L’université de Nîmes sur Twitch : quand des chercheurs deviennent streamers
Publié par Hugo Khattou, le 15 décembre 2022 360
En mars 2021, l’université de Nîmes a lancé sa propre WebTV sur Twitch : Unimes_WebTV. Au programme différents podcasts, talk-shows et émissions animés par des chercheurs mais aussi des initiatives d’étudiants de l’université !
Ce projet ambitieux fait de l’université de Nîmes la première université française à lancer sa WebTV sur Twitch. Mais tout d’abord, est-ce que vous savez ce qu’est Twitch ? Si vous n’êtes pas familier avec la plateforme, une petite présentation s’impose.
Twitch : du gaming mais plus seulement !
Lancée en juin 2011, Twitch est une plateforme permettant de créer et diffuser des vidéos (des “streams”) en direct. Initialement conçue pour le gaming, Twitch permet à n’importe quel internaute d'enregistrer son écran ou sa caméra et de retransmettre l’enregistrement en direct. Les spectateurs du streamer (celui qui diffuse) peuvent alors regarder le stream de la personne qui joue et interagir avec lui grâce au chat intégré.
De nombreux streamers vivent aujourd’hui de leur passion et cela ne s’applique plus qu’à l’e-sport et au gaming. On peut aujourd’hui retrouver sur la plateforme des débats politiques ou encore des revues de l’actualité. La diversification des contenus sur Twitch attire de nouveaux acteurs, séduits par cette nouvelle manière de s’exprimer sur leurs activités.
(Source : unsplash - Mika Baumeister)
Les médias traditionnels ne sont donc plus les seuls à vouloir s’approprier la plateforme : sportifs, musiciens et bien d’autres débarquent sur Twitch en voyant le potentiel de cet outil. Dans cette dynamique de changement, la science et le monde de la recherche avaient dès lors un créneau à prendre.
Dans un contexte de pandémie où les organisations cherchaient à recréer du lien, l’université de Nîmes a donc décidé à son tour de se lancer sur Twitch. Pour mieux comprendre le projet, nous sommes allés à la rencontre de Yannick Martiquet, directeur de la recherche à l’université de Nîmes. Participant activement au développement de la WebTV en parallèle de son travail, nous avons pu lui poser quelques questions.
On vous explique tout sur ce projet !
Une victoire pour Unîmes : GG WP !
Pour Yannick Martiquet, le projet est pour l’instant une “belle réussite” à l’échelle de l’université. Les différentes émissions de la WebTV cumulent sur Twitch une cinquantaine de spectateurs sur leurs pics d’audience et réunissent en tout une centaine de personnes.
Sur les chats des émissions, on retrouve beaucoup d’étudiants de l’université mais pas seulement. Il est fréquent de voir sur les lives des anciens de l’université mais aussi des internautes tombant sur le stream par hasard (même si c’est plus rare). D’une manière générale, les retours sur le projet sont donc très positifs.
Yannick Martiquet explique que dans le cadre d’émissions comme Les vendredis de la recherche, les chercheurs demandent régulièrement à intervenir pour parler de leur travail.
Il y a beaucoup moins de réticence que prévu et certains chercheurs vont jusqu’à proposer des émissions récurrentes ! C’est le cas de l’émission hebdomadaire LeRoy de l'Histoire animée par Nicolas Leroy, Professeur d'histoire du droit et des institutions.
Un Twitch à la “sauce Unîmes”
Même si le confinement a accéléré les choses, le développement d’une chaîne Twitch était déjà en discussion depuis longtemps au sein de l’université.
Selon Yannick Martiquet, le live apporte une certaine flexibilité et présente moins de contraintes audiovisuelles à l’échelle d’une université qu’une chaîne YouTube, par exemple. De plus, le côté décontracté de Twitch permet au projet de se détacher de l’aspect “institutionnel” que peut avoir l’université.
