Alzheimer : ralentir l’oubli

Publié par Université de Montpellier UM, le 6 décembre 2019   1k

Stabiliser efficacement la progression de la maladie d’Alzheimer pourrait devenir possible grâce à la découverte des effets neuroprotecteurs et anti-amnésiques induits par Sigma-1. Une étrange protéine à laquelle le neuropharmacologue Tangui Maurice a consacré près de 30 années de recherche.

C’est un nouvel espoir pour les patients atteints d’Alzheimer. Une maladie neurodégénérative progressive dont les signes d’alerte « sont souvent cognitifs », explique Tangui Maurice, chercheur au laboratoire Mécanismes moléculaires dans les démences neurodégénératives (MMDN). « Ce sont des problèmes de mémoire, de désorientation spatio-temporelle, de dérégulation de la réponse au stress ou à la nouveauté. »

Un pouvoir neuroprotecteur

C’est dans les années 90 que le biologiste découvre le pouvoir anti-amnésiant de certaines molécules capables d’activer Sigma-1. Une protéine classifiée jusque-là, à tort, comme un récepteur des opiacés. En 1995, il met au point un modèle pharmacologique provoquant en une semaine les symptômes d’Alzheimer chez le rat, ce qui lui permet de tester le rôle de Sigma-1 dans la maladie.

Tangui Maurice comprend alors la nature particulière de Sigma : « Ce n’est pas un récepteur classique, son rôle est plutôt de moduler d’autres protéines pour leur permettre de faire leur effet. » Avec la société américaine Anavex, il teste ainsi des molécules originales, montre qu’elles sont neuroprotectrices, et que l’effet se trouve amplifié par Sigma-1.

Des résultats impressionnants

Les chercheurs développent alors une molécule appelée ANAVEX2-73, qui a fait ses preuves sur la souris avant d’être testée sur une trentaine de patients. « Deux scores cognitifs ont été observés. D’une part un score d’autonomie : est-ce que vous vivez encore chez vous, est-ce que vous faites la vaisselle, est-ce que vous vous couchez tout seul ? » Les résultats sont bons et même équivalents à ceux du donépézil, un médicament actuellement prescrit aux patients.

Le deuxième score concerne lui la qualité de la mémoire. « On voit une perte limitée à 1 point en trois ans, là où les patients non traités vont en perdre 6. C’est impressionnant » constate le chercheur. Des scores qui permettent à l’ANAVEX2-73 de passer à l’étape supérieure et d’être actuellement testée sur 450 patients. Les résultats devraient être connus d’ici trois ans avec, en cas de succès, une très probable mise sur le marché.

« First-in-class »

Des recherches prometteuses d’autant que l’ANAVEX2-73 n’est que la première molécule Sigma-1 développée, souligne Tangui Maurice : « C’est « la first-in-class », mais ça peut très bien ne pas être la meilleure. On continue à rechercher d’autres molécules plus sélectives. » Un traitement qui n’ouvre pas la voie à une guérison, mais qui pourrait être un puissant allié pour ralentir Alzheimer. « La maladie démarre à 70 ou 80 ans, si on stabilise les patients pendant 10 ans c’est un énorme gain pour eux et leurs proches. La stratégie neuroprotectrice a vraiment un sens » conclut le chercheur.