – désintéressée – d’y remédier.