À la rencontre de 3 chercheuses passionnantes

Publié par Echosciences Occitanie, le 8 mars 2017   2.7k

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous nous sommes rendus dans les laboratoires de recherche toulousains pour rencontrer des chercheuses à la fois passionnées et passionnantes.

Natalie Webb, Directrice de Recherche à l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de Toulouse : « C’est fascinant l’astronomie. J’ai toujours voulu découvrir des choses que personne n’a jamais vues ! »



Natalie est astronome. Son métier pourrait en faire rêver plus d’un… Mais ne nous méprenons pas, le parcours pour percer dans la recherche en astrophysique reste l’un des plus difficiles !


Son parcours


C’est au sein de la prestigieuse Université de Keele en Angleterre que la carrière de Natalie commence.


Après avoir soutenu sa thèse en astrophysique, c’est les étoiles plein les yeux qu’elle prend connaissance de la mission XMM-Newton, satellite doté de puissants télescopes à rayons X lancé le 10 décembre 1999 par l’Agence Spatiale Européenne (ESA).


Les données collectées par ce satellite permettent de résoudre un certain nombre de mystères cosmiques, allant des trous noirs énigmatiques aux origines de l'Univers lui-même. Elle décide donc de tenter sa chance pour rejoindre un département de recherche qui travaillerait sur ces thématiques.


Souhaitant pouvoir collaborer de près aux recherches de cette mission, c’est à Toulouse au sein du Centre d’Etude Spatiale des Rayonnements - intégré depuis 2011 dans l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) - que Nathalie pris pied pour entamer un post doctorat.


Au fil des années, titularisation obtenue, ses recherches la conduiront à la tête du groupe

Galaxies, Astrophysique des Hautes Énergies et Cosmologie ” de l’IRAP.


Son intérêt principal réside dans les observations multi-longueurs d'onde d'objets compacts (trous noirs, étoiles à neutrons et naines blanches) afin de comprendre leur nature, c'est-à-dire leur masse, leur rayon, leur composition, leur champs magnétique et l'origine de l'émission que nous observons.


On ressent nettement que la passion régit le quotidien de Natalie Webb. Même si pour elle les étapes de carrière se sont franchies, elle nous confie trouver regrettable que la recherche en astrophysique ne compte pas davantage de femmes.


Faire de l’astrophysique quand tu as des enfants est très très difficile. C’est très compétitif comme milieu. Les filles arrêtent souvent après leur thèse et c’est dommage !


L’intrigante découverte d’un trou noir supermassif


C’est entre autres grâce aux données collectées par le satellite de l’ESA XMM-Newton qu’un trou noir supermassif fût récemment découvert par une équipe internationale de plusieurs chercheurs, dont Natalie.


Ce qui fait la particularité de ce trou noir est qu’il engloutit de la matière à un rythme effréné pendant plus d’une décennie. Or, la plupart des dislocations d’étoiles observées jusqu’à ce jour se font en moyenne en une ou deux années.

Il pourrait s’agir de la dislocation par un trou noir de l’étoile la plus massive jamais impliquée dans ce type d'événement ou pour la première fois une étoile de très faible masse qui a été complètement détruite.

Cette découverte pourrait aider à comprendre comment se forment les trous noirs supermassifs, mais aussi comment ils arrivent à atteindre des masses d’environ 1 milliard de fois la masse du soleil.

Son meilleur souvenir


C’est sans nul doute la découverte des trous noirs de “masses intermédiaires” qui restera le plus beau souvenir de carrière de Natalie.


En effet, en 2008, avec son équipe internationale de chercheurs, elle a démontré qu’un trou noir était le candidat le plus sérieux au titre de premier trou noir de « masse intermédiaire » jamais détecté.


Nous avons réussi en 2008 à trouver un objet qui semblait être un trou noir de masse intermédiaire. Et nous avons effectués beaucoup d'observations depuis 9 ans et elles ont toutes confirmé que c'est véritablement un tel objet !


L’hypothèse de leur existence avait été faite depuis des décennies, mais aucune observation n’avait pu confirmer ces théories. Cette découverte pionnière permettra de comprendre comment les trous noirs sculptent l’Univers et de détecter les liens qu’il pourrait y avoir entre la masse des trous noirs supermassifs et la nature de la galaxie.


Les perspectives de recherche en astronomie


La récente détection des ondes gravitationnelles a ouvert de formidables perspectives de recherche. En effet, la détection de ces ondes va pouvoir aider la recherche à détecter les trous noirs qui n’avalent pas de matière, ce qui n’était pas possible avec la détection par rayons X.

Ça va tout changer au niveau de notre compréhension de l’Univers. C’est difficile à imaginer, mais cela faisait plus de 100 ans que les ondes gravitationnelles avaient prédites par Einstein (1915) sans jamais avoir pu être détectées directement.


Myrtil Kahn, Directrice de Recherche au Laboratoire de Chimie de Coordination de Toulouse : « Pour faire de la recherche pertinente, l’échelle de temps des travaux va au-delà des deux ou trois années de projet ! »

Vulgariser la recherche du domaine des nanosciences n’est pas une mince affaire. Pourtant l’enthousiasme que Myrtil démontre pour expliquer ses travaux de recherche ne laisse pas indifférent.

