La science s’invite dans le monde du football

Publié par Université de Montpellier UM, le 17 janvier 2019   1.1k

Que sépare le ballon de la ligne ? La réponse de la science ? Joshua Hoehne on Unsplash, CC BY-SA

Stéphane Perrey, Université de Montpellier

Le Football est un jeu en mouvement : généralement, les joueurs de football couvrent 8 à 12 km lors d’un match d’environ 90 minutes avec une fréquence cardiaque maintenue à 80-90 % des valeurs maximales.

En plus de l’endurance spécifique nécessaire pour faire face aux exigences physiologiques du match, les joueurs de football doivent relever un autre défi : sprinter plus souvent et plus vite selon des contraintes spatiotemporelles pour être performant !

Dans ce contexte, l’Association des Préparateurs physiques du Football Professionnel représentée par son Président Sébastien Lopez-Guia, préparateur physique professionnel FFF, reconnue pour regrouper la majorité des spécialistes football du circuit professionnel et amateur français s’est associée à l’Université de Montpellier (Laurent Mortel et Stéphane Perrey) pour créer une formation unique : le Diplôme Universitaire d’Optimisation de la Performance en Football. Avec l’association, différentes approches de la préparation athlétique du Footballeur sont développées dans les clubs professionnels. Cette formation répond à une demande grandissante de diplôme hyper spécialisé apportant des compétences scientifiques ciblées associées à des compétences de terrains telles qu’elles sont aujourd’hui appliquées dans tous les clubs de haut niveau. Avec l’aide des sciences du mouvement humain, il devient possible d’identifier les signatures motrices dans le Football.

La force en mouvement : une force « utile » chez le Footballeur

Être capable de produire à la fois de la force rapidement et des puissances musculaires élevées sont considérées comme étant parmi les caractéristiques de performance physique les plus importantes, en particulier dans les activités qui reposent sur des répétions de sauts, de changement de direction et/ou de vitesse.

C’est le cas du Football soumis à de nombreuses séquences de mouvements qui nécessitent des capacités à effectuer des actions « explosives » telles que des accélérations ou des décélérations, des sprints et des sauts selon les postes occupés sur le terrain.

Les statistiques nous indiquent que les joueurs parcourent une distance moyenne de sprint (≥ 24 km·h-1) de 250 mètres en moyenne par match, avec des joueurs atteignant des vitesses maximales de l’ordre de 32 km·h-1. Les joueurs de football sont également tenus de faire environ 60 séquences de sprint par match tout en effectuant plusieurs changements de direction et plusieurs actions de saut. Le point commun à ces formes de mouvement : générer de grandes quantités de force dans des délais relativement courts.

Comment se renforcer pour mieux bouger ?

L’entraînement de la force est souvent assimilé voire réduit à l’augmentation de la masse musculaire. Même si cela est en partie vrai, il n’en reste pas moins que la topographie de la force présente d’autres aspects tels que la force « explosive », la force endurance, la force vitesse etc.. correspondant chacune à des qualités musculaires différentes qu’il est possible d’entraîner spécifiquement en Football.

Mise en pratique d’exercices physiques avec divers accessoires (bandes élastiques, supports instables, etc.) et une machine spécialisée. Stephane Perrey, Author provided

L’un des domaines en préparation physique moderne qui connaît un renouveau est l’entraînement dit fonctionnel. Ce dernier vise à intégrer les besoins et les contraintes de la situation sportive dans l’environnement d’entraînement afin d’améliorer l’efficacité de l’entraînement. Dit autrement, l’entraînement fonctionnel pour développer la force « explosive » et la puissance doit être vu comme un entraînement dans lequel les exercices et les mouvements proposés sont intégrés, multidirectionnels et enrichis de façon propice.

En pratique, l’entraînement fonctionnel implique un panel de mouvements à base d’exercices en chaîne cinétique (ensemble de muscles mis en jeu), de mouvements balistiques tels que le lancer de ballons lestés ou encore d’activités d’équilibre dynamique faisant appel à des qualités de proprioception et de gainage.

