Anne-Céline Thuillet : ce sont dans les sphères sociétale et éducative que les leviers d’action doivent être activés en faveur de plus d’égalité
Publié par IRD Occitanie, le 5 avril 2024 280
Chercheuse à l’UMR DIADE, Anne-Céline Thuillet s’intéresse à la diversité des plantes cultivées et à leur évolution, en particulier celle du mil. Elle est également membre du Comité Technique de la Sélection au sein de la section « Ressources génétiques », dont le rôle est de veiller à la gestion, à la conservation, et à la valorisation de cette diversité génétique. Enfin, elle consacre une petite partie de ses activités à la diffusion des connaissances vers les scolaires et le grand public. Elle répond à nos questions dans le cadre du plan d’action égalité de l’IRD à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science.
Quel parcours vous a amené à prendre les fonctions que vous avez aujourd'hui ?
Mon parcours universitaire en sciences de la vie a été motivé par un attrait marqué pour les questions agricoles : à défaut d’avoir la main verte, mon objectif était de participer à la réflexion afin de nourrir au mieux les populations. A cette époque, les premiers débats autour des OGMs ont pris de l’ampleur et m’ont passionnée. J’ai alors décidé d’aller jusqu’au doctorat, pour « aller au bout de la connaissance ». Après une thèse pour étudier les effets de la domestication sur la diversité génétique du blé dur, deux post-doctorats m’ont amenée à m’intéresser aux plantes tropicales. J’ai alors été recrutée à l’IRD pour travailler sur le mil.
L’égalité femmes-hommes, comment l'interprétez-vous dans le milieu scientifique ?
Je dirais que le milieu scientifique a plutôt bonne conscience par rapport à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il me semble que tout en reconnaissant certains freins au développement des carrières des femmes, le milieu scientifique porte un discours de bonne volonté, qui dit que bien entendu il faut agir en faveur d’une égalité souhaitée. Pour autant, je ne crois pas qu’en l’absence d’actions menées par les personnes les plus convaincues, cette seule bonne volonté suffirait à faire bouger les lignes. Je trouve qu’il est nécessaire de continuer à mettre en avant les différences en terme de carrière afin qu’elles ne soient pas minimisées, et pour que les choses avancent davantage.
Avez-vous un exemple - dans votre vie professionnelle ou celle d’une proche - qui pourrait illustrer la notion d'empowerment des femmes ?
La notion d’empowerment me paraît plus liée au contexte de développement qu’à celui des pays industrialisés, en tous cas en ce qui concerne la communauté scientifique. Il me semble que dans les cas où la société a déjà développé une voie pour l’égalité, les femmes scientifiques, s’il leur reste à corriger des impacts négatifs sur leur situation, ont une place et une reconnaissance qui me semble acquise dans leur communauté professionnelle. Dans un contexte où les inégalités entre hommes et femmes sont encore marquées, les exemples d’empowerment prennent plus de sens et de force.
Pensez-vous que la place des femmes dans la science est en train d’évoluer dans le bon sens ?
La conscience des inégalités encore existantes a gagné du terrain. Je crois aussi que la prise en compte des facteurs qui créent des décalages entre les carrières des femmes et des hommes s’est améliorée et que l’évolution de la situation d’égalité entre les femmes et les hommes en science est en effet positive. Mais il me semble que poursuivre nécessite une prise en compte plus large de la problématique. Ce sont dans les sphères sociétale et éducative que les leviers d’action doivent être activés en faveur de plus d’égalité, pour provoquer des retombées dans les milieux professionnels : à titre d’illustration, on peut comptabiliser les articles publiés différemment pour les femmes et les hommes pour prendre en compte les arrêts maternité – ou on peut viser qu’hommes et femmes incluent ensemble des interruptions de carrière pour s’occuper de leurs enfants. L’égalité me paraît meilleure dans le deuxième cas, mais nécessite une évolution plus sociétale que spécifiquement professionnelle.
Pour vous, qui ou quels sont les alliés nécessaires pour faire avancer l’égalité de genre ?
L’enjeu de transmission pour moi est central autour des questions de genre, à la fois d’un point de vue éducatif afin de faire évoluer la société au travers des générations, mais aussi parce que je pense que c’est dans la parentalité que certaines différences de genre prennent le plus de sens. La présence d’enfants dans l’équation accentue l’expression d’un certain nombre de biais au niveau du rôle des femmes et des hommes dans l’organisation familiale. Je crois donc que la sensibilisation des parents est importante. En cela, je trouve que les alliés éducatifs sont essentiels. Mais je crois aussi que d’un point de vue plus pragmatique, il est important que les volontés de progression sur le terrain de l’égalité soient accompagnées politiquement.
Quelle émotion est votre moteur ?
C’est la créativité collective, et au sens large qui est pour moi source de vibration et qui me fait avancer : au niveau de mon métier, cela se traduit par une réflexion et des échanges sur la façon de créer un monde meilleur, appliqué à nos champs de recherche.
Contacts science : Anne-Céline Thuillet, IRD, DIADE ANNE-CELINE.THUILLET@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/anne-celine...