De plus, les adeptes de Twitch sont habitués à des formats longs. Des lives de plus 3 heures, c’est chose commune sur la plateforme ! Le format du live Twitch s’adapte alors assez bien aux objectifs de la WebTV de l’université : présenter la recherche dans des émissions laissant du temps aux intervenants.
Pour le développement de la chaîne et des émissions, l’université de Nîmes a décidé de tout faire à sa manière. Il est évident qu’un conférencier a déjà une certaine expérience concernant l’animation. Parler d’un sujet plusieurs heures devant des centaines de personnes n’est pas une chose facile : cela peut même être comparable à un stream en présentiel.
Grâce à leurs compétences, les intervenants ont juste eu à comprendre les codes de Twitch pour se les approprier à leur façon. Finalement, il n’y a donc pas eu une inspiration majeure ou un “modèle” pour la création des émissions mais plutôt des idées reprises à la “sauce Unîmes”.
Une WebTV motrice de lien et d’interactivité
Il semble y avoir un consensus concernant l’interactivité du format de Twitch. En prenant l’exemple d’une conférence en présentiel, Yannick Martiquet explique qu’il est difficile, par peur du jugement, de prendre la parole pour ceux qui ne sont pas experts du sujet. Cependant, on ne retrouve pas ce blocage sur Twitch. Sur le chat, on se sent plus libre de poser une question.
Cependant, pour les émissions de la WebTV d’Unîmes, Yannick Martiquet précise que la qualité des émissions ne repose pas uniquement sur l’interaction. Trop de messages sur un chat peuvent également bloquer l’interaction, le streamer ne sachant plus où donner de la tête.
Autrement dit, si les intervenants de l’université n’arrivent plus à lire les nombreux messages du chat, il ne peuvent pas savoir si les spectateurs comprennent les explications. La médiation va alors rapidement perdre en qualité.
Pour garder cet aspect interactif sans en perdre le contrôle, les émissions de la WebTV de l’université consacrent un certain temps à des jeux. Lors de ces jeux, le chat participe en répondant à différents sondages et questions mais aussi en interagissant entre eux.
Pendant le confinement, Yannick Martiquet a d’ailleurs utilisé le format de Twitch dans le cadre de ses cours sur Teams. Proposer le chat comme outil de discussion avec le professeur mais aussi entre les élèves est une solution efficace pour créer de l’interactivité.
L’avenir de la WebTV
Sur le long terme, Yannick Martiquet aimerait développer le gaming sur la WebTV de l’université. Le but n’est cependant pas de devenir une chaîne gaming mais plutôt d’intégrer le jeu vidéo dans la médiation scientifique.
L’université de Nîmes a déjà organisé des tournois e-sport et d’autres événements axés gaming dans le passé. Le but ici serait davantage de montrer qu’un jeu vidéo peut également devenir un support d’analyse scientifique.
Les projets à long terme de cette WebTV seront dépendants des choix que Twitch va faire dans les années à venir. Vous le savez tous, nous vivons dans un monde où une plateforme comme Twitch peut rapidement prendre (ou perdre) de l’ampleur selon son évolution.
Dans tous les cas, Twitch va se diversifier et certains contenus vont perdurer plus longtemps que d’autres. La WebTV d’Unîmes doit alors prendre conscience de ses limites en tant que chaîne spécialisée dans la recherche sur une plateforme de divertissement.
Twitch peut être un outil intéressant pour expliquer et vulgariser la recherche, mais l’apprentissage passe toujours par un côté moins “divertissant” que ce que Twitch peut proposer. Finalement, Twitch ne peut donc pas radicalement transformer nos manières d’apprendre mais peut apporter une plus value à cet ensemble de processus d'apprentissage.
La WebTV de l’université de Nîmes reste ouverte à toute initiative de la part de ses étudiants et enseignants. Les émissions restent quant à elles accessibles à tous ! Vous pouvez les retrouver en direct sur leur chaîne Twitch ou en rediffusion sur le YouTube de l’université.
(Crédits visuel principal : Guide 3D Unîmes)