Com’ de labo : de chercheurs à grand public - Retours sur le 13ème Brasseurs de sciences

Publié par Julie Lesauvage, le 1 mai 2019   1.7k

Le lundi 18 février, les Brasseurs de Sciences toulousains se sont réunis pour la 13ème édition à l’emblématique Eurêkafé autour d’une thématique qui a attiré de nombreux curieux : « Com’ de labo : de chercheurs à grand public ».

Dessin par Anne Mauffret

Trois intervenants étaient de la partie : Audrey Dussutour, chercheuse au CRCA de Toulouse, spécialiste du célèbre « blob » et spécialisée dans la communication animale ; Nadia Vujkovic chargée de communication à l’université Paul Sabatier et Clément Blondel chargé de communication au CNRS. L’échange de cette soirée portait sur pourquoi et comment communiquer par les médias quand on est un laboratoire de recherches ?

Dans la salle, nous pouvions compter une majorité de médiateurs et communicants et 5 étudiants. Après une présentation des intervenants, le premier axe abordé concernait le grand public : parmi le grand public, à qui s’adresse les laboratoires de recherche à travers les différents médias ?

Audrey Dussutour avoue s’adresser en majorité « aux jeunes et aux moins jeunes » sans que cela soit volontaire. Dans son travail, elle échange à plusieurs reprises avec des lycéens ; par exemple pour leurs travaux pédagogiques. De l’autre côté, elle a observé que beaucoup de retraités s’intéressaient à ses travaux et à ses conférences. Pour Nadia et Clément, tous deux chargés de communication, leurs actions s’adressent davantage aux étudiants pour « éveiller leur intérêt pour les sciences » ainsi qu’aux scolaires. Clément ajoute qu’en communication scientifique, il y a généralement plusieurs cibles et que chaque format est adapté pour le public qu’il souhaite toucher.

Pourquoi un chercheur a la nécessité de communiquer vers le grand public ?

Pour Audrey Dussutour, nous ne pouvons pas parler de nécessité mais d’envie car pour le moment communiquer vers le grand public ne permet pas d’avoir davantage de financements pour les recherches. Pour elle, cela sert à lutter contre les idées reçues autour du chercheur tout en montrant que la recherche scientifique « sert à quelque chose ».

« Communiquer envers le grand public sert, par exemple, à défendre la recherche fondamentale. Il n’y a pas de recherche appliquée sans recherche fondamentale ».

Pour Nadia et Clément, communiquer autour du travail des chercheurs tient davantage du devoir. Pour eux, il faut « rendre des comptes » : faire comprendre au public où vont leurs impôts par exemple, question légitime dans le contexte sociétal actuel.

Dessin par Sarah Debaud

La chercheuse, Audrey Dussutour, avoue avoir eu certains avantages grâce à cette communication : elle a attiré beaucoup d’étudiants au sein de son laboratoire.

Nadia ajoute qu’obliger certains chercheurs à communiquer peut être à double-tranchant et qu’il faut fournir un travail d’accompagnement en tant que chargé de communication. Un travail non négligeable qui consiste notamment à alerter les chercheurs sur les dangers des réseaux sociaux autour de sujets polémiques par exemple. Clément Blondel ajoute que personne n’est obligé à communiquer et soutient que la mission des communicants scientifiques est de valoriser ce que font les laboratoires. Toutes les activités de tous les laboratoires sont « communicables » mais pour cela, tout le réseau doit se mettre d’accord sur la façon et le support de communication. Un laboratoire est constitué d’unités mixtes de recherche et de plusieurs tutelles donc pour communiquer, il faut s’accorder et utiliser le réseau pour rayonner au maximum. Une précision de taille est alors apportée : « Ce sont les résultats de recherche qui sont communiqués – donc la production – et non ce qu’il se passe en laboratoire ». Cette communication de résultats de recherche s’effectue sur la base du volontariat et grâce à plusieurs outils. Parfois, cela se fait très rapidement à partir de la publication en revue scientifique jusqu’à la communication auprès du grand public. Toutefois, les participants à cette soirée réagissent :

« Vous parliez de communiquer sur les résultats de recherche, mais le public a envie de savoir ce qu’il se passe dans les labos. Est-ce que vous avez des formats particuliers pour cela ? ».

