La diversité comme moyen d’adaptation

Publié par Université de Montpellier UM, le 8 septembre 2020   760

Le murin cryptique (Myotis crypticus) © M. Ruedi – Museum Geneve

La diversité génétique réduit le risque d’extinction des populations face au réchauffement climatique. C’est ce qu’a démontré une équipe de chercheurs qui a étudié le génome des chauves-souris afin de mieux prédire leur devenir lors de la hausse des températures. Des résultats qui ouvrent de nouvelles pistes pour mieux préserver les espèces.

Comment les différentes espèces animales vont-elles réagir face au changement climatique ? « Certains scénarios considèrent que les animaux vont tout simplement remonter vers le Nord au gré du réchauffement pour y retrouver les températures qui leurs sont propices », explique Sébastien Puechmaille. Un modèle qualifié de « naïf » par le chiroptérologue de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (Isem).

« Ce n’est pas si simple, beaucoup d’animaux se déplacent en fait très peu. C’est par exemple le cas du petit rhinolophe, une espèce de  chauve-souris dont on a montré qu’elle progresse moins vite que le réchauffement climatique ». Quant à celles qui parviendraient à suivre, encore faut-il que la destination réponde à leurs besoins notamment alimentaires. « De nombreuses chauve-souris sont insectivores, si les proies dont elles se nourrissent n’ont pas suivi cette nouvelle distribution, alors les conditions de leur survie ne sont pas réunies, c’est ce qu’on appelle un mismatch ».

Résister au chaud

« Si l’on veut modéliser le devenir des populations face au réchauffement climatique, on ne peut pas juste prendre en compte la température et l’humidité, il y a en réalité beaucoup de paramètres à considérer ». Dont un qui, jusqu’ici, avait fait l’objet de peu d’études : la diversité génétique. « Il s’agit de considérer la variabilité des populations au sein d’une même espèce », précise le chiroptérologue. Par exemple au sein d’une même population de chauves-souris, certains individus sont génétiquement plus adaptés à résister au chaud ou au froid.

Pour appréhender ce paramètre, Sébastien Puechmaille et ses collègues ont développé une nouvelle approche : ils intègrent le potentiel d’adaptation génétique dans les modèles qui prédisent l’évolution de l’aire de distribution d’une espèce, en réponse au changement climatique. Pour cela les chercheurs ont analysé les données génomiques de deux espèces de chauves-souris originaires de la Méditerranée, une région particulièrement affectée par la hausse des températures.

Couloirs forestiers

« L’analyse de l’ADN de 278 chauves-souris a permis d’identifier et de différencier les individus qui sont adaptés pour prospérer dans des habitats chauds et secs de ceux adaptés à des habitats plus froids et humides », explique le chercheur. Une diversité importante à considérer car ce potentiel d’adaptation génétique confère une meilleure chance de survie à ces individus lors de l’élévation des températures ou de sécheresse. En effet, en cas d’élévation des températures, les populations d’individus adaptées aux habitats plus froids et humides déclineront, sauf si celles-ci reçoivent des individus des populations adaptées au habitats chauds et secs qui apporteront avec eux la part de diversité génétique nécessaire à l’adaptation, réduisant ainsi le risque d’extinction.

Encore faut-il que les chauves-souris des différents habitats puissent se rejoindre… « Ce sont des espèces qui vivent dans des forêts, et elles ont besoin de couloirs forestiers pour se déplacer d’une zone à une autre, explique Sébastien Puechmaille. Si le couvert forestier est favorable au déplacement des chauve-souris, il y a une bonne connectivité entre les populations, ce qui maximise l’arrivée d’individus adaptés et favorise la survie des populations par rapport à ce que prévoient les modèles classiques qui n’intègrent pas ce paramètre ».

Préserver l’habitat

Des résultats qui peuvent donner lieu à des prévisions plus précises des effets du réchauffement climatique, mais qui encouragent également à mieux réfléchir les stratégies de conservation. « Outre le fait qu’il existe des barrières géographiques limitant les déplacements, tels que les Pyrénées et les Alpes, les politiques ont jusqu’à présent très rarement pris en compte l’importance de ces couloirs forestiers à l’échelle d’un pays voire d’un continent. L’habitat de ces espèces est donc globalement morcelé, ce qui est un frein au déplacement des individus », précise le chercheur. « Il est essentiel de préserver l’habitat pour assurer la survie des espèces face au changement climatique, et pour cela il faut raisonner à grande échelle, ce n’est pas juste une gestion locale, mais internationale qui s’impose ».

Un enjeu clé pour l’avenir de ces petits mammifères volants qui ont déjà vu leur population chuter drastiquement après la seconde guerre mondiale, « à priori en grande partie à cause de l’usage des pesticides et des changements de pratiques agricoles ». On compte aujourd’hui 1400 espèces de chauves-souris dans le monde, et certaines espèces sont considérées comme d’ores et déjà disparues.