Son parcours

Suite à un cursus en chimie moléculaire au sein de l’Université d’Orsay, c’est une fascination pour l’un de ses professeurs de fac qui orienta Myrtil dans son choix de thèse.

Thèse en chimie moléculaire obtenue, elle s’envola pour Atlanta aux USA pour intégrer Georgia Tech en tant que post-doctorante. C’est là qu’elle décida d’orienter ses travaux, non pas sur les matériaux moléculaires, mais sur la conception et l’élaboration de nanoparticules.

J’avais une frustration après ma thèse. Je ne voulais pas me contenter de faire uniquement de la recherche fondamentale. Je souhaitais que ça puisse potentiellement servir. J’avais besoin d’avoir une motivation plus appliquée, et la recherche sur les nanoparticules permettait cela.

Souhaitant affiner sa recherche en développant des méthodes de synthèse, Myrtil chercha à identifier des équipes de recherche française travaillant de manière plus fine sur la conception des nanoparticules pour poursuivre sa carrière.

C’est en intégrant le Laboratoire de Chimie de Coordination de Toulouse (LCC) qu’elle trouva son bonheur, lui permettant même d’évoluer jusqu’au poste de Directrice de recherche de l’équipe " Nanochimie, Organisation et Capteurs ".

Plusieurs années de travail pour un aboutissement de recherche

C’est près de 15 années de recherche qui ont été nécessaires pour révéler le résultat d’une toute nouvelle découverte dans le domaine des nanosciences.

L’idée de base était de développer une véritable stratégie qui permettait d’aboutir à des nanoparticules d’oxydes parfaitement contrôlées - morphologie, taille, état de surface - dans le but de développer des réponses innovantes aux grands défis sociétaux que sont l’aéronautique, l’énergie, l’environnement, la micro-électronique ou encore la santé.

Ainsi, la possibilité de pouvoir détecter les mouvements des atomes constitutifs de ces nanoparticules était un enjeu majeur pour pouvoir assurer leur stabilité.

En développant des méthodologies fines de synthèse des nanoparticules, l’équipe de Myrtil a mis en évidence des échanges d’atomes d’oxygène jusqu’au cœur des nanoparticules d’oxydes métalliques, ce qui permet d’améliorer leur stabilité.

À première vue, on peut voir les nanoparticules comme des objets minéraux figés. Mais grâce à cette étude, on a démontré que les atomes constitutifs de ces objets étaient dynamiques (...) Les atomes peuvent bouger à l’intérieur des nanoparticules (...) C’est ce qu’on a démontré, en particulier avec les oxydes métalliques, en observant comment les atomes d’oxygène pouvaient bouger à l’intérieur même de la nanoparticule et échanger avec d’autres atomes d'oxygène qui seraient dans l’atmosphère.


Son meilleur souvenir

Cette toute récente publication reste donc le meilleur souvenir de Myrtil car elle illustre l’aboutissement d’un travail de plus de 15 ans.

Il y a un côté un peu magique dans cette recherche. Quand je suis rentrée au LCC, nous avons breveté très rapidement la méthode de synthèse des oxydes métalliques, mais au final, il m'a fallu plus de 15 ans pour que je comprenne pourquoi cette méthode fonctionnait et arriver à obtenir une maîtrise fine de cette synthèse.

Les perspectives de recherche liées à ses travaux

Cette publication purement fondamentale va pouvoir avoir des retentissements du point de vue de la recherche appliquée.

Pour pouvoir répondre à des problématiques appliquées, il faut pouvoir répondre à des questions fondamentales (...) dans l’équipe on croit beaucoup au cercle vertueux de la recherche fondamentale pour répondre à des problématiques appliquées.

Nathalie Vergnolle, Directrice de l'Institut de Recherche en Santé Digestive de Toulouse : « Je continue à penser que c’est le plus beau métier du monde, même si la recherche évolue rapidement et qu’il faut savoir s’adapter ! »


Quand on lui demande pourquoi le métier de chercheur ? La réponse se fait évidente à ses yeux : “ J’ai toujours été intéressée par le pourquoi et le comment . Donc, naturellement, je me suis rapidement orientée vers la biologie.

Son parcours

Originaire de la région, Nathalie Vergnolle a entamé ses études à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. Après un master en pathophysiologie puis une thèse dans un laboratoire de l’Inra sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, c’est finalement au Canada, au sein de l’Université de Calgary, qu’elle démarre sa carrière en tant que chercheuse dans le Laboratoire de John Wallace.

Après dix ans, l’envie de retourner en France se laissant finalement sentir, elle intègre l’Inserm de Toulouse en tant que Directrice de Recherche et est soutenue par deux fondations - la fondation Bettencourt-Schueller et la fondation Schlumberger - qui lui permettent de monter une équipe de recherche dans le domaine de la santé digestive.

En étudiant le paysage toulousain en matière de gastroentérologie, on s’est rendu compte qu’il y avait une véritable attente pour créer un institut. Il y a beaucoup de chercheurs travaillant déjà sur ces thématiques, mais séparément. Ils manquaient donc de visibilité. La nécessité de regrouper ces équipes en un institut dédié s’est donc laissé sentir.


