Eléphantes en congé maternité

Publié par Université de Montpellier UM, le 31 octobre 2018   1.1k

Instaurer un congé maternité pour… les éléphantes domestiques du Laos, c’est la très sérieuse suggestion du biologiste Gilles Maurer, du centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE). Une mesure qui vise à compenser le manque à gagner des propriétaires durant la période de gestation de leur animal et qui pourrait bien, selon le chercheur, contribuer à la sauvegarde de l’espèce aujourd’hui en péril.

« Si rien ne change, l’éléphant d’Asie aura tout simplement disparu du territoire dans les cinquante années à venir ! », s’alarme Gilles Maurer. Au Laos, l’ouverture à l’économie de marché à la fin des années 90 s’est accompagnée d’une intensification soudaine du travail des pachydermes domestiques, principalement pour le débardage du bois de rose désormais destiné à l’export. « Le transport des arbres du lieu de coupe vers les dépôts provisoires est une opération très physique particulièrement incompatible avec la gestation des femelles », explique le chercheur.

Natalité en chute libre

Dans ce contexte, la reproduction des éléphantes a vite été associée au manque à gagner qu’elle engendre pour leurs propriétaires. « La gestation fatigue la femelle la rendant moins performante dans le travail physique. Et lorsque le petit naît, celui-ci entrave les déplacements de sa mère, la rendant difficile d’approche et très protectrice », détaille le fondateur d’ElefantAsia*.

Dans tout le pays, les propriétaires d’éléphantes domestiques ont rapidement renoncé à faire se reproduire leurs bêtes, préférant les revenus générés par le travail dans le débardage et plus récemment par le tourisme. De plus la diminution de l’habitat forestier a obligé les propriétaires à garder leurs éléphants à l’attache ne permettant plus leur reproduction avec des mâles sauvages. Ainsi, le taux de natalité des pachydermes s’est effondré depuis les années 1990, si bien que le Laos, surnommé « pays du million d’éléphants » ne compte aujourd’hui plus que 800 spécimens.

Logique compensatrice

« Compenser le gain manqué des propriétaires d’éléphantes durant les longues périodes de gestation (22 mois) et d’allaitement (2 ans) de leur animal permettrait de dissocier la démographie des pachydermes des considérations économiques et pourrait relancer la natalité », estime Gilles Maurer qui plaide aujourd’hui pour l’instauration au Laos d’un congé maternité sur le modèle occidental au bénéfice des éléphantes et de leurs propriétaires.

Jusqu’à récemment inconnu dans le pays, le concept du « congé maternité » semble déjà séduire les propriétaires d’éléphantes domestiques. Dans un pays où le paiement des taxes et impôts restent encore incertain, ceux-ci s’interrogent toutefois quant aux modalités concrètes de sa mise en œuvre et - surtout - de son financement en pratique. Ceci alors qu’au Laos une nouvelle menace plane sur Elephas Maximus : son exportation effrénée vers la Chine voisine. Alors que le Laos ne compte pas plus de 10 naissances annuelles d’éléphanteaux, 5 % des effectifs sont désormais vendus chaque année à la Chine pour y être exploités à des fins touristiques.

* L’ONG ElefantAsia œuvre pour la protection et la sauvegarde de l’éléphant sur tout le continent asiatique :  www.elefantasia.org