Il existe différents formats : la visite de laboratoire pour les scolaires à l’occasion de la Fête de la Science, des expositions comme « Drôles de bureau, drôles de labo » qui a eu lieu au Quai des savoirs, l’animation de comptes twitter spécialisés... Si cela semble limité, Clément Blondel ajoute que comme pour les chercheurs, nous ne pouvons pas obliger les laboratoires à communiquer ; c’est sur la base du volontariat.

Du côté des chercheurs, Audrey Dussutour confirme que communiquer pour un chercheur, cela prend beaucoup de temps personnel. Clément Blondel ajoute, par ailleurs, que « plus on communique, plus on a à communiquer ». Tous sont d’accord sur le fait que c’est une contrainte pour les chercheurs et qu’on ne peut pas les obliger. Audrey ajoute qu’il faut apprendre à dire “non” parfois. Toutefois, si les chercheurs ne communiquent pas forcément auprès du grand public, ils communiquent beaucoup entre eux et notamment par le réseau social Twitter sur lequel ils partagent leurs travaux avec d’autres chercheurs. Beaucoup de chercheurs utilisent les réseaux sociaux pour de la « veille ». Les chercheurs qui communiquent sur les réseaux sociaux sont en général bien identifiés et ont une certaine responsabilité éditoriale.

Où se situe frontière entre communication et médiation ?

Pour Clément Blondel, c’est une histoire de format. Les communicants se servent de formats et d’événements déjà existants ; les médiateurs sont presque une cible pour les communicants mais également un moyen de toucher le grand public. Pour Nadia, ce sont deux métiers différents même si les chercheurs peuvent être des médiateurs.

Vient ensuite la question de la responsabilité des laboratoires envers les « fake news » : Le CNRS n’aurait alors pas de mission particulière par rapport à celles-ci même si Clément Blondel assume que le CNRS a une certaine responsabilité vis à vis de cette problématique. C’est aussi davantage pour répondre à la demande croissante et à l’attente qu’ont les journalistes par rapport à cela.

Audrey Dussutour raconte ensuite la façon dont elle s’est emparée des réseaux sociaux en tant que chercheuse : après la publication de son livre Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander (éditions Equateurs Sciences),  elle a créé une page ouverte à tous et a reçu beaucoup de questions sur la façon d’élever un blob. Elle a donc créer des outils comme un tutoriel pour limiter le temps de gestion des pages sur les réseaux. C’est, pour elle, une nouvelle forme de partage des savoirs.

Concernant la communication entre les différents laboratoires de recherche, les intervenants chargés de communication avouent qu’ils n’ont pas d’emprise là dessus et Audrey ajoute que cela concerne « les sociétés savantes ».

Est-ce que la communication scientifique va, un jour, s‘émanciper du « Publish or perish » ?

Il existe actuellement des sites « open access » comme BioArcad mais l’inconvénient réside dans le fait qu’il n’y a aucune validation par des pairs ou par des experts et les journalistes sont très présents sur ces sites, il faut donc faire attention. Pour Nadia et Clément, communiquer autour de travaux sans validation reste au stade de discussions pour le moment.

Pour terminer ces échanges, Nadia souhaite ajouter que la communication scientifique touche des publics très différents et que c’est dans la diversité que l’on touche le plus de monde.

Pour Audrey Dussutour, il faut aller davantage dans les écoles pour valoriser et stimuler les carrières scientifiques.

Clément Blondel a, quant à lui, un objectif qu’il rêve d’atteindre : communiquer sur les travaux des 60 laboratoires de recherche de la région.

Enfin, pour terminer la soirée, les pitchs ont été nombreux : le FabLab de Planète Sciences Occitanie a lancé un appel à participation autour d’un « apéro pour partager les sciences » qui a eu lieu le lendemain soir, les participants ont également été invités à participer aux soirées « Désenchantées » de l’Eurêkafé avec Agatha Liévin-Bazin et Anne-Cécile de l’association Honua mais aussi à participer à la journée de réflexion pour le nouvel appel à projets « Fête de la science 2019 ». Nous avons également pris connaissance du projet d’Antoine qui souhaite créer une websérie avec sa twingo à la mode « C’est pas sorcier » ou encore un projet baptisé « Badgeons les chercheurs » pour réfléchir entre médiateurs, universitaires et chercheurs afin de mettre en avant leurs compétences en Open Source... Des projets passionnants qui méritent d’être suivis...