Nathalie Vergnolle est ainsi à l’origine de la création de l’Institut de Recherche en Santé Digestive (IRSD) de Toulouse. Inauguré en 2016, cette structure de recherche unique en France rassemble des forces de recherche autour d’un but commun : améliorer la compréhension de la physiopathologie de l'appareil digestif.

Devenue directrice de cet institut, Nathalie Vergnolle est également en charge de l’équipe “ Pathophysiologie de l'epithelium intestinal “ qui a pour objectif de comprendre les mécanismes des pathologies associées à un dysfonctionnement de l’épithélium intestinal (1).


Syndrome de l'intestin irritable : Identification de l’enzyme responsable


À l’origine de ces travaux de recherche, il y a la pathologie du syndrome du colon rectal (syndrome de l'intestin irritable, ou IBS). Il s’agit d’un mal de ventre récurrent qui ne bénéficie pas de traitement et qui peut être associé à différentes causes (stress, nourriture...).


Cette pathologie que l’on pourrait également décrire comme une hypersensibilité viscérale n’a jusqu’alors jamais bénéficié d’approches satisfaisantes expliquant son origine dans l’intestin. Ce sont des protéines présentes dans les tissus intestinaux, les protéases, qui ont rapidement été identifiées comme jouant un rôle primordial dans les douleurs abdominales.


Il y a déjà plusieurs années, on avait montré qu’il y avait une augmentation de l'activité de ces protéases au sens large chez les patients malades en comparaison avec des individus normaux. Cependant, nous n’avions pas identifié quel membre de cette famille de protéases était vraiment en cause et de quelle façon.


En observant précisément ces protéases, leur forte activité au niveau de l’épithélium a rapidement pu être détectée dans les tissus des patients.


On a donc stimulé ces cellules avec différents types de stimuli qui ont du sens par rapport à ces pathologies. Par exemple, nous avons utilisé des hormones du stress. De là, nous avons pu observer que ces cellules relâchaient une activité protéolytique importante, en particulier une enzyme nommée trypsine-3.


L’étude dans son ensemble pointe sur cette enzyme comme étant l’enzyme à cibler si l’on souhaite avoir un effet bénéfique chez ces patients. Dès lors, il sera possible d'identifier, en collaboration avec un laboratoire pharmaceutique, des molécules capables d'inhiber l'action de la trypsine-3 et donc de soulager les patients.


Son meilleur souvenir


Nathalie Vergnolle nous confie que, d’une manière générale, la carrière d’un chercheur est remplie de bons et de mauvais souvenirs. Elle reste tout de même unanime sur un aspect de la recherche qui lui aura systématiquement laissé de bons souvenirs : “ Le plus plaisant c’est lorsque l’on fait une hypothèse et qu’après le test de celle-ci, même si on se rend compte qu’elle n’était pas du tout bonne, on peut tomber sur un résultat auquel on ne s’attendait pas. C’est tout simplement magique !


Les perspectives de recherche de l’Institut de Recherche en Santé Digestive


La création d’une nouvelle plateforme d’étude, en partie financée par la Région Occitanie, verra bientôt le jour au sein de l’IRSD.


Elle aura vocation à créer des modèles organoïdes en 3D d’intestin, mais aussi, et c'est une première mondiale, de vessie dérivées de tissus humains que l’on isole des cellules souches.


Aujourd’hui, nous sommes capables de reproduire un “mini-intestin”, ou plus exactement un organe épithélial dans toute sa complexité. C’est un outil d’étude fabuleux. Il va nous permettre de comprendre comment ces “mini-intestins“ peuvent se comporter dans des situations pathologiques précises. “


Un exemple d’application sera de prendre des tissus de patients qui ont des maladies inflammatoires ainsi que des tissus d’individus normaux, de les mettre en culture et d’observer comment ils se comportent. De là, il sera possible de traiter ces “ mini-organes “ par une approche médicamenteuse.


C’est donc à la fois un outil d’étude, mais aussi un outil de test thérapeutique. L’idée sera de pouvoir proposer à d’autres laboratoires, voire à des industriels, d’utiliser cette plateforme pour leurs tests de recherche.


Notes :

(1) Épithélium est est un ensemble de cellules (tissu) recouvrant la surface externe et les cavités internes de l'organisme - Vulgaris Santé

Laboratoires et Instituts :

L'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie est une Unité Mixte de Recherche du CNRS et de l'Université de Toulouse III Paul Sabatier

Le Laboratoire de Chimie de Coordination de Toulouse de Toulouse est un laboratoire propre du CNRS.

L’Institut de Recherche en Santé Digestive de Toulouse est sous les tutelles de l’Inserm, l'Université de Toulouse III Paul Sabatier, l'Institut National de Recherche en Agronomie et l’Ecole National Vétérinaire de Toulouse.

La plateforme organoïde est un projet appelé Organocan qui a été lauréat du fonds unique interministériel en 2014. Les équipes sont financées par la banque publique d'investissement, l'ex région Midi Pyrénées et Toulouse Métropole.