Retenons que le principe est de faire travailler les chaînes musculaires dans leur globalité en ciblant les grands systèmes physiologiques et neuromusculaires. Au contraire des entraînements de musculation plus traditionnels, dits analytiques, qui se concentrent sur un ou plusieurs muscles en les isolant, le travail fonctionnel prend en compte toute la chaîne musculaire et les articulations. Les membres supérieur et inférieur travaillent conjointement et non de façon isolée.

Oubliées les répétitions de levée de barres au profit d’exercices globaux via des mouvements explosifs simples à complexes basés sur la créativité de chacun. Le travail fonctionnel peut s’effectuer sous forme d’ateliers (type circuit training), au poids du corps (exercices sans matériel) ou avec divers accessoires (bandes élastiques, supports instables, poids, sangles, etc.) et machines spécialisées.

Des mouvements qui ne manquent pas de contrôle

Le but de l’entraînement fonctionnel est de contextualiser au plus près les situations de jeu d’un match au milieu d’entraînement. Cependant les exigences cognitives sont souvent négligées dans le contexte du renforcement musculaire pris isolément. Une performance réussie exige des aptitudes physiologiques et cognitives dépendantes ou liées les unes aux autres. Obtenir des adaptations neuromusculaires spécifiques aux formes de mouvement du footballeur exige le contrôle de deux types d’effort : l’effort physique et l’effort mental. Une fois encore, l’entraînement fonctionnel peut répondre à cette problématique.

Un élément important dans le principe de spécificité de l’entraînement est l’intention subordonnée à l’action musculaire et la nature de l’effort. Un stimulus d’entraînement clé est la nature de la commande motrice et les modèles d’activation des unités motrices qui en résultent associés aux mouvements à grande vitesse.

Ces commandes motrices centrales activent les muscles d’une manière conforme à l’intention et, en outre, favorisent des adaptations physiologiques spécifiques. La nature de l’effort mental influence directement la qualité et la quantité du mouvement et, par conséquent, toutes les adaptations physiologiques et in fine la performance finale.

Cela pourrait conduire à des schémas de coordination et de contraction musculaires plus efficaces parce que l’on ne se contente pas d’entraîner les muscles, mais on a l’intention de s’entraîner au mouvement ! Par exemple, bondir lors d’un saut doit être l’intention et sauter devient un moyen pour atteindre ce but mais n’est pas le but recherché. Appliqué au contexte de l’entraînement, nous apprenons mieux à percevoir l’efficacité d’un mouvement lorsque nous découvrons nous-mêmes des solutions grâce à l’exploration libre du répertoire de mouvements dont nous disposons : c’est la plus-value offerte par l’entraînement fonctionnel assisté ou non par une résistance externe.

L’approche de la méthode d’entraînement fonctionnelle décrite est conçue pour améliorer la spécificité des adaptations physiologiques sous jacentes aux types de mouvements à produire, et non pour améliorer les capacités perceptives et cognitives. L’entraînement fonctionnel n’est pas exclusif. D’autres méthodes de développement de la force sont nécessaires pour atteindre d’autres objectifs en termes d’adaptations musculaires, comme l’augmentation de la taille du muscle, qui sont des éléments constitutifs de la performance fonctionnelle. Les différents marqueurs du mouvement du Footballeur (cognitifs, physiologiques, neuromusculaires, sensori-moteurs) constitueraient ainsi une carte comportementale contribuant à la précision des prédicteurs diagnostics de la performance. De là à dire que l’intelligence du jeu se voit dans les empreintes du mouvement des joueurs, il y a peut-être plus qu’un pas à franchir.The Conversation

Stéphane Perrey, Professeur des Universités, Directeur adjoint du laboratoire EuroMov, Université de Montpellier

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.